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Logement social - Baisse du taux du livret A et chasse aux doubles comptes ne suscitent pas d'inquiétudes pour le financement des HLM

Christine Lagarde a annoncé, le 16 juillet, que la rémunération du livret A sera fixée à 1,25% à compter du 1er août, ce qui constitue un plus bas historique depuis sa création en 1818. Ramené à 2,5% le 1er février, puis à 1,75% le 1er mai, le taux du livret A perd ainsi à nouveau 0,5 point. A la fin de l'an dernier, la rémunération du livret A était encore de 4%. En appliquant strictement le mode de calcul réglementaire - fondé notamment sur l'inflation (-0,5% en glissement annuel au 30 juin) et sur l'évolution des taux à court terme -, la rémunération aurait dû être ramenée à 0,25%. La ministre de l'Economie a néanmoins décidé, "sur la recommandation du gouverneur de la Banque de France de déroger à la formule, comme l'y autorise la réglementation en cas de circonstances exceptionnelles". Elle estime "qu'un taux de 1,25% permet d'atteindre le bon équilibre entre le soutien au financement de l'économie et la rémunération des épargnants".
Dans le même temps, Bercy a lancé, cet été, la première campagne de recoupement pour identifier les personnes détentrices de plusieurs livrets A à titre personnel (à ne pas confondre avec le cas des familles avec enfants, qui peuvent détenir autant de livrets que le foyer compte de membres). La loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME) prévoit en effet des sanctions pour les multi-détenteurs, sous la forme d'une amende correspondant à 2% de l'encours du ou des livrets supplémentaires ouverts par une personne détenant déjà un livret A. Si son montant est inférieur à 50 euros, l'amende n'est toutefois pas recouvrée. Sachant que 46 millions de livrets étaient ouverts à la fin de 2008 et que 5,8 millions l'ont été depuis le 1er janvier - date de la libéralisation de la distribution du livret A -, il est clair que le nombre de multi-détenteurs est important. Sur les seuls souscripteurs d'un livret A depuis le 1er janvier, 1,3 million de personnes en détiendraient au moins deux. La campagne de cet été ne constitue cependant qu'un premier coup de sonde. L'administration fiscale et les représentants du secteur bancaire travaillent en effet à une refonte du fichier des comptes bancaires (Ficoba). Lorsque la nouvelle version sera opérationnelle, à la fin de 2009 ou au début de 2010, elle permettra des contrôles beaucoup plus efficaces, notamment lors de l'ouverture d'un compte.
En d'autres temps, une baisse historique de la rémunération du livret A et une chasse aux doubles comptes auraient provoqué une vive inquiétude parmi les opérateurs du logement social. Or ces deux événements ne suscitent pas de réactions particulières. D'une part, la manne engrangée sur les livrets A depuis un an - encore 22 milliards d'euros de collecte nette cumulée depuis le 1er janvier, ce qui porte l'encours à 258 milliards d'euros - met à l'abri de tout assèchement de la ressource, même si les fonds collectés ont désormais une destination plus large que le seul logement social. L'Union sociale pour l'habitat (USH) s'inquiète plutôt d'une possible réduction des aides à la pierre, sans lesquelles aucune opération de construction de logement social ne peut se monter (voir notre article ci-contre du 1er juillet 2009). Sur le livret A, la principale revendication de l'USH porte d'ailleurs non pas sur le taux - considéré comme "un paramètre parmi d'autres" -, mais sur le plafond de dépôt, que l'association souhaite voir relever à 20.000 euros au lieu des 15.300 euros actuels. D'autre part, malgré cette baisse de 0,5 point, le livret A reste un placement attractif. Les autres placements à court terme - Sicav monétaires et comptes à terme - présentent en effet une performance nette inférieure, tandis que l'assurance-vie, si elle affiche des taux d'appels (hors fiscalité) autour de 4%, est engagée dans une tendance à la baisse de la rémunération. Enfin, il ne faut pas oublier que les offices publics de l'habitat (OPH) sont les premiers bénéficiaires de la baisse du taux du livret A. Selon Bercy, la diminution de 0,5 point de la rémunération du livret A va leur permettre, grâce au moindre coût des prêts, d'alléger leurs frais financiers de 500 millions d'euros.

 

Jean-Noël Escudié / PCA