Congrès de l'Anem - L'air de la montagne réussit au gouvernement

Les élus de la montagne ont le sentiment d'avoir été "entendus" par le gouvernement, ont-ils fait savoir à l’issue de leur 33e congrès, qui se tenait à Forcalquier, les 20 et 21 octobre. Pas moins de trois ministres avaient fait le déplacement. Parmi eux, l'ancien maire de Forcalquier, Christophe Castaner…

Pas mois de trois ministres (Jacqueline Gourault, Julien Denormandie et Christophe Castaner) se sont rendus au 33e congrès de l'Association nationale des élus de la montagne (Anem), les 20 et 21 octobre, à Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence). L'ancien maire de Forcalquier, Christophe Castaner, devenu ministre des relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement, jouait un peu à domicile. D'autant qu'il est toujours membre du comité directeur de l'Anem... "La confiance elle se crée. Mais pour la construire, il faut du temps", a voulu rassurer le porte-parole du gouvernement, en clôture de ce congrès.
L'opération de déminage que les membres du gouvernement s'évertuent à conduire depuis quelques semaines auprès des associations d'élus - avec plus ou moins de succès - a ici bien fonctionné. A l'issue de ces deux journées d'échanges, les élus de la montagne ont eu 'le sentiment que leur volonté de voir respectée la spécificité de loi montagne [avait] été entendue', se félicite l'Anem, dans un communiqué. "Nous avons senti une réelle disponibilité vis-à-vis des élus de la montagne", insiste même le directeur général de l'association, Pierre Bretel. Ce qui, dans le contexte houleux du moment, n'est pas rien. D'autant que moins d'un an après la promulgation de la nouvelle "loi montagne" du 28 décembre 2016, les montagnards ont quelques sujets d'inquiétudes bien spécifiques, comme le montrent les cinq motions adoptées lors du congrès : la couverture numérique, l'école, la solidarité financière, la compétence sur l'eau et le loup.

Loi montagne : tous les décrets promis avant la fin de l'année

Or si cette loi de 2016 (comme son illustre aînée de 1985) reconnaît la "spécificité de la montagne", le quinquennat avait démarré sur un hiatus. L'Anem n'avait pas été conviée aux travaux de la Conférence nationale des territoires le 17 juillet dernier. La "pensée dominante très urbaine", selon l'expression du délégué général de l'association, avait repris le dessus. Les élus sont d'ailleurs en attente de nombreux décrets d'application de cette loi de 2016. Julien Denormandie s'est engagé à ce qu'ils le soient avant la fin de l'année. Parmi eux : le décret concernant la détaxation du carburant pour la collecte du lait, attendu avec impatience par les éleveurs.
Les élus ont aussi le sentiment d'avoir eu l'écoute du gouvernement concernant l'épineuse question de la gestion de l'eau et de l'assainissement, qui sera confiée aux intercommunalités à compter du 1er janvier 2020. Jacqueline Gourault, ministre déléguée auprès du ministre de l'Intérieur, très réservée sur cette requête, a cependant indiqué que le Premier ministre lui a confié une mission pour examiner les souhaits des élus. Les maires de montagne demandent de pouvoir maintenir "l'optionalité" de cette compétence au niveau des communes si elles le désirent. "De nombreuses communes de montagne souhaitent conserver la maîtrise d'un service qu'elles gèrent en proximité, avec un coût de fonctionnement réduit au minimum", souligne la motion de l'Anem sur le sujet, alors que le transfert à l'intercommunalité  "éloignera le service et augmentera son coût". Une position récemment défendue à l'Assemblée nationale par la présidente de l'Anem, la députée de l'Isère Marie-Noëlle Battistel. Pour les élus de la montagne ce serait une occasion de mettre en pratique le sacro-saint "droit à l'adaptation" inscrit à l'article 8 de la loi montagne et renforcé par la loi de 2016.

Stations de ski : "On va tuer la poule aux oeufs d'or"

L'Anem invite par ailleurs à revoir le mécanisme du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) qui s'avère "confiscatoire" pour les communes transfrontalières et les stations de ski. "On va tuer la poule aux œufs d'or", met en garde Pierre Bretel qui rappelle que les stations de ski doivent réaliser de lourds investissements dans un contexte de concurrence internationale exacerbée et de raréfaction de "l'or blanc". Si elles génèrent d'importantes recettes, elles ont aussi des charges plus importantes que les communes de population équivalente, explique-t-il. Il constate par ailleurs "une confusion entre le revenu par habitant et le revenu de la collectivité" du fait, dans certaines d'entres elles, de la présence de nombreux travailleurs frontaliers. "C'est un paradoxe absolu, il faudrait un mécanisme qui prenne en compte ces deux situations", souligne le délégué général. C'était d'ailleurs le sens de l'article 4 de loi du 28 décembre 2016 imposant de prendre en compte les" surcoûts spécifiques" des communes de montagne, que ce soit pour le Fpic ou la DGF (dotation globale de fonctionnement).
Pierre Bretel dénonce par ailleurs la "grande tartufferie de l'Etat" au sujet des licences accordées aux opérateurs de téléphonie mobile, licences basées sur des critères qui datent... de 2003. L'Anem demande ainsi que la renégociation de ces licences soit conditionnée à un cahier des charges sur l'aménagement du territoire, avec "des obligations de résultats en matière de couverture" et "pas seulement de population".
Les élus de montagne rappellent aussi que l'école est un "élément vital d'aménagement du territoire". Ils exigent que la spécificité montagne soit réellement prise en compte dans la carte scolaire et que l'élaboration du calendrier scolaire fasse l'objet d'une concertation. Faire terminer les vacances de printemps à la mi-mai (comme prévu cette année dans certaines académies) "va sacrifier une bonne partie de l'activité", juge Pierre Bretel, pour qui le respect du rythme chrono-biologique de l'enfant n'est pas incompatible avec l'intérêt des territoires.
Enfin, l'Anem réclame pudiquement une "approche radicalement nouvelle à l'égard des prédateurs" face à la progression "alarmante" des prédations dues au loup et à l'ours. Concernant la diffusion récente d'une vidéo d'hommes armés menaçant de reprendre la chasse à l'ours en Ariège, l'Anem considère qu'elle n'a "pas à se situer par rapport à des gens qui sont anonymes" mais qu'elle traduit "les signes extrêmement dangereux de rupture sociale". L'Anem demande une application scrupuleuse du principe d' "acceptabilité sociale" contenu dans la Convention de Berne et la Directive Habitats. Selon ce principe, toute réintroduction doit être précédée d'une consultation de la population.

 

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