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Assises des villes moyennes - Chambéry : "Ne pas rajouter de la crise à la crise"

Les quatrièmes Assises des villes moyennes et intercommunalités, organisées les 4 et 5 juin à Châlons-en-Champagne par la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM), vont permettre aux maires de ces villes de 20.000 à 100.000 habitants de débattre des réformes en cours et d'échanger autour des solutions innovantes qu'ils déploient pour faire face à la crise. Quelles sont, dans ce contexte difficile, les stratégies mises en œuvre par les villes moyennes et leurs agglomérations pour accroître leur dynamisme et leur attractivité ? Localtis a recueilli, en partenariat avec la FMVM, les témoignages de quelques-uns de ces élus de terrain.
Aujourd'hui, Bernadette Laclais, maire de Chambéry (59.000 habitants) et vice-présidente de Chambéry Métropole (126.000 habitants) en Savoie, explique les enjeux propres à sa ville engagée dans un grand projet de renouvellement urbain et dans une opération de requalification de l'axe qui traverse la cité. Elle témoigne aussi de ses inquiétudes face aux évolutions des finances locales et aux projets de réorganisation territoriale.


Localtis - Comment les effets de la crise se font-ils sentir dans votre ville ?

Bernadette Laclais -  Nous sommes confrontés à des entreprises en difficulté, voire à des fermetures, notamment dans l'industrie encore très présente à Chambéry (l'agro-alimentaire, en particulier). Il y a une augmentation du taux de chômage, même si en Savoie il est moins élevé qu'ailleurs du fait de l'activité touristique hivernale qui a été cette année très intense dans les stations de sports d'hiver. Nous attendons donc les chiffres d'avril-mai pour avoir une idée précise des répercussions de la crise.


Quelles solutions pouvez-vous apporter à la fois aux personnes et aux entreprises en difficulté sur votre territoire ?

Nous sommes une ville-centre qui a traditionnellement des foyers fiscaux assez modestes. Nous avons depuis longtemps mis en place des dispositifs sociaux fondés sur la gratuité et les quotients familiaux. Nous sommes en train de regarder s'il y a un effet crise qui nécessite de renforcer certains éléments de notre politique sociale. Nous avons souhaité aussi bénéficier du dispositif de remboursement anticipé du FCTVA pour pouvoir investir plus cette année. Nous avons augmenté notre budget d'investissement pour que les entreprises, notamment dans le secteur du BTP, soient les moins touchées possibles grâce aux commandes publiques. Mais nous nous heurtons au fait qu'il ne peut pas y avoir de préférence locale dans les marchés, ce qui suscite beaucoup d'incompréhension. Nous essayons de ne pas réduire nos interventions pour éviter de rajouter de la crise à la crise même si le contexte n'est pas favorable à un certain nombre de mises en chantier.

 

Quelles sont les grandes orientations de votre budget 2009 ?

Nous avons eu la chance d'avoir pu renégocier nos emprunts bien avant la première crise des subprimes, ce qui nous a donné une marge de liberté cette année. Nous sommes aussi éligibles à l'Anru et nous avons réussi à conserver notre dotation de solidarité urbaine. Néanmoins nous ressentons globalement un ralentissement de nos bases de fiscalité. Notre dotation de solidarité communautaire est bloquée puisque l'on ignore ce qui va se passer pour la taxe professionnelle au niveau de l'intercommunalité et pour la première fois, les dotations de l'Etat n'augmentent pas. Cela complique considérablement les choses mais nous avons voté un budget sans augmentation d'impôts tout en étant assez rigoureux sur les dépenses de fonctionnement. La masse salariale est en augmentation d'à peine 2,7%, à effectifs constants. Nous étions ces quatre dernières années à 21 millions d'euros d'investissements annuels et nous avons inscrit cette année 25 millions d'euros, ce qui fait une augmentation de plus de 20%.

 

Quelle stratégie de développement mettez-vous en œuvre pour votre mandature ?

Nous avons une vraie difficulté qui nous a empêché de faire un programme pluriannuel d'investissement cette année : nous ne connaissons pas l'évolution de nos recettes en provenance de l'Etat et de la fiscalité pour les prochaines années. Nous ignorons aussi quelle sera l'évolution de nos compétences. Cela nous a amenés à avoir un budget de transition. Notre projet de mandat prévoit pour la ville plusieurs grands équipements qui doivent contribuer à son rayonnement. Il s'agit de grands équipements culturels tels que la rénovation du musée des Beaux Arts. Nous avons aussi prévu de nouveaux équipements de quartiers puisque nous avons engagé depuis plus de 15 ans une démarche qui nous a conduits à mettre en place des mairies et des conseils de quartiers dans 6 quartiers, ce qui est original pour une ville moyenne.

Nous avons également un projet Anru très ambitieux concernant deux quartiers comptant respectivement 13.000 et 6.000 habitants que nous comptons mener à bien tout en poursuivant les investissements sur les autres quartiers. Notre autre grand projet, que nous allons réaliser en lien avec la communauté d'agglomération, en charge du plan de déplacements urbains (PDU), vise à requalifier tout l'axe de traversée de Chambéry où passe la Leysse. L'objectif est de découvrir partiellement cette rivière pour aménager des voies de bus en site propre, des pistes cyclables et des cheminements piétons. Cela représente un investissement de l'ordre de 40 millions d'euros.

 

Chambéry a été une ville pionnière en France en matière de développement durable et de recours aux énergies renouvelables, notamment pour le solaire. Cela reste-t-il une priorité ?

Le développement durable est pour nous devenu une habitude : chaque opération de logement portée par nos propres organismes de logements sociaux, prévoit un certain nombre d'aménagements liés au chauffage solaire, à la récupération des eaux pluviales, etc. Le PDU a été voté avec des investissements qui vont démarrer dès cette année pour les bus en site propre et les parcs relais. Nous allons poursuivre l'Agenda 21 adopté sous notre précédent mandat. Mais nous n'avons pas prévu d'investissements comme ces dernières années où nous avons réalisé la maison des énergies et une centrale photovoltaïque. Il s'agit davantage d'actions intégrées à des projets et qui sont décidées en amont. Nous avons aussi un projet d'éco-quartier de 200 logements en centre-ville.

 

En tant qu'élue de ville moyenne, comment ressentez-vous les propositions actuelles de réforme des finances locales et de l'organisation territoriale ?

Je suis très inquiète de l'évolution des dotations de l'Etat et de la fiscalité. On ne parle que de suppression de la taxe professionnelle sans proposer de réelle compensation pour les communes. Or les autres impôts ne sont pas des recettes dynamiques car on ne peut pas augmenter tous les ans la fiscalité des ménages et même si on le faisait cela ne suffirait pas. Il faut aussi que nous sachions véritablement ce que les uns et les autres souhaitent. Si l'objectif est de faire disparaître les communes en en faisant simplement des sous-quartiers des agglomérations, il y a pour la ville-centre une vraie difficulté car il y a des spécificités qui lui sont propres. Chambéry compte 59.000 habitants alors que la deuxième commune de l'agglomération n'en compte que 12.000. Nous sommes une ville-centre pauvre, avec beaucoup de foyers modestes. Nous avons avec 36% de logements sociaux sur notre territoire, 70% du parc social de l'agglomération. Nous sommes aussi les premiers concernés par les aménagements du PDU. Nous avons de bonnes relations avec la communauté d'agglomération avec laquelle nous travaillons beaucoup en comaîtrise d'ouvrage. Mais l'intercommunalité ne peut pas tout résoudre. Il faut tenir compte de la très grande diversité des enjeux et des situations des villes-centres. C'est un faux débat de stigmatiser les communes et de penser qu'en les supprimant on va régler tous les problèmes.

 

Propos recueillis par Anne Lenormand

 

Retrouvez dans nos prochaines éditions la suite de notre série d'entretiens avec des maires de villes moyennes. Demain, rendez-vous avec Arsène Lux, maire de Verdun.

 

 

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