Assises des villes moyennes - Bastia : "On ne peut faire l'impasse sur le développement de la matière grise et de la technologie"
Les quatrièmes Assises des villes moyennes et intercommunalités, organisées les 4 et 5 juin à Châlons-en-Champagne par la Fédération des maires des villes moyennes (FMVM), vont permettre aux maires de ces villes de 20.000 à 100.000 habitants de débattre des réformes en cours et d'échanger autour des solutions innovantes qu'ils déploient pour faire face à la crise. Quelles sont, dans ce contexte difficile, les stratégies mises en œuvre par les villes moyennes et leurs agglomérations pour accroître leur dynamisme et leur attractivité ? Localtis a recueilli, en partenariat avec la FMVM, les témoignages de quelques-uns de ces élus de terrain.
Aujourd'hui, Emile Zuccarelli, ancien ministre, maire de Bastia (42.800 habitants) et président de la communauté d'agglomération de Bastia (51.300 habitants), insiste sur l'importance, pour une ville moyenne, de "l'économie quaternaire", de l'enseignement supérieur et de la dynamique liée aux pôles de compétitivité.
Localtis - Selon vous, l'impact de la crise sur un territoire tel que le vôtre est-il le même que sur le continent ?
Emile Zuccarelli - Les problèmes des villes moyennes, où qu'elles se situent, sont étrangement communs ! Un impact direct et mesurable de la crise ? Oui sans doute, même si nous n'avons pas, du moins pas encore, contrairement à d'autres régions, de licenciements dramatiques. Notre tissu industriel étant plus modeste, nous n'avons pas encore été affectés lourdement. La crise se manifeste toutefois en termes d'anticipation : moins de créations d'entreprises, moins d'offres d'emploi, des commerces qui ferment avant de s'endetter... Ceci, avec des répercussions, au moins, sur la taxe professionnelle, qui est l'indicateur le plus lié à la situation économique. Du coup, les perspectives de recettes de taxe professionnelle sont préoccupantes. Or rappelons que la communauté d'agglomération, que je préside, est assise presque exclusivement sur la taxe professionnelle - et un peu sur des dotations de l'Etat, qui ont tendance à se rabougrir.
Je trouve d'ailleurs hallucinantes les spéculations sur la suppression de la taxe professionnelle. On ne sait plus où on en est. Cela fait des années que l'on dit régulièrement que la valeur ajoutée serait une bonne assiette, et on en reparle aujourd'hui. Le seul problème, c'est qu'il faut l'affecter au local et qu'on ne sait pas calculer la valeur ajoutée d'un établissement local. Je ne dis pas que c'est impossible - on peut y arriver par des astuces... Tout cela est pris avec beaucoup de légèreté. Or nous, nous avons besoin de nous projeter. Si nous n'étions pas aussi costauds que nous ne le sommes, ce serait un motif d'endormissement complet. Personne ne peut avancer, investir, entreprendre avec de telles incertitudes sur ses recettes.
Dans votre budget 2009, quels sont les éléments structurants en termes d'investissement... vos éléments stratégiques ?
S'il s'agit de savoir quel est l'axe privilégié de notre développement, notre priorité... un maire ne peut pas vous dire quelle est sa priorité ! S'il dit donner la priorité au développement économique, on lui dira : et le social, et les écoles, et la culture ? La fonction de maire, par définition, un peu comme une mère de famille, ne permet pas de trancher ainsi.
En revanche bien sûr, il peut avoir des idées sur quelques grands axes. Ainsi, en matière de développement, dans une ville-centre comme Bastia, il est normal qu'il soit beaucoup question de la fonction commerciale, des fonctions de services : du cabinet médical à la grande surface en passant par l'agence bancaire ou le petit commerce du coin, il s'agit d'éléments très importants.
Et dans une ville moyenne comme la mienne, il y a un autre axe qu'il faut mettre en avant : le développement de la matière grise et de la technologie. Très souvent, on considère nos communes comme marginales par rapport à la problématique de l'université, de la recherche... Or c'est une grande erreur. Un tissu aussi essentiel que celui des villes moyennes ne peut passer à côté de l'économie quaternaire.
Nous sommes d'ailleurs tous confrontés à des situations paradoxales. Certains doivent faire face à la présence d'une université écrasante dans la grande ville d'à côté. Chez moi au contraire, pour des raisons historiques, l'université a été localisée dans une ville de 5.000 habitants perdue au coeur de la montagne, à Corte. Je ne peux donc pas dire que je suis écrasé par la grande ville ! Pour autant, une communauté d'agglomération comme la mienne ne peut pas faire l'impasse sur ce sujet. Il faut qu'elle capte des enseignements supérieurs, a minima en termes de formation continue, de formation professionnelle. Il faut qu'elle ait des laboratoires, des éléments de recherche, qu'elle crée un tissu autour d'un pôle de compétitivité... ce qui est le cas de ma ville avec le pôle de compétitivité auquel la Corse est rattachée, celui de Paca lié aux énergies sans gaz à effet de serre.
Ce pôle de compétitivité a-t-il été un réel accélérateur ?
Je pense, oui. Certes, on est encore à l'orée des choses. En tout cas, on s'y lance d'ailleurs à corps perdu, c'est un enjeu important pour nous. Le tout en coopération avec de grands établissements d'enseignement supérieur, telle que l'Ecole nationale supérieure des arts et métiers avec laquelle nous avons un partenariat très fort.
Bastia est championne toutes catégories s'agissant des fonds européens... Comment vous positionnez-vous par rapport à l'avenir incertain de ces fonds ?
Il est vrai que nous avons été très actifs dans ce domaine. Les fonds européens, si on ne fait pas des dossiers, si on ne travaille pas à fond dessus, on n'a rien. Nous, nous avons énormément travaillé et nous avons, c'est vrai, capté beaucoup de fonds européens. Nous avons par exemple été l'une des rares villes retenues deux fois dans le cadre du programme Urban et Urban II. Et nous avions même obtenu d'être autorité de gestion.
Grâce à cela et grâce à des politiques spécifiques de l'Etat en direction de la Corse, nous avons atteint des niveaux de budgets d'investissements tout à fait exceptionnels pour une commune de notre strate. Notre budget d'investissement dépasse même notre budget de fonctionnement. Je crois que cela se voit, dans le paysage de notre ville. Certes, c'est un effort exceptionnel qu'on ne peut tenir longtemps, au risque de s'essouffler. Ainsi, par rapport aux pointes des années 2006, 2007 et 2008, on revient aujourd'hui à des niveaux plus "raisonnables".
Propos recueillis par Claire Mallet
Retrouvez dans nos prochaines éditions la suite de notre série d'entretiens avec des maires de villes moyennes. Demain, rendez-vous avec Philippe Bonnecarrère, maire d'Albi.