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Plan hiver 2018-2019 : le gouvernement annonce 14.000 nouvelles places, les associations restent en état d'alerte

Tandis que la trêve hivernale débute jeudi 1er novembre, empêchant l'expulsion des locataires, sauf exception, jusqu'au 31 mars, le gouvernement a communiqué le mercredi 31 octobre son plan hivernal 2018-2019. Il prévoit d'ouvrir en moyenne 14.000 places d'hébergement d'urgence durant cette période. Un effort qu'il estime "sans précédent" mais les associations restent en état d'alerte.

Le président de la République annonçait en juillet 2018 que "plus personne [ne serait] à la rue cet hiver". Mais l’objectif ne sera pas atteint malgré un effort que le ministère de la Cohésion des territoires estime "sans précédent", car soutenu par un "budget historique".  Alors que le thermomètre a brutalement chuté, la trêve hivernale qui débute le 1er novembre et le plan "hiver" de l’exécutif s’avèrent des mesures vitales pour les sans-abris. "La rue tue", rappelle-t-on au ministère, lors d'un point presse le 31 octobre. 
Concrètement, en plus des 136.000 places d’hébergement d’urgence déjà existantes pendant l’année, l’État ouvrira 14.000 places en moyenne, en cas de grand froid, mobilisables à partir du 1er novembre et jusqu’au 31 mars, date de la fin de la trêve. "C’est 136.000 places, payées par l’Etat et gérées par les associations. C’est l’équivalent de la ville de Limoges", illustre un conseiller du ministère. Il précise que 65.000 places sont situées en Ile-de-France et que le "parc s’est agrandi de 5.000 places par rapport à l’an dernier". 
"Il y a beaucoup de pression au 115, liée à la crise migratoire et à la pauvreté", constate le ministère. Un constat, confirmé par le baromètre 115  publié par la Fédération des acteurs de la solidarité en 2017. Parmi les 35.380 demandes d’hébergement exprimées par appel au 115, seulement 25% ont abouti à un hébergement pour une ou plusieurs nuits, indique l’enquête. "Parmi les personnes ayant fait une demande d’hébergement, 53% étaient des familles, 33% des hommes seuls, et 10% des femmes seules".

Objectif "fluidité" pour sortir les familles des nuitées hôtelières

Concrètement, ces places sont réparties selon trois types d’hébergement qui sont les centres d’hébergement d’urgence, les centres de réinsertion sociale et la mobilisation de nuitées hôtelières. "40.000 places d’hôtel sont allouées à l’hébergement d’urgence, dont 90% en Ile-de-France", selon le ministère. Et "Le problème, avec ce système qui a été mis en place dans les années quatre vingt dix, c’est que les personnes peuvent y rester des mois, voire des années". "Maintenant, l’objectif, c’est la fluidité, insiste-t-on, il faut aider ces familles à accéder à un logement permanent. Un plan de cinq millions d’euros doit être acté l’année prochaine pour donner les moyens aux travailleurs sociaux de leur proposer des logements adaptés".
Par ailleurs, le gouvernement annonce mettre aussi "cinq millions d’euros supplémentaires en 2019 pour financer plusieurs dizaines d’équipes de maraude". Celles-ci seront chargées d’assurer des tournées dans les rues partout en France. Cependant, "dès cette période hivernale, une enveloppe de 400.000 euros sera activable", ce qui pourrait se traduire par "30 à 50 maraudes supplémentaires sur tout le territoire", précise le ministère qui évoque les maraudes professionnelles du Samu social, de la Croix-Rouge, du Salut et les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO) du 115.
Enfin, le gouvernement souligne son effort pour identifier de nouveaux sites, "pas seulement en Seine-Saint-Denis". "Cet hiver, 250 places dans un bâtiment du ministère des Armées au milieu du VIIe arrondissement de Paris sur l’îlot Saint-Germain vont ouvrir", annonce-t-il. L’hiver dernier, à Paris, l’Hôtel-Dieu avait été réservé aux femmes isolées ou avec des enfants en bas âge.

Les associations en état d’alerte

De leurs côtés, les associations relèvent des indicateurs inquiétants. Les expulsions en présence des forces de l'ordre ont atteint "un niveau inédit" en 2017, selon la Fondation Abbé Pierre : 15.547, contre 15.222 en 2016. Cette légère hausse cache "une augmentation de 46% en 10 ans et 106% en 15 ans", s'alarme son délégué général, Christophe Robert. "En réalité, on expulse deux à trois fois plus de ménages", rappelle-t-il. Après la mise en place d'un plan de prévention spécifique par l'Etat, les décisions de justice ordonnant une expulsion ont baissé légèrement en 2017 pour la deuxième année de suite (125.971 contre 129.189 en 2016). La clé pour éviter les expulsions reste "la prévention et l'accompagnement juridique des familles. Une fois l'expulsion prononcée, c'est souvent trop tard", insiste Christophe Robert. Selon lui, "il faudrait fixer des objectifs de baisse des expulsions aux préfets, capables de mobiliser toute la chaîne de prévention: les bailleurs sociaux ou privés, les CAF, les départements, etc.". Il déplore également la réduction du fonds d'indemnisation aux propriétaires en cas d'absence d'expulsion, "passé de 78 millions d'euros en 2005 à 25 millions en 2016". "L'Etat indemnise moins et de facto, il expulse plus", abonde Florent Gueguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité. "Pourtant mettre une famille à la rue, c'est la voir arriver dans un hébergement d'urgence, qui coûte également cher."

1.500 personnes évacuées en octobre de squats et bidonvilles

"Depuis le début du mois d’octobre, des centaines de familles ont été jetées à la rue par la force publique, à la suite d’expulsions ou d’évacuations de squats et de bidonvilles", alerte de son côté le Collectif National Droits de l'Homme (CNDH) Romeurope dans un communiqué du 31 octobre. "Au moins 1.500 personnes ont été expulsées rien qu’en octobre, ou sont parties d'elles mêmes sous la menace d'une expulsion imminente, dans la majorité des cas sans proposition de relogement ou d'hébergement stable. Sur 1.500 personnes, moins d'une centaine a été orientée vers un logement ou un hébergement stable", regrette encore l’association qui "appelle le ministre de l’intérieur à interdire aux préfets de recourir à la force publique pour expulser sans relogement ni hébergement stable les habitants des squats et des bidonvilles pendant la trêve hivernale".
Romeurope rappelle que, depuis janvier 2017, la trêve hivernale concerne tout "lieu habité" y compris les squats et bidonvilles, sauf en cas d'arrêtés municipaux spécifiques. La trêve ne s’applique pas non plus aux personnes entrées par "voie de fait".

 

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