Commande publique - Comment deux collectivités peuvent-elles conduire ensemble des travaux?
Dans ses réponses à deux questions parlementaires, le ministre de l'Economie vient de préciser les conditions dans lesquelles les collectivités publiques peuvent faire des travaux ensemble. A première vue, il existe deux solutions : soit le groupement de commandes (article 8 du Code des marchés publics, CMP), soit la comaîtrise d'ouvrage au sens de la loi Maîtrise d'ouvrage publique du 12 juillet 1985, dite "loi MOP".
Loi MOP ou groupement de commandes, quelles différences ?
Le recours au groupement de commandes comporte des avantages pour les collectivités. Les coûts de gestion sont partagés, des volumes d'achat plus importants permettent généralement des économies. Le ministre indique que "lorsque les ouvrages peuvent être réalisés séparément, mais qu'il est plus opportun de les faire en commun ou lorsqu'ils sont tellement imbriqués qu'il est impossible ou très difficile d'envisager que chacun des maîtres d'ouvrage réalise la part qui lui revient, ceux-ci peuvent recourir au groupement de commandes prévu à l'article 8 [du] CMP". La coordination de l'ensemble des opérations relatives à la passation des marchés sera alors confiée à l'un des maîtres d'ouvrage. En revanche, le coordonnateur ne pourra pas exercer seul les obligations de chaque maître d'ouvrage.
La procédure de comaîtrise d'ouvrage prévu à l'article 2-II de la loi du 12 juillet 1985 (rédaction de 2004) répond à cette difficulté. "Lorsque la réalisation, la réutilisation ou la réhabilitation d'un ouvrage ou d'un ensemble d'ouvrages relèvent simultanément de la compétence de plusieurs maîtres d'ouvrage, ces derniers peuvent désigner, par convention, celui d'entre eux qui assurera la maîtrise d'ouvrage de l'opération." Cependant, pour que cette procédure puisse s'appliquer, il doit exister une véritable comaîtrise d'ouvrage entre les différentes collectivités publiques. Et qu'est-ce qu'une "vraie" comaîtrise d'ouvrage ? La situation est simple lorsqu'un ouvrage unique est réalisé et que les collectivités publiques en ont ensuite la copropriété. En revanche, lorsque plusieurs ouvrages sont réalisés, les collectivités doivent clairement montrer leur volonté de réaliser une opération unique. Par exemple par "l'unicité architecturale du projet, la complémentarité des ouvrages, l'existence de parties communes et la répartition de la jouissance des biens".
Quand loi MOP et groupement de commandes se croisent
En théorie, la distinction est donc claire. Mais il est des cas où les champs de la comaîtrise d'ouvrage et du groupement de commandes se recoupent. Ainsi, le député Daniel Fidelin interrogeait le ministre sur la nature de la convention constitutive de groupement de commandes. Lorsqu'un pouvoir adjudicateur confie à un autre le soin d'exécuter en son nom un marché de travaux portant sur un ouvrage soumis au champ d'application de la loi MOP, la convention constitutive du groupement (qui peut en ce cas être regardée comme confiant au coordonnateur du groupement un mandat assimilable à celui de l'article 3 de la loi du 12 juillet 1985), doit-elle comporter les éléments de l'article 5 de cette loi, sous peine de nullité ?
Dans le cadre d'un groupement de commandes, le coordonnateur peut se retrouver dans trois situations. Tout d'abord, il peut se voir confier l'organisation de l'ensemble des opérations de sélection des candidats. Dans ce cas, il appartient à chaque membre du groupement de signer et d'exécuter le marché. Il peut également se voir confier les missions de sélection, signature et notification du marché. Il appartiendra alors à chaque membre d'en assurer l'exécution pour ce qui le concerne. Enfin, il peut passer le marché, le signer et l'exécuter pour le compte de l'ensemble des membres du groupement.
Dans le cadre d'un marché de travaux, le coordonnateur placé dans les deux dernières situations est investi d'un mandat au sens de la loi MOP. Par conséquent, la convention constitutive du groupement doit se conformer aux exigences de l'article 5 de la loi du 12 juillet 1985 sous peine de nullité.
Eviter le groupement de commandes pour les marchés de travaux importants
Cependant, pour le ministère de l'Economie, la procédure de groupement de commandes n'est pas vraiment "appropriée pour les opérations de construction". Il vaut mieux l'utiliser pour les fournitures ou pour des petits travaux. En effet, cette procédure implique une pluralité de maîtres d'ouvrage : le choix des constructeurs doit ainsi être approuvé par chaque membre du groupement en sa qualité de maître d'ouvrage. D'où éventuellement des difficultés de coordination, ce qui n'était pas l'objectif.
L'Apasp
Références : Assemblée nationale, question écrite n°95922 de Daniel Fidelin, réponse publiée le 22 mars 2011 ; Assemblée nationale, question écrite n°91141 de Daniel Fidelin, réponse publiée le 29 mars 2011.