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Emploi - Comment les maisons de l'emploi s'adaptent à la nouvelle donne

Confrontées à une baisse importante des crédits de l'Etat, les maisons de l'emploi doivent s'adapter à leur nouveau cahier des charges. Les exemples de fusions avec d'autres structures de l'emploi (missions locales, Plie...) se multiplient. A Marseille, la maison de l'emploi s'est lancée dans une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriale (GPECT) dans le domaine de la logistique urbaine et de la réparation navale. Mais toutes ne parviennent pas à passer le cap. Les fermetures se multiplient.

Dieppe, Alençon, Argentan… au cours des derniers mois, de nombreuses maisons de l'emploi, parmi les 182 existantes, ont dû fermer leurs portes. En cause : la baisse importante des crédits de l'Etat qui sont passés de 82,2 millions d'euros en 2010 à 26 millions d'euros en 2014, abstraction faite des 10 millions d'euros qu'elle perçoivent pour des actions liées à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). La seule maison d'Argentan a ainsi vu sa subvention de l'Etat divisée par deux (de 130.000 à 50.000 euros). Elle a été contrainte de fermer en 2014, les collectivités n'ayant pu compenser le désengagement de l'Etat…
L'une des solutions qui s'offrent aux maisons de l'emploi pour pallier cette diminution de crédits est de se regrouper entre elles, voire de fusionner avec d'autres structures, les missions locales et les plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie) notamment. A Tourcoing-Lys, la maison de l'emploi se prépare ainsi à fusionner avec la mission locale et le Plie, au sein d'une entité juridique unique, avec un seul directeur à sa tête. 
Un même rapprochement a été décidé à la communauté de commune du Coeur de l'Avesnois, dans le Nord-Pas-de-Calais. Réussir en Sambre, maison de l'emploi Sud-Avesnois, mission locale rurale et Plie de l'Avesnois et de Fourmies-Trélon : toutes ces structures seront bientôt regroupées. A Dunkerque, même démarche, avec la fusion-absorption de la maison de l'emploi au sein de l'association "Entreprendre ensemble", qui compte le Plie, la mission locale et le fonds local emploi solidarité...

Un institut de l'entreprise et de l'innovation sociale (Iedis) à Montbéliard

A Montbéliard, une nouvelle structure, l'institut de l'entreprise et de l'innovation sociale (Iedis), est née de la fusion juridique de la maison de l'emploi avec la mission locale. L'institut a été créé à l'initiative de la communauté d'agglomération Pays de Montbéliard Agglomération. "L'idée est de promouvoir une approche partenariale, développer la culture formation et l'innovation sociale sur un territoire en forte mutation", explique à Localtis Marie-Pierre Granjon, directrice adjointe de l'Iedis. L'institut propose plusieurs services : un appui aux recrutements et à la GPEC pour les entreprises, un accompagnement des publics (information/orientation, accompagnement des jeunes, projets d'insertion) et la mise en place de partenariats, notamment d'un conseil scientifique regroupant élus, universitaires, entreprises, techniciens sur l'évolution territoriale et les besoins en compétences. Côté financement, l'institut dispose d'un budget de 2,6 millions d'euros et "la pérennité des services proposés est garantie par une diversification des sources de financement en complément du financement par Pays de Montbéliard Agglomération et des cahiers des charges maison de l'emploi et mission locale", détaille la directrice adjointe. Un projet de rapprochement entre la maison de l'emploi de Montbéliard et celle de Belfort est également en cours d'étude. L'idée de ces fusions est de mutualiser des moyens en diminution pour poursuivre, à travers des partenariats, les activités d'emploi et d'insertion.
La baisse des crédits de l'Etat conduit aussi parfois les communautés d'agglomération à faire cavalier seul. Certaines décident ainsi d'ouvrir des services emploi, dont les missions et objectifs sont proches des maisons de l'emploi. A Angers, les équipes et actions de la maison de l'emploi ont été reprises par l'agence de développement économique. En Sarthe, trois maisons de l'emploi couvraient l'ensemble du département, l'une située au Mans, l'autre à La Ferté-Bernard et une dernière à Sablé-sur-Sarthe. Ces deux dernières ont fermé et leur activité a été reprise par l'agence de développement économique. La troisième, celle du Mans, poursuit son activité.

Une évolution initiée par les collectivités

Pour Marie-Pierre Establie d'Argencé, déléguée générale d'Alliance Villes Emploi (AVE), il n'y a pas une généralisation de ces pratiques mais bien une évolution, initiée par les collectivités locales. "Cela vient du fait que les élus en ont marre des atermoiements de l'Etat quant aux budgets et qu'ils ne veulent plus subir son intervention contraignante (limites d'intervention des maisons de l'emploi…)." Une manière pour les élus de "reprendre leur liberté sur ces aspects d'emploi et de retransformer les maisons de l'emploi en outils purement territoriaux, véritablement imbriqués avec le développement économique", d'après Marie-Pierre Establie d'Argencé, qui ne cautionne toutefois pas ces nouveaux développements car ils se privent de la gouvernance partagée entre l'Etat, la région et l'intercommunalité.
Pour compliquer le tout, d'autres projets ressemblent à des maisons de l'emploi mais n'en sont pas. Exemple : Thionville Emploi, un service ouvert depuis janvier 2015, développé par la municipalité. Il s'agit pour la ville de créer une plateforme d'innovation sociale, en partenariat avec Pôle emploi, les agences d'intérim et les associations spécialisées dans l'insertion et la formation professionnelle, comme Cap Emploi, et de créer un pont avec les habitants. Le service offre un accompagnement individualisé à toute personne qui se présente : rédaction d'un CV, montage de projet professionnel, présentation des dispositifs de formation… Thionville Emploi propose aussi des services aux entreprises (présélection de candidats, voire mise à disposition de locaux). "C'est un service municipal comme il y en a eu de nombreux dès 1986, explique Marie-Pierre Establie d'Argencé. A la création des maisons de l'emploi, certains de ces services municipaux ou structures municipales ont évolué vers une maison de l'emploi et d'autres pas."

S'organiser pour mieux répondre au nouveau cahier des charges

En dehors des problèmes de restructurations, les maisons de l'emploi doivent s'organiser au mieux pour se recentrer sur les axes de travail imposés par leur nouveau cahier des charges qui date de 2013 : l'anticipation des mutations économiques et au développement local de l'emploi. En région Provence-Alpes-Côte d'Azur, la maison de l'emploi de Marseille coordonne ainsi une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriale (GPECT) dans le domaine de la logistique urbaine et de la réparation navale. En matière de logistique urbaine, les besoins sont importants à Marseille : le secteur devrait recruter 1.300 personnes en 2015. Il emploie déjà 16.000 salariés. La maison de l'emploi a réalisé un diagnostic du secteur et a proposé avec ses partenaires un plan d'actions comportant notamment un volet sur l'évolution et le développement des compétences, une enquête sur les recrutements de cinquante entreprises de la filière, un diagnostic sur les conditions de travail et une réflexion sur l'attractivité des formations et des métiers du secteur.
Concernant le secteur de la réparation navale, le travail de la maison de l'emploi consiste à élaborer des actions de promotion des métiers, à construire une cartographie des compétences attendues et des compétences transférables, et à mettre en place un dispositif de mutualisation des besoins en formation des entreprises pour construire des actions de formation collectives. La filière, avec ses sous-traitants, emploie jusqu'à 400 personnes en période de pics d'activité, en grande partie en intérim. Et le chantier naval de Marseille a quant à lui programmé à court terme 30 à 40 recrutements. Une manière pour la maison de l'emploi de jouer pleinement son rôle d'animateur de la concertation avec les acteurs de l'emploi et les entreprises en matière de GPECT.

Le devenir du service public de l'emploi en question

Face à ces évolutions, et à la baisse continue des moyens des maisons de l'emploi, AVE réclame une réflexion de fond sur le devenir du service public de l'emploi. "Nous ne pouvons pas continuer à nous battre pour maintenir des structures qui ont fondamentalement une raison d'être", estime Marie-Pierre Establie d'Argencé. A l'heure actuelle, le projet de loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (Notr), qui va repasser devant l'Assemblée à partir du 29 juin, prévoit que l'Etat pourra déléguer aux régions qui le souhaitent la mission de coordonner l'action des différents intervenants du service public de l'emploi (missions locales, Plie, Cap Emploi, maisons de l'emploi notamment), hors Pôle emploi. "Il n'y a pas de pilote, chacun veut garder son joujou", a fustigé le président des régions, Alain Rousset, le 9 juin, citant l'exemple de la Bretagne où 150 structures cohabitent. "On veut remettre le chômeur et l'entreprise au coeur du dispositif", a-t-il soutenu. Mais pour AVE, plutôt que de donner la compétence aux régions ou à l'Etat, il serait plus judicieux de miser sur une gouvernance tripartite, entre l'Etat, les régions et les intercommunalités.