Logement - Plan B pour le livret A

Devant la multiplication des réactions défavorables, le gouvernement a finalement changé son fusil d'épaule : contrairement à ce qu'annonçait François Fillon lors de la séance de questions orales du 1er octobre à l'Assemblée nationale, les excédents de collecte du livret A ne serviront pas à financer les PME, menacées par la contraction des crédits bancaires (voir notre article ci-contre). Cette décision est intervenue après une nouvelle réunion rassemblant, autour du chef de l'Etat, le Premier ministre et les ministres concernés. Dans une nouvelle version du plan de financement des PME, présentée dans la soirée du 2 octobre, ce sont finalement les excédents de collecte d'autres livrets d'épargne réglementée - livret de développement durable (LDD) et livret d'épargne populaire (LEP) - qui seront mobilisés. En pratique, les dépôts collectés par les banques au titre du LDD ne seront plus centralisés auprès de la Caisse de dépôts (alors qu'ils le sont aujourd'hui à hauteur de 9% de l'encours), tandis que ceux collectés au titre du LEP ne seront plus centralisés qu'à hauteur de 70%, contre 85% actuellement. Les sommes ainsi laissées à la disposition des banques seront obligatoirement affectées au financement des PME. Avec les autres mesures prévues par le plan - accroissement de 50% de la capacité de prêt d'Oseo grâce à une nouvelle ligne de refinancement de 2 milliards d'euros par la Caisse des Dépôts et augmentation de 2 milliards d'euros du volume des garanties accordées par Oseo sur les prêts bancaires aux PME -, ce sont ainsi environ 20 milliards d'euros qui vont être mobilisés pour le financement des PME, sans toucher au livret A.
Ce revirement aboutit à une situation paradoxale. La collecte sur le livret A s'apprête en effet à atteindre des niveaux historiques. Le 31 juillet dernier - c'est-à-dire avant que la crise prenne l'ampleur de ces dernières semaines et avant que les banques lancent leurs campagnes commerciales pour inciter leurs clients à ouvrir des livrets A à partir du 1er janvier 2009 -, le montant des fonds déposés sur les livrets A atteignait déjà 128,1 milliards d'euros, soit une hausse de 9,8% en un an. Or ces excédents de collecte ne seront d'aucune utilité pour le logement social. Ainsi que l'indiquait Pierre Quercy, directeur général de l'Union sociale pour l'habitat (USH), dans une interview au quotidien Libération du 2 octobre : "S'il y a des excédents exceptionnels, de toute façon, on ne va pas les consommer. Alors autant les utiliser pour une bonne cause. [...] Sur le livret A, actuellement, il y a une collecte surabondante. Il y a plus d'argent que l'on peut en consommer." Le montage financier de la production de logements sociaux repose certes sur les garanties de prêts permises par la collecte du livret A, mais aussi sur les subventions publiques. La hausse des premières n'a pas d'intérêt si les subventions ne suivent pas. Comme le souligne Pierre Quercy, "nous ne pouvons pas construire sans dotation budgétaire de l'Etat, puisque les excédents du Livret A ne servent qu'à garantir les prêts, pas à financer les constructions proprement dites". Pour le moment, les excédents de collecte du livret resteront donc sans destination. Mais si le "credit crunch" (contraction des prêts bancaires) qui menace les entreprises vient à s'aggraver, il est fort probable que la question de la mobilisation des excédents du livret A reviendra sur le tapis.

 

Jean-Noël Escudié / PCA