Formation professionnelle - Cinquante apprentis testent un projet d'Erasmus franco-allemand
"Il n'y a aucune raison pour que le programme Erasmus destiné aux étudiants ne puisse pas profiter aux alternants et aux apprentis, a défendu Harlem Désir, secrétaire d'Etat chargé des affaires européennes, le 23 novembre 2015, en ouverture du lancement d'un projet pilote franco-allemand pour la mobilité des apprentis. Ce projet sera, pour la cinquantaine d'apprentis français et allemands engagés dans l'expérimentation, "à la fois une fabrique de compétences et d'employabilité à égalité avec les étudiants, et une fabrique de citoyens européens". Dans un premier temps, ce projet sera déployé pour la rentrée 2016/2017 dans onze entreprises volontaires : Allianz, Michelin, Danone, Bosch, BASF, L'Oréal, Siemens, BNP Paribas, Engie, Airbus et Safran.
Ces groupes s'engagent à tester en grandeur nature la possibilité de créer un Erasmus des apprentis malgré les difficultés qu'a pointées Myriam El Khomri, ministre du Travail, de l'Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social : "Aujourd'hui, bâtir un Erasmus professionnel est difficile en raison des nombreux obstacles tant économiques, culturels que sociaux, et ceux d'ordre juridique et administratif comme la concordance des calendriers scolaires, la durée des apprentissage, le rythme de l'alternance, la langue, l'évaluation des acquis, la reconnaissance de la qualification et le coût du transport et de l'hébergement."
Identifier les barrières
L'objectif de ce projet pilote est "d'identifier les barrières à la mobilité des apprentis, avec les jeunes pionniers et les entreprises volontaires, pour mieux les dépasser", poursuit Myriam El Khomri qui "s'engage à ce que les services de l'Etat accompagnent au mieux les jeunes et les entreprises dans la mise en œuvre de ce projet". Elle en parlera prochainement avec son homologue allemand. "Seulement 3% de la population active européenne travaille dans un autre pays", a souligné de son côté l'ambassadeur en France de la République fédérale d'Allemagne, Nikolaus Meyer-Landrut. Il juge ce projet pilote "très important car il pourra donner des idées à d'autres pays. Ce type de programme ne peut réussir qu'à partir d'exemples précis".
Concrètement, les apprentis recrutés par les onze entreprises partenaires effectueront une partie de leur apprentissage (six semaines environ) au sein d'une des usines ou filiales du groupe située en Allemagne. Ulysse, apprenti en BTS Maintenance système chez BASF partira "six semaines en Allemagne à partir de l'été prochain". Luc, apprenti chez Michelin en BTS électrotechnique, effectue dès à présent son alternance de "deux semaines par mois en France pour les cours théoriques et deux semaines à Hambourg pour l'enseignement professionnel". Pour ce jeune mosellan qui maîtrise déjà l'allemand, l'avantage de cet apprentissage franco-allemand est "d'enrichir son vocabulaire par des expressions professionnelles et des méthodes de travail allemandes".
Préparation et accompagnement
L'Office franco-allemand pour la jeunesse (Ofaj) et l'agence Erasmus +, le programme de l'Union européenne pour l'éducation, la formation, la jeunesse et le sport pour la période 2014-2020 sont les partenaires opérationnels du projet. Une convention sera très prochainement conclue entre le secrétariat d'Etat aux Affaires européennes, l'Ofaj et Erasmus + pour préciser l'apport de chacun. "Nous proposerons aux apprentis des cours de langue, précise Béatrice Angrand, secrétaire générale de l'Ofaj, et des bourses d'une centaine d'euros par mois en fonction des besoins du jeune (transport, hébergement), en complément de l'apport d'Erasmus +." De plus, avant le départ en Allemagne, l'Ofaj réunira les apprentis lors d'un séminaire de préparation au cours duquel des spécialistes de la mobilité interviendront pour les informer sur les spécificités des relations de travail en Allemagne : "Les apprentis sont plus valorisés en Allemagne qu'en France. Nos apprentis pourront être, par exemple, surpris d'être traités à égalité avec d'autres salariés", détaille Béatrice Angrand. A leur retour, les apprentis seront également pris en charge par l'Ofaj pour les aider à valoriser leur expérience allemande et leurs nouvelles compétences.
Pour Antoine Godbert, directeur d'Erasmus +, cette opération est l'occasion d'augmenter le nombre d'apprentis déjà pris en charge par son organisme. "Nous aidons déjà 5.000 apprentis dans leur mobilité contre 35.000 étudiants. La marge de progression est donc très importante pour les apprentis", observe le directeur d'Erasmus + qui accordera une aide financière (encore à définir) aux jeunes en fonction de leurs besoins. "Une enquête que nous avons menée en 2013 montre que les jeunes passés par le programme Erasmus sont recrutés à un niveau de qualification et à un salaire plus élevés que les autres", complète Antoine Godbert qui conclut : "Même si le pari est compliqué techniquement et culturellement, il faut le tenter."