Logements sociaux - Cécile Duflot présente son projet de loi en Conseil des ministres mercredi
"Un projet de loi est prêt qui permettra de céder gratuitement - j'ai dit gratuitement - les terrains de l'Etat et des opérateurs publics aux collectivités locales et aux bailleurs sociaux qui s'engagent dans des programmes de construction", avait déclaré François Hollande, dans son discours de rentrée à la foire de Châlons-en-Champagne, vendredi 31 août, précisant que "110.000 logements entre 2012 et 2016 pourront être créés grâce à cette mise à disposition des terrains". L'information n'était pas un scoop, mais dans la bouche du chef de l'Etat, elle a gagné en audience dans le grand public. Et puis, ses deux grands volets sont des "engagements présidentiels" : la cession du foncier public avec une forte décote pouvant aller jusqu'à la gratuité ; le renforcement des dispositions introduites par l'article 55 de la loi "SRU" avec relèvement de l'objectif de 20 à 25% de logement social par commune et quintuplement des pénalités.
Une décote "pouvant aller jusqu'à 100%"
S'agissant de la mobilisation du foncier public, le projet de loi porte sur des terrains nus ou bâtis du domaine privé de l'État mais aussi de certains établissements publics (le ministère cite la SNCF et RFF, mais on peut aussi penser à certains terrains de Voies Navigables de France ou encore de l'Assistance Publique). L'idée serait de modifier les règles actuelles de décote (aujourd'hui plafonnée à 35% dans les secteurs les plus tendus) pour aller jusqu'à 100%, pour la part destinée au logement social et aux résidences sociales de logement pour étudiants. L'avantage financier résultant de la décote serait "exclusivement et en totalité" répercuté dans le prix de revient des logements locatifs sociaux et des logements en accession à prix maîtrisé.
Pour éviter les abus, la loi mentionnerait des clauses anti-spéculatives pour l'accession à prix maîtrisé. L'acte de cession prévoirait, en cas de non réalisation du programme de logements dans un délai de cinq ans, soit la résolution de la vente, soit le paiement de la somme correspondant au montant de la décote accordée.
"Cette modification (de la décote) ira de pair avec une gouvernance renouvelée de ce dispositif pour permettre d'accélérer la cession effective des terrains déjà identifiés", indique le ministère sans plus de précisions.
Selon l'inventaire établi par l'Etat, le gouvernement prévoit la cession de 930 sites d'ici à 2016, représentant 2.000 hectares de terrains publics sur lesquels 110.000 logements pourraient être construits, dont près de la moitié en Ile-de-France. "Soit le double du nombre de logements réalisés sur le foncier public depuis 2008", calcule le ministère du Logement qui sera également attentif à "recentrer les nouvelles constructions (…) dans les dents creuses au sein de zones denses".
Ces dispositifs pour mobiliser des terrains publics de l'Etat seraient complétés par des dispositifs fiscaux en direction des particuliers pour les inciter à céder leurs terrains à bâtir, qui pourraient quant à eux apparaître dans la loi de finances pour 2013.
Article 55 : des pénalités multipliées par cinq
Douze ans après l'adoption de la loi SRU, l'application de son article 55 demeure "un puissant outil pour la construction de logements sociaux et pour le développement de la mixité sociale sur le territoire", selon le ministère. Celui-ci prévoit d'augmenter le seuil minimal de logements sociaux de 20 à 25% d'ici à 2025, là où le marché est particulièrement tendu.
Le texte prévoit également "une incitation plus ferme", qui passe par trois axes. Les communes qui ne respectent pas leurs objectifs triennaux verraient leurs pénalités multipliées par cinq. Par ailleurs, "les communes les plus riches paieront davantage", assure le ministère (le seuil plafonnant les pénalités pour les communes les plus riches passerait de 5 à 10% des dépenses réelles de fonctionnement pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à 150% du potentiel fiscal par habitant médian des communes prélevées).
Enfin, les fruits des prélèvements seraient désormais versés en priorité aux communautés délégataires des aides à la pierre, puis aux établissements publics fonciers "pour leur permettre d'acquérir le foncier nécessaire". Quant aux pénalités (les majorations du prélèvement), elles seraient versées à un fonds dont l'objet serait de financer les logements destinés aux personnes le plus en difficulté. A noter également qu'il ne serait plus possible, pour une communauté d'agglomération, de reverser une partie des pénalités aux communes prélevées (abrogation des dispositions de l'article 57 de la loi SRU).
Un décret publiera la liste des agglomérations à 25%
Sur le principe, les communes concernées restent les mêmes que dans la loi SRU de 2000. Le projet de loi ambitionne toutefois "d'adapter le renforcement de la règle aux contextes locaux" : "dans les communes où la démographie ne progresse pas, où les délais pour obtenir un logement social sont courts, et où le marché de l'immobilier n'est pas sous tension, l'obligation restera de 20%", résume-t-on au ministère. La liste des agglomérations concernées par un taux à 25% sera déterminée par décret selon trois critères : le nombre de demandeurs de logements sociaux par rapport au nombre de logements disponibles à la location ; le taux d'effort des ménages logés dans le parc privé ; le taux de vacance dans le parc public.
Avec l'application du nouveau dispositif, le montant du prélèvement net global – s'élevant à 23,6 millions d'euros en 2012 - pourrait doubler, dans l'hypothèse où les communes récalcitrantes ne se décident toujours pas à construire des logements sociaux. Ce qu'on peinerait à considérer comme une bonne nouvelle.