24e rapport de la Fondation Abbé Pierre - Christophe Robert : ne pas limiter le plan Logement d'abord à "une politique résiduelle"
La fondation Abbé-Pierre présente, le 1er février, à la Grande Arche de La Défense, le rapport 2019 de l'état du mal-logement en France, sa 24e édition. Localtis avait rencontré son délégué général quelques jours avant. Il nous avait confié ce qu'il comptait dire au ministre du Logement, Julien Denormandie, attendu au matin de l'événement. Notamment quant aux conditions de réussite du plan "Logement d'abord".
Localtis - Que pensez-vous du plan quinquennal du gouvernement en faveur du "Logement d'abord" ?
Christophe Robert - Le logement d'abord est une bonne politique. L'objectif qui consiste à dire on favorise l'accès directement au logement, y compris pour ceux qui ont vécu des choses difficiles, plutôt que de passer par le logement d'urgence, l'hôtel… cela marche très bien.
Vingt-trois* territoires ont été désignés dans le cadre du plan quinquennal : la dynamique de transformation est enclenchée en termes philosophiques, avec des objectifs très précis d'ouverture de pensions de famille, de logements très sociaux, de logements en intermédiation locative…
Là où il y a encore une inquiétude, c'est l'idée que cette politique en faveur du Logement d'abord se limite à une politique résiduelle en direction des personnes sans domicile. Nous pensons, à la Fondation, qu'il faut passer à la vitesse supérieure et considérer la question du mal-logement dans une politique plus globale. Car tout est lié : la politique globale du logement, la politique sociale, la lutte contre les inégalités…
Or la politique générale du logement conduite aujourd'hui par le gouvernement tend à affaiblir les deux grands leviers de protection que sont le logement social et les APL. Si on parvient à sortir les gens du mal-logement via le programme Logement d'abord et que l'on crée davantage de fragilités qui les reconduiront à des situations de mal-logement, on n'aura rien gagné.
Comment peut se traduire localement une politique de "Logement d'abord", y compris pour les collectivités qui n'ont pas été sélectionnées dans le cadre du plan gouvernemental ?
Des mobilisations locales constituent des avancées intéressantes, notamment dans les vingt-trois territoires retenus mais pas seulement (Paris, par exemple, n'en fait pas partie).
Lyon et Amiens fixent des objectifs de réduction des personnes sans-abri ou sans domicile. Lille Métropole fixe un objectif d'attribution de logements très sociaux supplémentaire pour les personnes sans domicile. Paris, Metz et Grenoble cherchent à mieux connaître les personnes à la rue : c'est la Nuit de la solidarité à Paris qui se tiendra cette année, pour la seconde fois, le 7 février 2019.
Le Puy-de-Dôme cherche à capter plus de logements privés à vocation sociale. Laval Agglo a décidé que la moitié de la production HLM serait en PLAI. Lyon va multiplier par cinq les pensions de famille.
Tous les territoires sont confrontés à l'insuffisance des outils et des moyens pour mettre en œuvre le Logement d'abord. Le plan quinquennal propose des éléments structurants, il faudrait que l'orientation budgétaire du gouvernement soit en adéquation.
Vous présenterez vendredi 1er février le 24e rapport de la fondation Abbé-Pierre sur l'état du mal-logement en présence de Julien Denormandie. Qu'allez-vous dire au ministre ?
Nous dirons au ministre que nous avons constaté une meilleure prise en compte, par le gouvernement, de la nécessité d'agir plus fortement en faveur des mal-logés. Que le plan Logement d'abord et le plan Hiver répondent à un besoin identifié, mais qu'il faut aller plus loin, que ce serait une erreur de penser qu'ils peuvent être déconnectés d'une politique structurelle.
Nous lui demanderons quatre choses : renoncer à aller au bout de la RLS [réduction de loyer de solidarité], renoncer aux coupes APL pour les ménages, lancer un grand plan pour résorber les logements indignes, mettre les bouchées doubles pour éradiquer les passoires thermiques. C'est tout cela qui permettra de mettre en œuvre le Logement d'abord de manière dynamique.
*Quatre conseils départementaux : celui de la Seine-Saint-Denis, du Pas-de-Calais, du Doubs et de la Sarthe. Deux conseils départementaux partageront ce rôle avec leur métropole : le département de la Gironde avec Bordeaux Métropole et le département du Puy-de-Dôme avec Clermont-Auvergne Métropole. 11 autres métropoles sont concernées (soit au total 13 métropoles sur 21) : métropole de Lyon, métropole européenne de Lille, Eurométropole de Strasbourg, Nantes Métropole, métropole Nice-Côte d’Azur, Montpellier Méditerranée Métropole, Grenoble-Alpes Métropole, Limoges Métropole, Metz Métropole, Nîmes Métropole, et Tours Métropole Val de Loire. Quatre autres EPCI ont également été sélectionnés : la communauté urbaine d’Arras, Lorient Agglomération, la communauté d’agglomération Sophia Antipolis et la communauté d’agglomération de Dembéni-Mamoudzou. Trois communes porteront seules le pilotage : la ville de Toulouse, la ville d’Amiens et celle de Mulhouse.