Logement - Banalisation du livret A : l'Assemblée nationale adopte une centralisation par la Caisse des dépôts de la totalité des dépôts
Au terme d'un long débat, les députés ont adopté, le 11 juin, les Articles 39 et 40 du projet de loi de modernisation de l'économie (LME), qui étendent aux banques privées la distribution du livret A et des livrets d'épargne assimilés. Vivement contestés par la gauche, qui voit dans cette disposition un "cadeau aux organismes bancaires" et "un produit d'appel que l'on va proposer aux différents organismes bancaires, qui risque de les pousser à proposer d'autres produits que le livret A et d'assécher, de siphonner le logement social", ces deux articles ont fait l'objet d'une pluie d'amendements, presque tous rejetés. La ministre de l'Economie s'est au contraire réjouie d'une réforme qui va porter à 40.000 le nombre de guichets distribuant le livret A. L'Assemblée nationale a toutefois adopté quelques aménagements au texte d'origine, issus pour la plupart des propositions du rapporteur pour avis. Ils visent tous à garantir l'affectation des fonds d'épargne collectés et à renforcer les contrôles sur leur utilisation.
Un amendement (numéro 243), adopté malgré les réserves du gouvernement, prévoit ainsi que la commission de surveillance de la Caisse des dépôts sera consultée sur le projet de décret fixant les modalités de calcul de la rémunération des banques pour la distribution du livret A. Elle sera aussi consultée sur le projet de décret fixant la rémunération complémentaire transitoire au bénéfice des distributeurs "historiques" du livret A (Amendement 251). La commission de surveillance devra également présenter chaque année au Parlement un tableau des ressources et des emplois du fonds d'épargne créé par l'Article 39 en vue de centraliser l'ensemble des fonds actuels (Amendement 244). Dans le même esprit, les députés ont décidé que l'Observatoire de l'épargne réglementée remettra chaque année au Parlement et au gouvernement un rapport "sur la mise en oeuvre de la généralisation de la distribution du livret A" (246 rectifié). Un autre amendement (242) prévoit d'affecter les fonds non centralisés du livret de développement durable (LDD) au financement des PME et aux travaux d'économie d'énergie dans les bâtiments anciens (l'une des mesures du Grenelle de l'Environnement). Enfin, les députés ont amélioré la mise en oeuvre du droit à un compte bancaire. Un amendement (numéro 492) prévoit en effet qu'"en cas de refus de la part de l'établissement choisi, la personne peut saisir la Banque de France afin qu'elle lui désigne un établissement de crédit à proximité de son domicile ou d'un autre lieu de son choix, dans un délai d'un jour ouvré à compter de la réception des pièces requises".
Seule surprise : les députés ont adopté, malgré l'avis défavorable du rapporteur et la demande de retrait du gouvernement, un amendement (numéro 21) présenté par plusieurs parlementaires de la majorité. Celui-ci prévoit la centralisation par la Caisse des dépôts de la totalité des dépôts collectés au titre du livret A et d'une partie de ceux collectés au titre du LDD (alors que le texte du gouvernement ne parle que d'une "quote-part" de ces dépôts). Il prévoit en outre qu'en cas de montant de centralisation des dépôts inférieur à 70% des sommes collectées au titre des livrets A et des LDD, une part supplémentaire des encours des LDD pourra être centralisée. En cas d'augmentation de la collecte de plus de 15% en douze mois, le ministre de l'Economie pourrait décider la restitution aux banques de l'excédent de liquidités centralisées à la Caisse des dépôts, après avis de l'Observatoire de l'épargne réglementée et de la commission de surveillance de la Caisse. Ces dispositions, jugées par Christine Lagarde "complexes" et manquant de visibilité pour le secteur bancaire, devraient sans doute être rapportées lors de l'examen du texte par le Sénat.
Jean-Noël Escudié / PCA
Référence : Projet de loi de modernisation de l'économie (examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 2 au 17 juin 2008).