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Santé - Cent trente-cinq groupements hospitaliers de territoire... et presque autant de cas de figure

Pari tenu pour la création, au 1er juillet, des groupements hospitaliers de territoire (GHT), malgré des délais très courts ! Ils seront finalement 135, regroupant les 850 hôpitaux français. Mais si les délais sont respectés, il est en revanche difficile de trouver de la cohérence et des lignes directrices dans la composition des GHT. A chaque région son approche et sa logique. Avec, à la clé, un retour en force de l'échelon départemental, pourtant jugé peu pertinent en termes d'organisation hospitalière...

Article initialement publié le 7 juillet 2016

Le 5 juillet, Marisol Touraine a officialisé le nombre de groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont la création devait intervenir le 1er juillet au plus tard. Pour la ministre des Affaires sociales et de la Santé, "cette réforme majeure pour l'hôpital est aujourd'hui une réalité". Ces créations ont été menées à bien dans un délai très court : les GHT ont en effet été créés par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (voir notre article ci-contre du 9 février 2016) et leurs modalités de fonctionnement ont été précisées par un décret du 27 avril 2016 (voir notre article ci-contre du 3 mai 2016).

Une moyenne de six hôpitaux par GHT, avec de forts écarts

Le communiqué de Marisol Touraine attribue le mérite de cette rapidité à cinq mois de concertation intense, "sous l'égide des agences régionales de santé, et en lien avec les élus des territoires et la Fédération hospitalière de France".
Ce chiffre de 135 GHT est finalement très proche de l'estimation initiale, qui tablait sur un nombre autour de 130. Au regard des 850 hôpitaux français, cette nouvelle organisation donne une moyenne d'un peu plus de six hôpitaux par GHT.
Attention toutefois : la création des GHT ne signifie évidemment pas qu'ils sont déjà fonctionnels. Dès aujourd'hui, les GHT entrent en effet dans un "travail d'approfondissement [...] pour préciser concrètement les projets médicaux partagés des hôpitaux au service de la santé des Français. Ces travaux déboucheront par exemple sur la mise en place d'équipes médicales de territoire, de consultations médicales avancées, ou encore sur l'accélération du développement de la télémédecine". Les GHT ne devraient pas être pleinement opérationnels avant 2018 ou 2020 sur certains aspects.

Des résultats très disparates

Certaines régions ont commencé à mettre en ligne, sur le portail des ARS, la composition et le découpage définitifs de leurs GHT (sept régions à ce jour, dont cinq en métropole). Et c'est peu dire que le résultat est disparate. Cela n'a certes rien de surprenant, puisque l'idée directrice des GHT était d'"aboutir à des regroupements d'établissements qui tiennent compte des réalités du terrain, territoire par territoire", comme le rappelle Marisol Touraine dans son communiqué. Mais, au vu des premières listes publiées, il apparaît que les GHT reproduisent assez largement les écarts et les différences d'échelles qui existaient déjà avec les hôpitaux.
Si l'on prend l'exemple de la région Bretagne, il n'y a pas grand-chose de commun entre le GHT du Centre Bretagne - qui fédère les centres hospitaliers de Noyal-Pontivy et de Guéméné-sur-Scorf et la MAS (maison d'accueil spécialisée) de cette même commune - et les GHT de Bretagne occidentale et de Haute Bretagne, qui regroupent respectivement huit et onze établissements hospitaliers autour des CHRU de Brest et de Rennes. Certains GHT s'apparentent toutefois davantage à des associations entre égaux, comme celui d'Armor avec sept hôpitaux autour de celui de Saint-Brieuc (Guingamp, Lamballe, Lannion, Paimpol...).

Le grand retour du département

Ces découpages bretons correspondent toutefois à une approche géographique, tenant compte des zones de chalandise des hôpitaux. Mais d'autres régions ont choisi de s'épargner les affres du découpage. C'est par exemple le cas de Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui est allé droit à la simplicité avec un GHT par département, soit six au total... Ainsi, le GHT des Hautes-Alpes compte cinq hôpitaux couvrant 140.000 habitants, quand celui des Bouches-du-Rhône regroupe 13 établissements (dont l'AP-HM, Assistance publique-hôpitaux de Marseille) couvrant deux millions d'habitants. Un découpage qui a certes le mérite de la lisibilité, mais qui ne tient pas compte de la réalité des zones de chalandise des établissements. Dans le Var, par exemple, les habitants de Fréjus-Saint-Raphaël sont davantage tournés vers les hôpitaux de Cannes et le CHRU de Nice, que vers le centre hospitalier de Toulon-La Seyne.
Cette approche "départementaliste" est aussi celle des Pays de la Loire, avec ses cinq GHT correspondant aux cinq départements de la région. Alors qu'il est dit depuis longtemps que le département n'est pas une échelle pertinente en matière d'organisation des soins hospitaliers (sauf en psychiatrie), la mise en place des GHT marque paradoxalement un retour en force de l'échelon départemental.

Et l'AP-HP dans tout ça ?

Reste le cas de l'Ile-de-France. La région a joué le jeu de l'approche géographique - et sans doute aussi des affinités électives -, avec même quelques GHT qui associent des établissements de deux départements différents. La région compte ainsi sept GHT sur Paris et la petite couronne et huit GHT en grande couronne, soit un total de quinze GHT pour huit départements.
Mais, à l'exception d'un GHT psychiatrique (Sainte-Anne, Perray-Vaucluse, Maison Blanche), la carte de Paris reste désespérément vierge de tout GHT, qu'il soit intra-muros ou en lien avec des hôpitaux de la petite couronne.
Ce n'est toutefois pas une surprise à proprement parler. En février dernier déjà, l'ARS d'Ile-de-France avait présenté un découpage quasi identique à celui finalement adopté et qui n'intégrait pas l'AH-HP. L'ARS précisait alors "que l'AP-HP sera associée à chaque GHT, d'une part au titre de l'activité hospitalo-universitaire, et d'autre part à travers ses groupes hospitaliers dans le cadre du projet médical partagé" (les groupes hospitaliers étant déjà une sorte de préfiguration interne des GHT). Une association sans association dont les modalités restent à inventer...

Une règle... et des exceptions

Au-delà de ces quelques exemples régionaux très disparates, l'analyse des premiers découpages officiels fait néanmoins apparaître un certain nombre de constantes (en plus du poids de l'échelon départemental).
Ainsi, même si l'objectif d'intégrer l'ensemble des établissements hospitaliers publics est largement rempli, il reste néanmoins quelques exceptions. Il peut s'agir d'établissements au statut particulier (comme l'Etablissement public de santé national de Fresnes, réservé aux détenus) ou ayant une zone de recrutement dépassant l'échelle d'une région (comme le Centre hospitalier national d'ophtalmologie à Paris, plus connu sous le nom des Quinze-Vingt). Mais il peut aussi s'agir d'établissements qui hésitent encore sur leur rattachement, comme le centre hospitalier de Provins (Seine-et-Marne), qui "bénéficie d'un temps de réflexion supplémentaire sur les modalités d'intégration à un GHT", ou le centre hospitalier de Montfavet, établissement public de santé mentale à Avignon, "en raison de sa spécificité au regard de l'offre de soins territoriale en santé mentale dans le département".
A l'inverse, quelques établissements de santé qui n'étaient pas forcément prévus au départ ont rejoint un GHT, à l'image de l'hôpital d'instruction des armées Clermont-Tonnerre à Brest, qui intègre - comme membre associé - le GHT de Bretagne occidentale.

Le médicosocial peu présent et les frontières régionales trop présentes

Autre élément : les établissements médicosociaux sont pour l'instant très peu nombreux, à l'exception de l'Ile-de-France où quelques Ehpad ont rejoint des GHT. Il est vrai que cette première phase de mise en place est clairement à dominante hospitalière et que la porte n'est pas fermée pour l'avenir.
De même - et pour les mêmes raisons - les établissements d'hospitalisation privés sans but lucratif sont également très peu présents dans les GHT. Là aussi, les choses pourraient évoluer dans les prochains mois.
Enfin, les frontières régionales semblent encore plus rigides que les limites départementales. Parmi les régions déjà mises en ligne sur le portail des ARS, la palme de l'audace revient toutefois à la région Bourgogne-Franche-Comté. Non seulement, le découpage retenu franchit à plusieurs reprises les frontières départementales pour coïncider avec les zones de chalandise (par exemple, l'hôpital de Clamecy, dans le nord de la Nièvre, rattaché au GHT d'Auxerre dans l'Yonne), mais il ose même le transrégional, avec un GHT Côte-d'Or-Haute-Marne (département appartenant à la région Grand Est). Ce GHT regroupe, autour du CHRU de Dijon, plusieurs établissements du nord de la Côte-d'Or, mais aussi trois hôpitaux de Haute-Marne (Langres, Chaumont et Bourbonne-les-Bains).
Il reste maintenant à mettre concrètement sur pied ces différentes organisations et à donner du sens à l'ensemble. Ce qui n'est pas un pari gagné d'avance au vu des approches très disparates qui ont présidé à la création des GHT...

Jean-Noël Escudié / PCA

Un vade-mecum du ministère tente de résumer les GHT en quinze points clés

Le ministère des Affaires sociales et de la Santé a publié un vade-mecum intitulé "GHT, mode d'emploi",  "version définitive" d'un document déjà diffusé. Il tient notamment compte des dispositions du décret du 27 avril dernier sur les modalités de mise en place et du fonctionnement des GHT.
Ce document est l'une des composantes d'une - copieuse - "boîte à outils" mise en ligne sur le site du ministère, pour déployer "une offre de soins organisée, lisible et donc accessible dans chaque GHT". Comme le souligne Marisol Touraine dans sa préface au vade-mecum, le dispositif mis en place par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé entend concilier "la nécessaire autonomie des établissements et le développement de synergies territoriales. Pas de subordination, pas d'uniformisation : chaque GHT devra s'adapter aux réalités de son territoire et le projet médical en sera le cœur".
Le paradoxe est que la recherche de cette souplesse se paie au prix d'une forte complexité. Un rapide coup d'œil sur les 75 pages du vade-mecum suffit à s'en convaincre. La volonté pédagogique est pourtant revendiquée - et plutôt réussie -, avec l'idée de résumer le dispositif en "quinze points clés", regroupés en quatre grands chapitres. Ceux-ci traitent successivement des fondements des GHT (avec en particulier le projet médical partagé et la gouvernance), de la création de ces derniers (avec le maintien de l'objectif une convention de groupement hospitalier de territoire avant le 1er juillet 2016), des mutualisations de services et d'activités de support (dont les achats et le système d'information) et du fonctionnement des GHT (règlement intérieur, règles budgétaires et comptables, certification par la Haute Autorité de santé).
La description détaillée des différents aspects des GHT est assortie de focus sur des points particuliers. Ceux-ci mettent en évidence le fait qu'un certain nombre de points vont se clarifier - ou se complexifier davantage - en avançant. Le premier de ces "A noter" précise ainsi : "Si le GHT concerne en première intention les établissements publics de santé et, dans une certaine mesure, les établissements et services publics médicosociaux, les textes ouvrent la perspective de travailler, autour du projet médical partagé, avec le secteur privé dans le cadre d'une convention de partenariat." Reste à savoir comment...
Le vade-mecum peut être téléchargé ci-contre.
J.-N. E.

 

 

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