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Habitat - Collecte record pour le livret A

Le livret A devrait figurer dans le peloton de tête des gagnants de l'année 2008. La Banque de France a en effet publié, le 19 février, les chiffres de l'année 2008. La collecte nette du livret A - c'est-à-dire l'augmentation de l'encours - a été l'an dernier de 18,7 milliards d'euros. Ce chiffre est près de trois fois supérieur au précédent record de 7,05 milliards d'euros, qui remontait à 1995. A lui seul, le mois de décembre a enregistré 5,8 milliards d'euros de collecte nette, soit davantage que durant toute l'année 2007 (5 milliards d'euros). Au 31 décembre 2008, l'encours total sur les livrets A atteignait ainsi 139,2 milliards d'euros. La progression du nombre de titulaires est tout aussi importante, avec deux millions de détenteurs supplémentaires enregistrés en 2008.
Plusieurs facteurs expliquent ce résultat exceptionnel. Le premier est bien sûr l'anticipation de la banalisation du livret A au 1er janvier 2009, autrement dit la fin du monopole de la Poste et de la Caisse d'épargne et l'ouverture de la distribution aux banques commerciales. Ceci a permis de doubler le nombre de guichets proposant le livret A (44.000 au lieu de 22.000) et de relancer l'intérêt des épargnants pour ce produit traditionnel. La Poste et la Caisse d'épargne ont mis à profit leurs derniers mois de monopole de distribution pour mener une campagne intensive auprès de leurs clients. Cet élargissement du réseau - doublé d'une intense activité commerciale des banques, qui utilisent le livret A comme produit d'appel - s'est immédiatement traduit dans les chiffres du début de l'année. Depuis le 1er janvier 2009, soit en un mois et demi, la collecte est estimée à 14 milliards d'euros, tandis que 5 millions de comptes supplémentaires ont été ouverts, ce qui porte leur nombre total à 46 millions. Au-delà de l'impact de la banalisation, deux autres facteurs ont également joué : la sécurité du produit dans un contexte de très forte incertitude et d'effondrement des marchés financiers, et un taux très attractif de 4% entre le 1er août 2008 et le 1er février 2009.
Cette envolée du livret est-elle une bonne nouvelle pour le logement social, qui bénéficie de prêts financés grâce aux ressources du livret A ? La réponse à cette question est pour le moins mitigée. Côté pile, l'abondance de la ressource garantit que le logement social trouvera sans difficulté à se financer. Une contraction significative et durable de l'encours aurait au contraire risqué de peser sur les coûts de financement du secteur social et, par conséquent, sur les volumes de construction et sur l'évolution de l'offre. Mais, côté face, l'afflux de collecte observé sur 2008 et annoncé pour 2009 ne se traduira pas mécaniquement par une hausse de la construction de logement sociaux. Ces excédents risquent en réalité de n'avoir aucune utilité pour les organismes HLM. Comme l'indiquait Pierre Quercy, directeur général de l'Union sociale pour l'habitat (USH), dans une interview au quotidien Libération du 2 octobre 2008 : "Nous ne pouvons pas construire sans dotation budgétaire de l'Etat, puisque les excédents du livret A ne servent qu'à garantir les prêts, pas à financer les constructions proprement dites." Le délégué général de l'USH ajoutait que "sur le livret A, actuellement, il y a une collecte surabondante. Il y a plus d'argent que l'on peut en consommer". A l'époque, le gouvernement avait finalement renoncé à utiliser cet excédent de collecte pour financer le crédit aux PME (voir nos articles ci-contre). Mais, compte tenu des résultats du livret A sur 2008 et de ceux qui s'annoncent pour 2009, la question pourrait bien revenir sur le tapis.

 

Jean-Noël Escudié / PCA