Accès aux soins - Aide à la complémentaire santé : les raisons du non recours
Instaurée en 2005, l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé (ACS) s'adresse aux personnes à revenus modestes, mais dont les ressources sont néanmoins supérieures au plafond d'éligibilité à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Depuis huit ans, l'ACS ne parvient pas vraiment à trouver son public. Malgré plusieurs relèvements successifs de son plafond d'accès (voir par exemple nos articles ci-contre du 27 novembre et du 18 juin 2013), la montée en charge de la prestation reste très laborieuse.
Une prestation qui n'atteint pas sa cible
Et - surtout - l'ACS est très loin d'avoir atteint sa cible potentielle, qui ne cesse au demeurant de s'accroître au fil des relèvements du plafond d'accès. L'enjeu est de taille, car l'assurance maladie de base couvre seulement 63% des soins de santé courants (et 75,5% des dépenses de santé totales). Pourtant, les chiffres du Fonds de financement de la CMU montrent que seules 22% des personnes éligibles à l'ACS avaient effectivement fait valoir leurs droits en 2011.
Dans sa lettre "Questions d'économie et de santé", l'Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé) publie justement une étude intitulée "Comment expliquer le non recours à l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ?". Non seulement ce n'est pas la première fois que l'Irdes se penche sur la question (voir notre article ci-contre du 12 avril 2011), mais cette nouvelle étude - réalisée avec l'université Paris Dauphine - exploite le même échantillon de 4.200 assurés de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, mis en place en 2009...
Une population de travailleurs pauvres
A partir de cette cohorte, l'Irdes tente de comprendre les raisons du non recours à l'ACS. L'étude commence par dresser le profil des bénéficiaires potentiels de cette prestation. Il s'agit - sans surprise - d'une population "confrontée à des difficultés économiques et sociales", avec un âge moyen de 45,5 ans, une majorité de femmes (55%), ainsi qu'une surreprésentation des personnes isolées (25,8%) et des couples avec enfants (54,7%). En revanche, les familles monoparentales ne sont que très légèrement surreprésentées (9,7% contre 8,2% en moyenne nationale). La majorité des enquêtés sont actifs (53,8% contre 59,6% en population générale), mais se trouve plus souvent en précarité : 33,4% de temps partiel (contre 16,9%) et 26% de contrats précaires (CDD, intérim, saisonniers...).
Cette population présente un état de santé dégradé : 41,6% disent ainsi ne pas avoir un bon état de santé perçu (contre 27,5% en population générale). Elle n'est cependant pas coupée du système de soins, puisque 96,2% des enquêtés ont déclaré un médecin traitant à la sécurité sociale. Ce profil - que complètent de nombreuses autres données dans l'étude de l'Irdes - correspond assez bien à celui des travailleurs pauvres, qui sont aussi la cible du RSA activité, avec la même difficulté de montée en charge.
Méconnaissance et complexité
Interrogés sur les raisons du non recours à l'ACS, les intéressés mettent en avant plusieurs raisons. Ils citent en premier lieu la méconnaissance du dispositif : les deux tiers des enquêtés ont déclaré ne pas connaître le dispositif, malgré le courrier envoyé par la Cpam six mois avant l'étude. L'incertitude sur son éligibilité personnelle à l'ACS constitue un autre frein : 40,6% des bénéficiaires potentiels qui n'ont pas entamé de démarches pensaient ainsi "ne pas avoir droit à l'ACS". La complexité des démarches à entreprendre est également mise en avant, de même que la "lourdeur administrative" (formulaires trop compliqués, renvoi d'un organisme à l'autre...). Enfin, les bénéficiaires potentiels non déjà couverts par une complémentaire santé (12,6% de l'échantillon) mettent en avant le prix d'une complémentaire santé, même après déduction du chèque santé apporté par l'ACS.