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Territoires - La montagne aura bien sa loi en 2016

Une nouvelle loi Montagne sera élaborée et adoptée en 2016, a affirmé le Premier ministre le 25 septembre, à l'occasion du Conseil national de la montagne (CNM) organisé, à Chamonix. Trente ans après la fameuse loi Montagne de 1985, le gouvernement a précisé sa feuille de route pour l'acte II de la montagne. Au programme notamment : un renforcement des institutions représentatives et un meilleur accès aux services. Les élus de montagne restent vigilants.

A l'occasion du Conseil national de la montagne (CNM) qui s'est tenu le 25 septembre 2015 à Chamonix, le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé qu'une nouvelle loi Montagne serait préparée sur la base du rapport des deux parlementaires, Bernadette Laclais, députée PS de Savoie, et Annie Genevard, députée Les Républicains du Doubs, remis le 3 septembre.
 Le Premier ministre prévoit une adoption du texte en 2016. "Nous devons aujourd'hui passer à une autre logique, a-t-il signalé le 25 septembre, à la suite du CNM. La montagne ne doit pas se résumer à une somme de handicaps naturels à compenser. Nous devons désormais valoriser les spécificités de ces espaces pour en tirer pleinement partie." 
Il s'agissait d'une attente forte de la part des élus de montagne, pour laquelle Manuel Valls avait déjà posé quelques jalons lors du CNM de 2014, annonçant une nouvelle feuille de route pour ces territoires.

Le "parti de la montagne" se montre divisé. "C'est une très bonne nouvelle pour la montagne, assure ainsi à Localtis Marie-Noëlle Battistel, députée PS de l'Isère et secrétaire générale de l'Association nationale des élus de montagne (Anem). Nous sommes très satisfaits de ces annonces qui auraient pu être a minima." Le président de l'Anem, Laurent Wauquiez (Les Républicains), se montre beaucoup plus réservé. "On est satisfait qu'il y ait une loi Montagne. Mais si c'est une coquille vide, ça n'a aucun intérêt", a-t-il réagi auprès de l'AFP. "Aujourd'hui, l'inquiétude de la montagne reste entière, il manque des actes", a ajouté le maire du Puy-en-Velay. Dans le détail, l'Anem - qui s'était réjouie des conclusions de la mission Laclais-Genevard - constate, dans un communiqué du 25 septembre, des avancées dans le domaine d'internet et de la santé mais "trop peu sur les dotations aux communes et l'agriculture de montagne pourtant en grande difficulté".
Les élus des stations de montagne sont quant à eux enthousiastes. "Nous sommes très heureux de cette décision, signale ainsi à Localtis Charles-Ange Ginesy, président de l'Association nationale des maires des stations de montagne (ANMSM) et député Les Républicains des Alpes-Maritimes. Cette loi qui datait d'il y a trente ans avait besoin d'être remise au goût du jour. Il y a trente ans, on ne parlait pas de numérique ni de développement durable." Satisfait, mais vigilant, car "les territoires de montagne ont beaucoup souffert", affirme-t-il, en insistant sur la baisse des dotations de l'Etat, la fusion des régions, la suppression des conseils généraux avec l'arrivée de conseils départementaux éloignés des zones de montagne. L'ANMSM compte notamment remettre sur la table la question du transfert de la compétence "promotion du tourisme" aux intercommunalités, prévue dans le cadre de la loi Nouvelle Organisation territoriale de la République (Notr), qu'elle souhaiterait voir devenir optionnelle.

Renforcer le CNM et les comités de massifs

La feuille de route du gouvernement prévoit tout d'abord d'améliorer les institutions chargées de veiller à la prise en compte des enjeux de la montagne : les missions du CNM seront renforcées, sa composition revue pour mieux représenter les acteurs de la montagne (un décret est prévu début 2016). Il devra se réunir une fois par mois et être consulté systématiquement sur tous les textes de loi et décrets intéressant directement la montagne.
 Les comités de massifs verront aussi leurs missions renforcées : ils pourront transmettre des motions aux administrations de l'Etat et des propositions d'adaptation des normes en montagne au CNM, à travers une procédure de saisine et de réponses précise. Une procédure qui donnera enfin vie à l'article 8 de la loi de 1985 qui prévoit ces adaptations sans préciser la méthodologie. Les premières réponses des administrations devraient intervenir dès le premier trimestre 2016. La délimitation et la composition des massifs seront également modifiées "pour une meilleure adéquation avec leur sociologie", précise le dossier de presse du gouvernement (décret prévu mi-2016). Enfin, le zonage "montagne" sera rationalisé, l'idée étant d'unifier les classements existants, "montagne" et "massif". Une étude, menée par Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) sera remise en décembre 2015 sur le sujet. Elle doit permettre de connaître les conséquences d'une unification des deux classements actuels, l'arrêté interministériel unique de classement montagne étant prévu pour le premier semestre 2016.

Soutenir les pluriactifs et les saisonniers

La feuille de route du gouvernement s'intéresse aussi à l'emploi et au développement économique. Comme le recommandait le rapport des deux députées, un soutien particulier est envisagé pour les pluriactifs (création d'une protection universelle maladie, définition d'une modalité adaptée de couverture complémentaire santé, adaptation des formations au rythme et besoins des pluriactifs, développement des groupements d'employeurs pour faciliter l'emploi pérenne et à temps plein des pluriactifs) et à l'emploi saisonnier (sécurisation de leur situation d'emploi dans le cadre de la loi Travail à la fin du premier semestre 2016, insertion d'une offre "saisonniers" dans toutes les maisons de services au public en zone de montagne d'ici fin 2016).
Le gouvernement prévoit aussi des soutiens spécifiques à l'agriculture montagnarde, comme le maintien de l'ICHN (indemnité compensatoire de handicap naturel) à un haut niveau. "Au total, en 2017, l'ICHN renforcée représentera un budget annuel de 1.056 millions d'euros, soit près de 300 millions d'euros de plus que les 550 millions d'euros et les 215 millions d'euros versés en 2013 au titre de l'ICHN et de la prime herbagère environnementale (PHAE), précise le dossier de Matignon. L'Etat continuera à avoir une attention dans la négociation de la prochaine politique agricole commune (PAC) afin de la maintenir à un haut niveau et de conserver les paramètres permettant de la cibler au mieux."

En matière de changement climatique et de transition écologique, à quelques semaines de la COP 21, le gouvernement veut élaborer une nouvelle circulaire sur l'application des dispositions d'urbanisme de la loi montagne pour clarifier des divergences d'interprétation, accompagner et stimuler les initiatives de construction avec les filières locales et renforcer le soutien à la mise en oeuvre des projets de territoire en montagne via un appel à projet "Atelier des territoires en zone de montagne".

150.000 nouveaux foyers couverts en haut débit

Des mesures sont prévues pour garantir l'accès aux services numériques (lancement du guichet mobile fin 2015, couverture en 3G des 900 centres-bourgs de montagne mi-2017 et couverture de 150.000 nouveaux foyers en haut débit par satellite en 2018) et renforcer l'offre de soins de proximité et garantir un accès aux soins urgents, avec notamment les outils d'incitation à l'installation de médecins. Le gouvernement promet aussi d'assurer une école de qualité (développement de la contractualisation pour prendre en compte les spécificités des écoles en montagne, simplification de l'organisation des classes de découverte et de neige, prise en compte des contraintes des acteurs des zones de montagne, avec notamment l'élaboration d'un nouveau calendrier scolaire pour les années 2015-2018, issu de la concertation conduite en 2015). En matière de mobilité, l'Etat va engager 720 millions d'euros pour la modernisation et le développement des réseaux structurants de montagne, dans le cadre des contrats de plan Etat-région (CPER) 2015-2020, pour un effet de levier total de 1,74 milliard d'euros d'investissement public. 

"Ces mesures sont cohérentes et urgentes, souligne Charles-Ange Ginesy. Nous sommes avides de voir venir ce qui a été annoncé car depuis un moment il y a eu beaucoup d'effet d'annonces et peu de suivi et d'opérationalité."

 

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