Climat et Résilience : mise en œuvre du rapport Sichel sur l'accélération de la rénovation énergétique
Les députés ont achevé ce 13 avril l'examen du volet logement du projet de loi Climat et Résilience. Ils ont notamment intégré dans le texte les préconisations du rapport d'Olivier Sichel prévoyant de rendre progressivement obligatoire l'accompagnement des travaux de rénovation énergétique ou instaurant un "prêt avance mutation". Ils ont aussi ajouté la création d'un "carnet d'information du logement" et instauré un "droit de surplomb" destiné à faciliter les travaux d'isolation par l'extérieur. Les obligations du "décret tertiaire" ont en outre été renforcées pour les collectivités de plus de 50.000 habitants.
Après s'être attardée sur l'étendue et les échéances de la rénovation énergétique des "passoires thermiques" (voir notre article du 13 avril 2021), l'Assemblée nationale a achevé ce 13 avril l'examen du volet logement du projet de loi Climat. Au menu des derniers articles de ce volet du texte : l'obligation de l'accompagnement dans le cadre des travaux de rénovation énergétique, l'instauration d'un "carnet d'information du logement", la création du "prêt avance mutation", l'obligation d'un plan pluriannuel de travaux pour les copropriétés... Et plusieurs autres dispositions intéressant très directement les collectivités, notamment en matière de ravalement, de possibilité d'assurer le service public de la performance énergétique de l'habitat, ou encore d'obligation d'élaborer une stratégie pluriannuelle de réduction de la consommation énergétique de leur patrimoine immobilier.
Un accompagnement – progressivement - obligatoire des travaux de rénovation énergétique
Les députés ont ainsi adopté un amendement (n°4284) qui crée un article additionnel prévoyant la transmission automatisée des données des diagnostics de performance énergétique (DPE) à différents organismes : CAF, caisses de MSA, observatoire Orthi (outil de repérage et de traitement de l'habitat indigne)... Ce même amendement précise également – ce qui semble la moindre des choses – que le "permis de louer", prévu dans le cadre des procédures de lutte contre l'habitat indigne, est subordonné au respect des critères de décence du logement.
Pour sa part, l'article 43 clarifie l'organisation du service public de la performance énergétique de l'habitat. Il précise aussi l'offre de service aux ménages, à l'échelle des EPCI, en proposant sur l'ensemble du territoire national un accompagnement uniformisé, tout en permettant aux collectivités territoriales d'adapter l'offre de service aux besoins de leur territoire. Le texte initial de l'article a toutefois été profondément remanié, avec 14 amendements adoptés. Le principal (n°6145) est, de loin, celui du rapporteur (Mickaël Nogal, LREM, Haute-Garonne), qui introduit dans l'article plusieurs dispositions du récent rapport d'Olivier Sichel, le directeur général délégué de la Caisse des Dépôts et directeur de la Banque des Territoires, sur "une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés" (voir notre article du 17 mars 2021). Parmi les dispositions ainsi introduites figurent notamment l'encadrement de la mission d'accompagnement des ménages (assurée soit par des opérateurs agréés, soit par les structures porteuses du guichet du service public, qui devront également être agréées) ou la transmission, entre les différents intervenants, des données du parcours de rénovation des ménages. L'amendement prévoit surtout de rendre cet accompagnement progressivement obligatoire dans le cadre de l'octroi de MaPrimeRénov' ou des autres aides de l'Anah. Une première échéance de ce caractère obligatoire est fixée au 1er janvier 2023.
Le logement aura son "carnet d'information"
Un autre amendement à signaler (n°5014 et 7220) prévoit que, lors de la mutation d'un bien énergivore soumis à l'obligation d'audit énergétique préalable à la vente, le notaire transmet au service public de la performance énergétique de l'habitat les résultats de l'audit, ainsi que les coordonnées de l'acquéreur, à des fins d'information et de conseil (en vue de l'inciter à faire réaliser des travaux de rénovation énergétique). Cette transmission est toutefois soumise à l'accord de l'acquéreur, "afin de respecter le droit des données personnelles", ce qui risque d'en limiter la portée. Enfin, un amendement (n°7218) précise que le service public de la performance énergétique de l'habitat "peut être assuré par les collectivités territoriales et leurs groupements".
Un amendement (n°7222) du groupe LREM insère dans le projet de loi un article additionnel créant le "carnet d'information du logement" (CIL). Ce nouvel article détaille les modalités du CIL, dont l'objectif est "de faciliter et d'accompagner les travaux d'amélioration de la performance énergétique du logement ainsi que l'installation d'équipements de contrôle et de gestion active de l'énergie", en conservant les informations utiles sur le logement et la trace des travaux réalisés. Mis en place à partir du 1er janvier 2023, le CIL sera établi par le propriétaire, à l'issue de la construction du logement ou de travaux de rénovation ayant une incidence significative sur sa performance énergétique. En cas de vente, le CIL sera transmis au nouveau propriétaire.
Création du "prêt avance mutation" et plan pluriannuel de travaux pour les copropriétés
Un autre article additionnel inséré par amendement (n°5714) donne la possibilité à tous les maires d'instituer des périmètres de ravalement obligatoire sur le territoire de leur commune, sans en passer par un arrêté préfectoral préalable. L'article maintient toutefois pour Paris – et pour une liste de communes fixée par arrêté préfectoral sur proposition ou après avis des conseils municipaux – la règle (très modérément respectée) d'un ravalement obligatoire tous les dix ans.
De son côté, un amendement du gouvernement (n°5345) introduit un article additionnel instaurant le "prêt avance mutation" (PAM). Préconisé par le rapport d'Olivier Sichel, le PAM doit permettre aux ménages modestes ou à ceux qui ont des difficultés à accéder au crédit (notamment les ménages âgés) de financer le reste à charge des travaux de rénovation énergétique de leur logement.
L'article 44 du projet de loi n'a pas été modifié en séance publique, malgré 37 amendements déposés. Il prévoit notamment l'adoption d'un plan pluriannuel de travaux pour les copropriétés et la création des provisions correspondantes dans le fonds de travaux de la copropriété. L'objectif est de faciliter la réalisation de travaux de rénovation énergétique dans les immeubles en copropriété, notoirement en retard en la matière. L'élaboration de ce plan pluriannuel de travaux devient obligatoire à l'issue d'un délai de quinze ans à compter de la date de réception des travaux de construction de l'immeuble. Il doit être réalisé "par une personne disposant des compétences et des garanties requises pour l'établissement du diagnostic technique global" et doit être actualisé au moins tous les dix ans.
Un "droit de surplomb" pour sortir de l'impasse
Après cet article, un amendement du rapporteur (n°6153) a introduit un article additionnel qui entend régler un problème de voisinage objet de nombreux contentieux. Son objectif est en effet de faciliter l'isolation thermique des immeubles par l'extérieur. Or celle-ci pose problème pour les bâtiments construits en limite de propriété, car elle dépend alors d'un accord entre les deux propriétaires, autorisant l'empiétement ou le surplomb sur la propriété voisine. Pour sortir de l'impasse, l'article instaure donc un "droit de surplomb", qui rend possible l'isolation par l'extérieur d'un bâtiment en limite de propriété, en empiétant d'au plus 50 cm sur la propriété voisine. Ce droit de surplomb ne peut toutefois être exercé que si aucune autre solution technique ne permet d'atteindre un niveau d'efficacité énergétique équivalent ou que cette autre solution présente un coût ou une complexité excessifs. Même si le texte prévoit "une indemnité préalable" (sans autre précision), l'article pourrait attirer l'attention du Conseil constitutionnel, très sourcilleux sur le respect du droit de propriété, même au nom de la rénovation énergétique.
Obligations du "décret tertiaire" renforcées pour les collectivités de plus de 50.000 habitants
Enfin, l'article 45 clôt le volet logement du projet de loi Climat, avec une habilitation à légiférer par ordonnance. Outre la mise en cohérence d'un certain nombre de textes, le gouvernement est également habilité à compléter et modifier, au sein du code de la construction et de l'habitation, le régime de police administrative portant sur le contrôle des règles relatives à la construction des immeubles.
S'ajoutent à ce dernier article du texte initial (partie Logement) quelques "article balais" introduits par amendement. À côté de plusieurs amendements du rapporteur procédant à des harmonisations ou corrections juridiques, un amendement du groupe LREM (n°7223) intéresse directement les collectivités. Il fait en effet obligation aux collectivités les plus importantes (communes de plus de 50.000 habitants, départements et régions) et aux EPCI de plus de 50.000 habitants d'élaborer une stratégie pluriannuelle de réduction de la consommation énergétique de leur patrimoine immobilier à usage tertiaire (portant sur les obligations du "décret tertiaire" du 23 juillet 2019, avec les échéances de 2030, 2040 et 2050). L'exposé des motifs de l'amendement rappelle que le parc immobilier tertiaire contribue aux consommations énergétiques à hauteur de 17% (en énergie finale) et que le parc immobilier des collectivités locales, avec environ 280 millions de mètres carrés, représente à peu près le tiers du parc immobilier tertiaire national.
Références : Projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 29 mars au 16 avril 2021). |