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Education - "Comment l'école primaire du XXIe siècle pourrait-elle ne pas être intercommunale ?"

La circonscription du premier degré sera intercommunale ou ne sera plus. Telle est la vision prospective développée et argumentée par les inspectrices générales Marie-Hélène Leloup et Martine Caraglio, dans leur rapport "Pilotage et fonctionnement de la circonscription du premier degré" remis à Najat Vallaud-Belkacem en juin dernier et tout juste publié. Deux hypothèses sont très précisément envisagées : l'évolution ou la disparition. Et chaque fois, le rôle des collectivités est détaillé.

Pour Marie-Hélène Leloup, inspectrice générale de l'Education nationale (Igen), et Martine Caraglio, inspectrice générale de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche (IGAENR), il est évident que le découpage des circonscriptions du premier degré, hérité du découpage par l'Eglise du territoire diocésain avant la Révolution, devrait être à l'avenir "en cohérence avec les communautés de communes". C'est le seul moyen d'aboutir à un "partenariat constructif" avec les communes et leurs groupements, démontrent-elles dans leur rapport "Pilotage et fonctionnement de la circonscription du premier degré" remis à Najat Vallaud-Belkacem en juin dernier et publié le 20 novembre.
"Déjà, la réforme des rythmes à l'école primaire a modifié le paradigme du partenariat. Elle a signé le passage d'un modèle contributif des collectivités à l'effort éducatif de l'Etat à celui d'un projet coconstruit entre plusieurs acteurs territoriaux", observent les auteures du rapport. Dès lors, "Comment l'école primaire du XXIe siècle pourrait-elle ne pas être intercommunale ?", interrogent-elles.

Des maires aujourd'hui réticents à déléguer leur compétence scolaire

Et elles s'interrogent vraiment. C'est-à-dire qu'elles ne passent pas sous silence le fait qu'aujourd'hui "la plupart des élus sont non seulement réticents à fonctionner en réseau d'écoles mais encore plus à confier la compétence scolaire à la communauté de communes", mettant en avant le sentiment que "la relation à la municipalité est inscrite dans les gènes de l'école".
Car si "les communes qui le souhaitent peuvent confier à un EPCI soit la compétence relative au service des écoles, soit la compétence relative à l'investissement et au fonctionnement des établissements scolaires, soit les deux", comme le rappelle le rapport, rares sont celles qui le font de bon cœur. Certes une partie des maires passent le pas parce qu'ils sont "fortement impliqués dans l'EPCI" (et a priori convaincus des bienfaits de l'intercommunalité), mais d'autres le font parce qu'ils ont été échaudés par la complexité de la réforme des rythmes scolaires, ou encore parce qu'ils "se rendent compte que le budget de leur commune est complètement absorbé par l'école".

"Que des avantages à faire coïncider circonscriptions et intercommunalités"

Et pourtant "il n'y aura que des avantages à faire coïncider circonscriptions et intercommunalités", estiment les auteures du rapport. Par exemple, cela faciliterait le dialogue de l'Education nationale avec les communes, au sens où l'inspecteur de l'Education nationale (IEN, celui qui est chargé de la circonscription sous l'autorité du Dasen/directeur académique des services départementaux de l'Education nationale) aura "un interlocuteur en la personne du président de la communauté de communes".
Les inspectrices listent d'autres avantages comme la convergence des réseaux d'écoles avec un EPCI, la mutualisation des moyens et la péréquation entre les écoles au travers du budget de l'EPCI... "et, surtout, le conventionnement possible sur l'évolution du réseau scolaire ainsi que la définition d'orientations stratégiques au niveau de la communauté de communes et de la circonscription, notamment en matière de carte scolaire mais aussi de qualité et de cohérence de l'offre éducative et péri-éducative". Et les auteures se prennent à rêver d'un périmètre des circonscriptions qui "pourrait s'élaborer dans un dialogue IA‐Dasen/élus de l'EPCI en fonction de la carte – stabilisée – des intercommunalités et, bien sûr, croiser la carte des collèges (flux des écoles vers les collèges)".
Le rapport ne cache pas que "trois éléments au moins conditionnent sa mise en œuvre". A savoir : la généralisation des compétences scolaires par des intercommunalités ; la taille suffisante de la communauté de communes (qui correspondrait à "une ou plusieurs circonscriptions") ; la mise en place d'une intercommunalité réellement "de projet".

Disparition des circonscriptions - scénario 1 : ressusciter les Epep

Les inspectrices Marie-Hélène Leloup et Martine Caraglio envisagent une seconde hypothèse bien plus radicale que la convergence entre circonscriptions et intercommunalités : elles suggèrent carrément la disparition des circonscriptions. Pour y parvenir, elles se sont projetées dans deux scénarios bien distincts.
Le premier scénario rappellera des souvenirs à beaucoup, puisqu'il ressuscite les "Epep", ces "établissements publics d'enseignement primaire" introduits à titre expérimental dans la loi du 13 août 2004 relative aux responsabilités locales, mais dont le décret d'application n'a jamais vu le jour. L'article en question (art. 86) avait fini par être abrogé par la loi Warsmann du 17 mai 2011. Entre temps, une proposition de loi avait déjà tenté, en 2008, de faire revivre l'Epep – sur fond de vives contestations de l'Association des maires de France (AMF) notamment - mais le texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour des assemblées (pour revivre le feuilleton, voir les articles de Localtis ci-contre, publiés entre janvier 2007 et avril 2011).
Le fonctionnement de cet Epep nouvelle formule se rapprocherait de celui d'un EPLE (établissement public local d'enseignement). Le directeur d'école deviendrait "chef d'établissement". Il serait "un véritable relais au sein de l'école" pour les questions d'organisation, d'administration et de gestion, "mais également sur la cohérence de l'offre éducative notamment en zone rurale".

Un chef d'Epep, un conseil d'administration, une autonomie budgétaire...

Son statut de "directeur, chef d'établissement" permettrait de "répondre plus facilement aux exigences des nouvelles réformes, notamment l'organisation du temps scolaire, l'articulation avec le temps périscolaire, et dans ce cadre la gestion des personnels", estiment les deux inspectrices. "Cela assurerait au directeur une véritable légitimité", notamment pour coordonner l'équipe éducative et "assumer les relations auprès des communes".
Comme les collèges et les lycées, l'Epep disposerait d'un conseil d'administration qui se substituerait aux différents conseils d'écoles et "élaborerait un projet (pour l'ensemble des écoles dans le cas de groupement)". Et il aurait une autonomie budgétaire "avec un budget alimenté par les communes concernées". C'est au niveau de l'établissement que s'effectuerait la répartition des emplois entre les écoles qu'il rassemblerait et le partage des ressources.
Les inspectrices ont identifié un premier problème, "celui de la volonté de la ou des communes concernées d'accepter, d'une part, une autonomie budgétaire de l'établissement (aujourd'hui, les écoles adressent pour leurs achats des bons de commande à la commune) et, d'autre part, d'investir même partiellement dans le budget d'un établissement intercommunal (cas des regroupements)". Et de conclure : "L'intercommunalité et sa compétence sont encore une fois le noeud crucial".

Disparition des circonscriptions - scénario 2 : créer un EPSC

Le deuxième scénario envisagé pour remplacer la circonscription serait de créer un établissement public du socle commun (EPSC) école-collège, qui scolariserait les élèves de l'école maternelle à la classe de troisième, et qui permettrait d'affirmer une "continuité pédagogique". C'est le scénario préféré de Marie-Hélène Leloup et Martine Caraglio.
Chaque EPSC serait créé par arrêté du préfet sur proposition du département, de la ou des communes "et, le cas échéant, de l'EPCI". Les collectivités de rattachement (département, commune ou EPCI) pourraient alors déterminer par voie de convention la part de leur contribution respective au budget de l'établissement et ses modalités de fonctionnement. Dans chaque EPSC serait institué un conseil d'administration "où la participation des communes et des personnels du premier degré serait à définir précisément", dit le rapport, précisant que "l'établissement pourrait avoir le choix entre un seul ou deux CA, comme dans les cités scolaires".
Les élus rencontrés par les inspectrices auraient été "partagés quant à l'hypothèse d'un rattachement des écoles au collège". Sans surprise, "les présidents de communautés de communes qui ont la compétence scolaire n'y voient aucun inconvénient, à condition bien sûr que les secteurs de collège correspondent à la carte des intercommunalités. En revanche, les maires de petites communes qui administrent seuls leurs écoles craignent d'être dépossédés à terme de leur compétence scolaire", rapportent-elles.

"Les élus veulent avant tout des interlocuteurs responsables et accessibles"

Des deux hypothèses - l'évolution ou la disparition – les élus n'auraient pas vraiment confié leur préférence. "Ils veulent avant tout des interlocuteurs responsables et accessibles", rapportent les inspectrices. Aujourd'hui, "l'interlocuteur naturel demeure le Dasen ou l'IEN pour l'adjoint ou le maire d'une grande ville comme Toulouse, Nice ou Lille", ont-elles constaté, "en revanche les maires des autres communes ou les représentants des intercommunalités identifient d'abord l'IEN comme l'interlocuteur institutionnel, représentant l'Education nationale, après les directeurs d'écoles, interlocuteurs quotidiens".
Les élus sollicitent les IEN "pour du conseil, de l'expertise mais aussi pour de la médiation en cas de divergence ou de conflit avec un enseignant ou un directeur", par exemple lors de la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires. Les Dasen de leur côté ont rendu compte d'un "resserrement du lien avec les élus" sur plusieurs dossiers : les rythmes, mais aussi les projets éducatifs territoriaux (PEDT), l'évolution du réseau des écoles ou encore "l'émergence des problématiques liées à la sécurité".

Des élus partagés selon le contexte géographique

Lorsque les inspectrices ont testé auprès des élus leur scénario préféré, celui de créer un établissement public du socle commun (EPSC) école-collège, les réactions ont là encore divergé selon le contexte géographique. En milieu rural, les élus rencontrés se satisfont de l'absence de statut pour l'école et pour son directeur : la situation actuelle leur permet une relation quotidienne avec le directeur sur le fonctionnement et l'organisation de l'école, et "quand il y a un dysfonctionnement, c'est l'IEN qui cadre l'action".
En zone urbaine en revanche, "les élus urbains et leurs services considèrent parfois qu'un responsable, disponible pour gérer les écoles, serait souhaitable. Non que l'IEN ne le soit pas – la relation est directe et aisée – mais elle ne se situe pas forcément à un niveau suffisamment localisé pour être efficiente dans tous les domaines de la gestion courante", rapportent les inspectrices.
Quoi qu'il en soit et "quel que soit le devenir de l'entité circonscription et du statut de l'école, les communes ou communautés de communes ne veulent plus être seulement des gestionnaires d'équipements. Les élus revendiquent entre l'Education nationale et la collectivité des temps de travail partagés, des instances où échanger sur la vision du territoire".

 

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