Santé - Rapport Archimbaud : quarante propositions pour l'accès aux soins des plus démunis
Le 24 septembre, Aline Archimbaud, sénatrice de Seine-Saint-Denis (Europe Ecologie Les Verts) a remis au Premier ministre son rapport sur l'accès aux soins des plus démunis. La commande était de passer en revue les différents dispositifs en vigueur - aide médicale de l'Etat, aide à l'acquisition d'une complémentaire santé et CMU-C -, afin "d'identifier précisément les freins existants (complexité des aides, déficit d'image de l'aide, manque d'information) et de proposer des solutions opérationnelles". Le rapport devait également "s'inscrire en complémentarité des travaux déjà engagés en Loire-Atlantique et en Seine-et-Marne sur l'accès aux droits, ainsi que du projet de convention partenariale avec l'Union nationale des centres communaux d'action sociale [...]".
Pour un "choc de solidarité"
Le message a été entendu et même au-delà, puisque le rapport formule "40 propositions pour un choc de solidarité". Très fouillé dans la présentation des mesures, il propose de travailler sur sept grandes orientations. La première consiste à rendre effectif l'accès aux droits. Parmi les propositions formulées à ce titre, on retiendra notamment des mesures de simplification, comme la mise en place d'une ouverture automatique du droit à la CMU-C dès l'attribution du RSA socle (elle existe en théorie, mais sa mise en œuvre est en réalité très lourde), la fusion de l'AME et de la CMU (ce qui sera sans doute politiquement difficile à faire passer) ou le choix du dernier revenu fiscal de référence pour calculer l'ouverture des droits à la CMU-C et à l'ACS. Aline Archimbaud suggère aussi plusieurs mesures pour "aller chercher les bénéficiaires un par un", comme le renforcement des coopérations entre les CPAM et les Ccas ou l'installation de permanences de l'assurance maladie dans les prisons et les établissements publics de santé.
La seconde orientation consiste à "ouvrir de nouveaux droits", avec des propositions choc comme l'extension de la CMU-C aux bénéficiaires de l'AAH et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou encore la transformation de l'ACS en une CMU-C contributive. La levée des obstacles financiers constitue la troisième orientation. L'une des mesures proposées est d'ailleurs déjà décidée, puisqu'il s'agit de la généralisation du tiers payant à l'ensemble de la médecine de ville (voir notre article ci-contre du 23 septembre 2013). Le rapport propose également de faire appliquer la loi en matière de dispense d'avance de frais et d'interdiction des dépassements d'honoraires pour les bénéficiaires de la CMU-C et de l'ACS.
Une absence de chiffrage
Une autre orientation consiste à soutenir les structures tournées vers les populations fragiles : centres de santé, permanences d'accès aux soins (Pass), réseaux de santé, lits halte soins santé... La cinquième orientation vise à "combattre et sanctionner le refus de soins", notamment en élargissant sa définition, en reconnaissant la validité du "testing" et en aménageant la charge de la preuve. La sixième orientation porte sur le développement de la culture de prévention. Ceci passe notamment par l'autorisation de la prise en charge, par l'assurance maladie, des actes de soins prescrits par les médecins scolaires et ceux de PMI (une façon détournée de leur reconnaître un pouvoir de prescription, ce qui ne manquera pas de faire réagir les libéraux) ou par l'instauration d'un bilan de santé gratuit pour tous les nouveaux bénéficiaires de la CMU-C et leurs ayant droits. Enfin, une dernière orientation vise à améliorer la gouvernance du système et à favoriser l'innovation, essentiellement en renforçant la présence des personnes en situation de précarité dans les différentes instances régionales et en finançant des démarches innovantes.
Si le rapport s'efforce ainsi de répondre à la question posée, il présente en revanche une faiblesse majeure. Aucune proposition n'est en effet chiffrée, alors que plusieurs d'entre elles présentent des coûts conséquents (comme l'extension de l'automaticité de la CMU-C à l'AAH et à l'Aspa). Le communiqué du Premier ministre après la remise du rapport témoigne d'ailleurs d'une prudence certaine. Tout en remerciant Aline Archimbaud "pour ce travail très riche, qui rejoint les priorités de la stratégie nationale de santé, centrée autour de la lutte contre les injustices et les inégalités de santé et d'accès au système de soins", il se contente d'indiquer que la ministre des Affaires sociales et de la Santé et la ministre déléguée en charge de la lutte contre l'exclusion "étudieront les suites à donner au rapport".