Loi Montagne - Le dispositif des logements pour saisonniers pourrait se débloquer avec Elan
Sénateur (LR) de la Haute-Saône, Michel Raison a mis toutes les chances de son côté pour faire avancer la question du logement des travailleurs saisonniers. Il a fait ainsi adopter, en commission des affaires économiques, un amendement au projet de loi Elan (portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique) visant à sortir des "importantes difficultés" que rencontrent les collectivités pour réaliser le recensement des besoins de logements saisonniers dans les communes ayant reçu la dénomination de "communes touristiques".
Au cas où l'amendement serait remis en cause en séance (la semaine prochaine), en commission mixte paritaire (fin juillet), ou en cas d'échec de la CMP (ce qui repousserait le vote définitif à la rentrée), le sénateur de la Haute-Saône avait déposé quelques jours plus tôt, avec une cinquantaine de ses collègues du groupe LR, une proposition de loi - identique - "visant à faciliter le recensement des logements saisonniers".
Un dispositif "flou, peu explicite et inutilement systématique"
Il s'agit en l'occurrence de débloquer la mise en œuvre de l'article 47 de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (dite loi Montagne). Intégré au code de la construction et de l'habitation, cet article prévoit notamment que "toute commune ayant reçu la dénomination de commune touristique [...] conclut avec l'État une convention pour le logement des travailleurs saisonniers. Cette convention est élaborée en association avec l'établissement public de coopération intercommunale auquel appartient la commune, le département et la société mentionnée à l'article L. 313-19 du présent code [Action logement Services, ndlr]. Elle peut aussi associer la Caisse des Dépôts, les bailleurs sociaux et les organismes agréés en application de l'article L.365-4 intervenant sur le territoire de la commune [organismes d'intermédiation locative et de gestion locative sociale, ndlr]".
Mais, comme l'évoque l'exposé des motifs, "la difficulté du dispositif actuel tient notamment dans son caractère flou, peu explicite, inutilement systématique, et dans le fait que la responsabilité de sa mise en œuvre repose intégralement sur les communes, en dépit de la forme contractuelle qu'il est censé prendre".
Le diagnostic du logement saisonnier transféré à l'Etat
L'amendement adopté par la commission sénatoriale, comme la proposition de loi, entendent sortir de cette impasse en instaurant un nouveau dispositif, reposant sur une distinction opérée entre le diagnostic des besoins en logements saisonniers et la convention.
En pratique, le préfet du département serait chargé d'établir le diagnostic sur ces besoins, "par arrêté à prendre avant le 30 juin 2019", et après avis de la commune, de l'EPCI, du département, d'Action logement Services et, le cas échéant, des autres acteurs cités à l'article 47 du projet de loi Montagne (Caisse des Dépôts, bailleurs sociaux...). Un décret en Conseil d'Etat viendrait préciser les modalités de ce diagnostic.
Une fois le diagnostic achevé et rendu exécutoire par l'arrêté préfectoral - et seulement s'il met en évidence la nécessité de développer l'offre de logements saisonniers -, il appartiendrait alors aux différentes parties concernées d'élaborer une convention définissant les objectifs et les moyens à mettre en œuvre pour répondre aux besoins constatés. Ces objectifs en matière de logements saisonniers devraient être atteints dans un délai de trois ans à compter de la signature de la convention.
Lorsqu'elle est établie à l'échelle intercommunale, cette convention comporte une déclinaison des besoins, des objectifs et des moyens d'action par commune. Le cas échéant, elle prend aussi en compte les objectifs en faveur du logement des travailleurs saisonniers contenus dans le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées (PDALHPD) et dans le programme local de l'habitat (PLH).
Des sanctions préfectorales en cas de retard ou de carences
L'amendement et la proposition de loi prévoient également que le préfet réalise, à l'issue du délai de trois ans, un bilan de la mise en œuvre de la convention, ainsi qu'une mise à jour du diagnostic des besoins.
A défaut de signature de la convention dans un délai de trois mois suivant la transmission du projet de texte, le préfet peut, par arrêté, suspendre, jusqu'à la signature de la convention, la reconnaissance de commune ou de groupement touristique. La même sanction s'appliquerait en cas de non-renouvellement de la convention.
De même, si le bilan conclut que les objectifs fixés dans la convention n'ont pas été atteints - et si préfet estime qu'aucune difficulté particulière ne le justifie -, ce dernier peut suspendre par arrêté, pour une durée maximale de trois ans, la reconnaissance de commune ou de groupement touristique.
L'amendement adopté en commission reporte clairement sur l'État la charge du diagnostic sur les logements saisonniers. Avec près d'un millier de communes bénéficiant de l'appellation "touristique", la tâche ainsi transférée aux préfets est conséquente. La CMP ou l'Assemblée - où le gouvernement détient la majorité - pourraient donc être tentées de revenir sur cet amendement. Dans ce cas, la proposition de loi ne manquerait sans doute pas d'entamer son parcours au Sénat, sur le quota réservé à la majorité sénatoriale.
Références : Sénat, amendement n°COM-155 rect. bis au projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (adopté en commission des affaires économiques le 3 juillet 2018) ; proposition de loi visant à faciliter le recensement des logements saisonniers (enregistrée à la présidence du Sénat le 18 juin 2018).