Bilan de la loi Montagne II : la rénovation des stations et le zonage des vacances toujours en balance
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat vient de déposer son rapport d'information sur l'application de la loi Montagne II du 28 décembre 2016. Bien qu'elle soit aujourd'hui applicable à 80%, son bilan est mitigé, juge la commission, qui souligne que "beaucoup reste à faire, en particulier sur le volet de la différenciation territoriale et de l’adaptation au changement climatique". En outre, la fermeture anticipée des stations de ski à partir du 14 mars dernier, du fait de la crise sanitaire, a particulièrement éprouvé les territoires de montagne. Le rapport plaide au final pour "une montagne des quatre saisons" avec de nombreuses mesures spécifiques au tourisme et des préconisations sur l'urbanisme.
Après la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 4 mars dernier (voir notre article du 5 mars 2020), c'est au tour de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de déposer son rapport d'information sur l'application de la loi Montagne II, autrement dit la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (voir notre article du 5 janvier 2017).
Le tourisme, secteur le plus touché de l'économie de la montagne
Comme pour l'Assemblée, le bilan dressé par le Sénat est mitigé. Certes, les dispositions de la loi Montagne II de 2016 (par référence à la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne) est aujourd'hui applicable à 80%. Le rapport constate que "si elle a permis des avancées pour les territoires de montagne, beaucoup reste à faire, en particulier sur le volet de la différenciation territoriale et de l'adaptation au changement climatique, qui s'impose comme un défi majeur pour le développement économique durable de la montagne". Différence importante avec le rapport de l'Assemblée, déposé juste avant la crise sanitaire : "La fermeture anticipée des stations de ski à partir du 14 mars dernier, du fait de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19, a éprouvé les territoires de montagne et l'ampleur des conséquences économiques n'est pas connue à ce jour."
Le tourisme est en effet, de très loin, le secteur de l'économie de la montagne le plus touché par la crise sanitaire et le rapport d'information du Sénat lui consacre donc une place importante même si – bilan de la loi de 2016 oblige – le document n'est pas centré sur les conséquences de l'état d'urgence sanitaire.
Des vacances de printemps avancées et un zonage en été ?
Au final, le rapport du Sénat plaide pour "une montagne des quatre saisons". Sur la partie consacrée directement au tourisme, il formule une douzaine de propositions pour prolonger les effets de la loi de 2016. On retiendra en particulier la question récurrente du zonage et des dates de vacances, régulièrement mise en avant par l'ANMSM (Association nationale des maires des stations de montagne. Sur ce point, le rapport préconise d'"organiser une concertation faisant intervenir toutes les parties prenantes sur la question du calendrier scolaire pour envisager la possibilité d'avancer les vacances de printemps – pour garantir la neige –, d'instaurer un zonage en été et de reconsidérer le zonage géographique pour rééquilibrer les flux de clientèles".
Sur la question sensible des résidences de tourisme, dont beaucoup ont un besoin urgent de rénovation, le Sénat préconise d'étudier les modalités d'une délégation de leur droit de préférence à une foncière dont l'objet serait de conserver des "lits chauds". Seraient également à étudier les modalités d'un abaissement du seuil de lots confiés en gestion à une même personne physique ou morale au-delà duquel la résidence peut être classée, ainsi que celles d'une transposition du dispositif "Action cœur de ville" aux stations de montagne. Dans le même esprit le rapport recommande de "guider les propriétaires dans la rénovation de leur logement à des fins de location touristique par un accompagnement humain clé en main". Ceci passerait notamment par le développement des maisons des propriétaires comme lieu unique de conseil, de réalisation de démarches et de conclusion de contrats.
Sur les vacances, élément clé pour l'économie du tourisme, le Sénat préconise d'accompagner les enseignants désireux d'organiser des classes de découvertes en leur fournissant plus largement des guides de ressources méthodologiques et pédagogiques et de prévoir, dans le cursus de formation des enseignants, un module relatif aux classes de découvertes. Le Sénat préconise également de mettre en œuvre la possibilité ouverte par l'article 16 de la loi, prévoyant que le ministère de l'Éducation nationale "sollicite la conclusion d'un accord avec les transporteurs nationaux destiné à assurer des conditions tarifaires spécifiques aux établissements scolaires organisant des voyages scolaires".
Reprendre un décret sur les UTN, après l'annulation par le Conseil d'État
Hors mesures spécifiques au tourisme, mais en lien étroit avec ce secteur, on retiendra aussi les préconisations relatives à l'urbanisme en montagne, comme la demande d'adopter "aussi rapidement que possible" le décret qui doit se substituer au décret du 10 mai 2017 relatif à la procédure de création ou d'extension des unités touristiques nouvelles (UTN), en associant à sa rédaction, les parlementaires et les associations d'élus. Le décret de 2017 sur les UTN a en effet été annulé, il y a un an, par une décision du Conseil d'État (voir notre article du 2 juillet 2019).
Dans le même esprit, le rapport recommande de mener une "réflexion approfondie sur l'évolution du principe d'urbanisation en continuité dans les zones de montagne, dans un objectif d'harmonisation des interprétations et d'assouplissement des contraintes imposées". Pour le Sénat, "le bon sens doit pouvoir l'emporter". De la même façon, il conviendrait d'expliciter le fait que la circulaire "zéro artificialisation nette" fera l'objet d'une application différenciée en zone de montagne, "de manière à être adaptée aux contraintes spécifiques de ces territoires et à ne pas accentuer les refus de construction en discontinuité".
Enfin, on retiendra que la commission propose également la création d’un "fonds d’adaptation au changement climatique, visant à financer la réhabilitation énergétique des bâtiments touristiques, à restructurer et à adapter les activités économiques au recul de l’enneigement dans les massifs les plus exposés au changement climatique".