Social / Education - Avec les attentats, le débat sur la suspension des allocations familiales fait son retour
Le débat semblait clos, mais les attentats perpétrés il y a dix jours le font resurgir. A l'origine de ce retour : les 200 incidents recensés par le ministère dans les établissements scolaires depuis le 7 janvier, dont une centaine durant la minute de silence en mémoire des victimes. Evoquant pour sa part des perturbations "dans des centaines d'établissements scolaires", Eric Ciotti - député UMP et président du conseil général des Alpes-Maritimes - propose "l'instauration d'un dispositif contractuel équilibré et gradué d'accompagnement des parents d'enfants dont le comportement perturbateur aura été signalé par l'Education nationale au président du conseil général en charge de la protection de l'enfance".
Une proposition de loi pour rétablir la "loi Ciotti"
Le député - qui est aussi, depuis le 17 décembre, le président de la commission d'enquête parlementaire sur la surveillance des filières et des individus djihadistes - précise que "ce dispositif pourrait aller jusqu'à la suppression des allocations familiales en cas de refus manifestes et réitérés de la part des parents de respecter les valeurs de la République".
Pour cela, Eric Ciotti n'a pas eu à chercher loin. Il a en effet déposé une proposition de loi (non encore enregistrée à la présidence de l'Assemblée) rétablissant le contrat de responsabilité parentale. Un mécanisme mis en place par une loi du 28 septembre 2010 (dite aussi loi Ciotti) et qui visait alors la lutte contre l'absentéisme scolaire (voir notre article ci-contre du 20 septembre 2010).
Ce texte a été abrogé par une loi du 21 janvier 2013. Celle-ci instaure un dispositif de suivi non contraignant, prévoyant qu'"en cas de persistance du défaut d'assiduité, le directeur de l'établissement d'enseignement réunit les membres concernés de la communauté éducative [...], afin de proposer aux personnes responsables de l'enfant une aide et un accompagnement adaptés et contractualisés avec celles-ci. Un personnel d'éducation référent est désigné pour suivre les mesures mises en œuvre au sein de l'établissement d'enseignement" (voir nos articles ci-contre du 18 janvier et du 5 février 2013).
Les attentats changent la donne
La question de la lutte contre l'absentéisme scolaire semble désormais close avec les deux décrets du 18 novembre 2014 qui abrogent le décret de mise en œuvre de la loi de 2010 et instaurent un nouveau dispositif de lutte contre l'absentéisme (voir notre article ci-contre du 20 novembre 2014). Dans un communiqué du 6 janvier 2015, la ministre de l'Education nationale présente d'ailleurs une circulaire d'application de ces textes, datée du 24 décembre 2014 et destinée à mettre "fin aux mesures inefficaces de suspension des allocations familiales, au contrat de responsabilité parentale et [qui] supprime la référence aux sanctions administratives, conformément à la loi de Refondation de l'école de la République" (voir notre article ci-contre du 9 janvier 2015).
Mais les attentats du 7 janvier changent la donne, dans la mesure où il ne s'agit plus de lutter contre l'absentéisme scolaire, mais de veiller à la laïcité et à l'apprentissage de la citoyenneté à l'école. Dans son discours très ferme du 13 janvier à l'Assemblée nationale, Manuel Valls indiquait ainsi : "La République n'est pas possible sans l'école, et l'école n'est pas possible sans la République. Et on a laissé passer trop de choses, je le disais il y a un instant, dans l'école".
Si un retour au dispositif de 2010 semble peu probable, il reste que la question de la réponse à apporter aux remises en cause de la laïcité et du vivre ensemble est désormais posée. Dans ce contexte, la question des allocations familiales reviendra inévitablement sur la table, même s'il n'est toujours pas prouvé qu'il s'agit du moyen le plus efficace. Najat Vallaud-Belkacem pourrait en tout cas apporter des premières réponses jeudi 22 janvier.
Une réunion des ministres et secrétaires d'Etat est en effet prévue ce jour-là à Matignon, réunion au cours de laquelle la ministre de l'Education, qui a beaucoup consulté et s'est déjà pas mal exprimée depuis les attentats (voir ci-contre nos articles des derniers jours), est attendue pour présenter un certain nombre de mesures liées à la laïcité - mais aussi à la mixité, à la mobilité sociale, à "la mobilisation de l'ensemble des partenaires"...