Emploi - Maisons de l'emploi : le rapport d'évaluation préconise deux ans de répit
"Il faut noter qu'aucun des partenaires auditionnés n'a suggéré la suppression des maisons de l'emploi. Au contraire il y a unanimité des partenaires pour reconnaître le rôle indispensable des maisons de l'emploi pour porter des projets territoriaux." Dans sa lettre accompagnant son rapport, Patricia Bouillaguet, personnalité qualifiée au Conseil national de l'emploi (CNE) et présidente du groupe de travail sur les maisons de l'emploi, est claire : les maisons de l'emploi ont leur utilité. Depuis plusieurs années, ces structures vivent pourtant dans un contexte mouvant, avec des financements à la baisse, des changements dans leur cahier des charges qui se sont traduits par un recentrage de leurs actions sur l'anticipation des mutations économiques et le développement local de l'emploi, et, surtout des interrogations quant à leur efficacité.
Côté budget, en 2014, dans le cadre de la loi de finances, le gouvernement a prévu une réduction de moitié de leurs crédits, de 54 millions d'euros d'autorisations d'engagement en 2013 à 26 millions d'euros. 10 millions d'euros ont toutefois été ajoutés et réservés aux actions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC).
Concernant leur efficacité, mise en doute à plusieurs reprises, une mission avait été confiée à Patricia Bouillaguet, dans le cadre d'un arrêté du 18 décembre 2013. Son rapport d'évaluation portant sur la période 2010-2013 a été remis au ministère du Travail le 1er juillet 2014. Il avance plusieurs préconisations pour faire évoluer les maisons de l'emploi dans une période transitoire d'au moins deux ans. Deux ans durant lesquels l'Etat devra maintenir "un cadre de stabilité dans ses financements et son cahier des charges", insiste Patricia Bouillaguet dans son courrier.
Servir de relais territoriaux
Le groupe de travail estime qu'il faut que les maisons de l'emploi inscrivent leur activité dans les politiques régionales de développement économique, d'emploi et de formation professionnelle. "Les maisons de l'emploi pourraient demain constituer des structures d'appui et de relais territoriaux dans une perspective de territorialisation accrue des politiques régionales emploi-formation", détaille ainsi Patricia Bouillaguet.
Les maisons de l'emploi pourraient ainsi fournir des informations généralistes auprès des professionnels et des publics sur les métiers et les formations, jouant le rôle de relais territoriaux des Carif (centres d'animation, de ressources et d'information sur la formation) et des Oref (observatoires régionaux emploi formation). Elles pourraient aussi apporter des prestations de premier niveau d'information, d'accueil et d'orientation en complément des structures d'accueil-information-orientation (AIO). Certaines régions, comme la région Rhône-Alpes, réfléchissent déjà à ce type d'organisation, intégrant l'action des maisons de l'emploi dans leur service public régional d'orientation.
D'après le groupe de travail, les maisons de l'emploi pourraient aussi être des relais pour "mettre en place l'approche GPEC territoriale, animer l'interface avec les organismes de formation pour la mise en place du compte personnel de formation, permettre le travail collaboratif sur les territoires entre organismes de formation, entreprises, et structures d'accueil, d'information et d'orientation des publics…". Dans ce cas, comme le précise Patricia Bouillaguet, il faudrait construire des lieux d'animation et de pilotage régional d'animation des maisons de l'emploi, partagés entre l'Etat, les régions et les partenaires sociaux, correspondant probablement aux nouveaux comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop) créés par la dernière loi sur la formation professionnelle.
Une contractualisation avec Pôle emploi
Autre préconisation : renforcer la lisibilité des maisons de l'emploi et la complémentarité de leur offre de services par rapport à celles des acteurs de l'insertion, de l'emploi et de la formation professionnelle. Pour la complémentarité, Patricia Bouillaguet préconise de développer la contractualisation entre ces acteurs, et notamment avec Pôle emploi. Côté lisibilité, elle estime qu'il faut poursuivre sur plusieurs années le recentrage des actions des maisons de l'emploi décidé dans leur dernier cahier des charges, "moyennant quelques adaptations si nécessaire". Un principe qui permettrait aux maisons de l'emploi d'inscrire leurs actions et leurs partenariats dans la durée, chose qu'elles n'ont pas pu faire depuis longtemps…
Le groupe de travail estime enfin qu'il faut mettre en place un comité de pilotage et de suivi des maisons de l'emploi. La mission a ainsi relevé le manque de données quantitatives consolidées au niveau national et de travaux d'évaluation sur les actions menées par les maisons de l'emploi. Elle propose aussi d'organiser "l'action des maisons de l'emploi dans un périmètre cohérent avec les zones d'emploi et de développement économique", quitte à opérer des regroupements de maisons de l'emploi là où elles sont trop nombreuses, ou à étendre leur périmètre d'action pour éviter de laisser des zones blanches.
Emilie Zapalski
Placement des demandeurs d'emploi : Jean-Patrick Gille critique le manque de visibilité de l'efficacité des opérateurs privés de placement
Jean-Patrick Gille n'a pas mâché ses mots quant à l'intervention d'opérateurs privés de placement (OPP) pour le compte de Pôle emploi pour l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Le député de l'Indre-et-Loire est monté au créneau, à l'occasion de l'audition de la Cour des comptes et de Pôle emploi le 1er juillet 2014, par la commission des finances de l'Assemblée nationale : "On lit toujours un peu le même rapport, qui fait part de ses réserves méthodologiques, et qui en gros, dit 'c'est pas terrible mais enfin on va continuer quand même un peu…', cela me stupéfait légèrement, cet engouement pour les OPP sans administrer la preuve de leur efficacité", a-t-il fustigé, réclamant une évaluation du coût du suivi, de l'accompagnement et du placement selon les opérateurs, Pôle emploi, missions locales, opérateurs externes.
Les responsables de la Cour des comptes ont divulgué quelques-unes des préconisations du rapport d'enquête sur le recours par Pôle emploi aux opérateurs privés de placement que celle-ci en cours d'élaboration. Les magistrats proposent que Pôle emploi poursuive le recours aux opérateurs privés pour le placement des demandeurs d'emploi, mais avec des conditions. Ils préconisent ainsi de prendre en compte dans les nouveaux marchés à venir un critère de qualité technique, de rejeter des offres tarifaires qui apparaîtraient comme anormalement basses, et d'impliquer les équipes de direction des agences dans la gestion des flux orientés vers les opérateurs privés. Concernant les difficultés méthodologiques, la Cour estime nécessaire de mettre en place, dès le départ et pour toute prestation extérieure, les conditions d'une évaluation.
Emilie Zapalski