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Territoires - Projet de loi Montagne : un texte sans grand relief

Le projet de loi Montagne qui sera présenté ce 14 septembre en conseil des ministres comprend des mesures "trop partielles" et "insuffisamment stratégiques". C'est le constat que dresse le Cese dans un avis du 7 septembre. Le texte comporte 25 articles. Il prévoit par exemple la dérogation demandée par les élus de stations de ski pour maintenir leur office de tourisme communal. Mais on peut surtout relever de grandes absences : gestion et qualité de l'eau, avenir de l'agriculture de montagne, fermetures de classes, services publics...

Sauf à déclencher une avalanche d'amendements, la réforme de la loi Montagne risque d'accoucher d'une souris. Un an après la publication du rapport des députées Annie Genevard (Doubs, Les Républicains) et Bernadette Laclais (Savoie, PS) appelant à un "Acte II" de la loi Montagne de 1985, le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne,  que le ministre de l'Aménagement du territoire, de la Ruralité et des Collectivités territoriales, Jean-Michel Baylet, s'apprête à présenter en conseil des ministres, le 14 septembre, n'est sans doute pas à la hauteur des espoirs qu'il a fait naître. Le texte ne comprend que 25 articles regroupés en quatre titres : "prendre en compte les spécificités de la montagne et renforcer la solidarité nationale" ; "soutenir l'emploi et le dynamisme économique en montagne" ; "réhabiliter l'immobilier de loisir par un urbanisme adapté" ; "renforcer les politiques environnementales à travers l'intervention des parcs naturels régionaux". De beaux objectifs qui cachent bien des absences. Dans sa rédaction actuelle, "les mesures prévues sont trop partielles et insuffisamment stratégiques", juge Michèle Nathan, auteur d'un avis du Cese adopté à l'unanimité le 7 septembre par la section de l'aménagement durable des territoires et présenté à la presse le 13 septembre. Saisi en urgence par le Premier ministre fin juillet, le Cese n'a eu que très peu de temps pour rendre son avis avant l'examen du texte au Conseil d'Etat le 13 septembre. Mais Michèle Nathan veut bien mettre ce manque d'envergure sur le dos des contraintes du calendrier parlementaire. Qui plus est, rappelle-t-elle, il s'agissait d'un toilettage de la loi de 1985 pour l'adapter à de nouveaux enjeux et non d'une refonte complète. 

Maintien des offices de tourisme communaux

Le texte a en effet été placé en urgence pour pouvoir être examiné lors de la session parlementaire extraordinaire. Certaines dispositions doivent être prises avant la fin de l'année. C'est le cas de la dérogation à la loi Notr du 7 août 2015 prévue pour permettre aux communes de montagne de maintenir leur office de tourisme, alors que la promotion du tourisme est désormais une compétence strictement intercommunale. Les élus de la montagne s'étaient mobilisés et ont obtenu gain de cause. Ainsi l'article 18 du texte prévoit-il que les communes classées en station de tourisme avant le 1er janvier 2017 peuvent "par délibération prise avant cette même date, décider de conserver leur office de tourisme communal". A noter que, si la demande de classement en station de tourisme est rejetée, la délibération devient par là-même caduque. Le rapporteur du Cese "fait part de son étonnement" quant au fait que le projet de loi ne comprenne que deux articles liés au tourisme (l'article 17 relatif à la promotion des ventes de voyages et de séjours et l'article 18). Et rien sur "la situation économique des stations de montagne et des collectivités exploitantes en grande difficulté, très nombreuses dans les massifs alpin et pyrénéen". De même l'agriculture de montagne, elle aussi en grande difficulté, est absente du texte. Au chapitre "développement des activités agricoles, pastorales et forestières", on ne trouve en réalité qu'une mesure visant à inciter les petits propriétaires forestiers à se regrouper (article 15) et une autre adaptant la lutte contre les grands prédateurs à chaque massif (article 16). Ce qui est déjà le cas.

De grands absents

Autres grands absents : la gestion de l'eau et la protection des milieux aquatiques, l'avenir des écoles, les transports et les services publics qui ne font l'objet d'aucune mesure spécifique. Autant de points sur lesquels le rapport parlementaire insistait lourdement. Certaines de ces questions sont renvoyées au schéma interrégional d'aménagement et de développement de massif. Ces schémas élaborés par le comité de massif et approuvés par la région doivent désormais intégrer les divers volets des Sraddet, des SRDEII et des stratégies de cohérence régionale pour l'aménagement numérique (Scoran). Ils s'intéressent d'une part "aux mobilités, au climat, à l'air à l'énergie, à la prévention et la gestion des déchets et aux continuités écologiques, et d'autre part au développement économique, à l'innovation à l'internationalisation et enfin au développement de l'aménagement numérique" (article 8). Mais pour le Cese, il convient de "veiller à ce que le schéma prenne en compte certains documents de planification, et en particulier les orientations de la trame verte et bleue (ONTVB)". Il préconise aussi de s'appuyer sur les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Quant aux maisons de services au public en cours de déploiement sur le territoire, elles ne sont visées qu'à l'article 13 qui vise à tenir compte de la situation spécifique des travailleurs saisonniers et à intégrer en leur sein "les maisons des saisonniers".

Faciliter les réhabilitations de logements

Pour le reste, le projet de loi comprend de nombreuses mesures relatives aux instances de gouvernance. Il redonne du poids aux comités de massifs et au Conseil national de la montagne qui, au passage, n'a pas été consulté sur le texte. Le CNM intégrera désormais des représentants des régions et des départements. Le Cese souhaiterait également que des représentants de l'économie sociale et solidaire puissent y siéger.
Le déploiement du numérique fait l'objet d'un article rattaché au volet sur le soutien à l'emploi et au développement économique. On retiendra une disposition visant à expérimenter toute innovation "permettant le développement d'un mix technologique" afin de tenir compte des contraintes d'accessibilité liées à l'altitude, à la pente ou au climat (article 9).
On retiendra par ailleurs plusieurs dispositions relatives à l'urbanisme et à l'immobilier, l'idée étant d'inciter à la rénovation et à la réhabilitation  du bâti avant de recourir à de nouvelles constructions, sachant que, comme le fait remarquer le Cese, en montagne, "80%, de l'offre d'hébergement touristique repose sur la location meublée de résidences secondaires", mais 40% de ces logements "connaissent aujourd'hui des périodes d'utilisation ou de location de plus en plus rares". Le projet de loi modifie la procédure des unités touristiques nouvelles (UTN). Il distingue entre des UTN "structurantes" ayant vocation à être programmées dans les Scot et des UTN "locales", liées quant à elles aux PLU. Le texte vise ensuite à faciliter les réhabilitations. Il étend aux syndicats de copropriétaires les aides des collectivités aux opérations de réhabilitation de l'immobilier de loisir (Oril). Il instaure aussi un "droit de priorité" en cas de ventes pour les propriétaires d'un appartement situé en contigu afin de favoriser la fusion de petits meublés. "Je ne suis pas sûre que tout cela changera la donne", tempère Michèle Nathan. Cette dernière aurait également bien aimé qu'une plus grande place soit accordée au "changement climatique" qui touche en particulier les stations de basse altitude. "On regrette un peu que le projet de loi n'y fasse pas plus référence", déplore-t-elle. Et de conclure : "Le projet de loi va dans le bon sens mais il aura des effets assez limités par rapport à l'ampleur des problèmes à traiter."

 

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