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Logement / Handicap - Accessibilité : le Sénat ouvre aux bailleurs sociaux l'adaptabilité des logements et supprime les Pave pour les communes de 500 à 1.000 habitants

Lors de l'adoption, le 2 juin, du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, le Sénat a repris l'ensemble des amendements qui avaient été introduits par sa commission des affaires sociales (voir notre article ci-contre du 26 mai 2015). Il a toutefois adopté trois amendements supplémentaires qui ne sont pas sans incidence.

De la Vefa aux logements produits par les bailleurs sociaux

Le premier de ces amendements - déposé en des termes identiques par les groupes RDSE et Les Républicains (n°9 rect. bis et n°11 rect. quater, sur l'art. 3) et sous-amendé par le gouvernement (n°23 et n°24) - modifie l'article L.111-7-1 du Code de la construction et de l'habitation, article introduit précisément par l'ordonnance du 26 septembre 2014. Dans sa rédaction actuelle, cet article ouvre la possibilité, dans le cas d'un logement vendu en l'état futur d'achèvement (Vefa), que le promoteur fasse réaliser des travaux modificatifs à la demande de l'acquéreur, sous réserve que le logement respecte des critères minimaux d'accessibilité permettant son adaptation ultérieure par des travaux simples. Des décrets en Conseil d'Etat doivent définir les caractéristiques initiales d'accessibilité du logement vendu en Vefa, en vue de garantir son adaptabilité à tous types d'habitants, valides ou handicapés. Il s'agit en l'occurrence de prévoir une adaptabilité à tous les publics de ce type de logements, tout en limitant les coûts initiaux.
L'amendement adopté en séance publique vient étendre cette disposition au cas des logements locatifs sociaux construits directement et gérés par les bailleurs sociaux.

Des travaux financés par les bailleurs

En contrepartie de cette faculté, l'amendement prévoit que les bailleurs sociaux contribuent au financement et à la réalisation de travaux de mise en accessibilité effective de ces logements chaque fois que l'un d'entre eux est attribué à une personne handicapée.
Tout en émettant un avis favorable sur l'amendement, le gouvernement l'a néanmoins sous-amendé. Le sous-amendement prévoit que les décrets à venir précisent les modalités selon lesquelles les bailleurs "garantissent la mise en accessibilité de ces logements pour leur occupation par des personnes handicapées, notamment les modalités techniques de réalisation des travaux de réversibilité qui sont à la charge financière des bailleurs et leur délai d'exécution qui doit être raisonnable".
Selon l'exposé des motif, le texte ainsi modifié "permet d'agrandir pour les personnes valides les pièces à vivre, notamment dans les petits logements, mais aussi d'adapter plus spécifiquement les logements aux personnes handicapées".

Financer des travaux d'accessibilité plutôt que des bureaux d'étude

Le Sénat a également adopté deux autres amendements sur le projet de loi de ratification. Le premier (n°2 rect., art. 6), déposé par le groupe Les Républicains, repousse de 500 à 1.000 habitants le seuil à partir duquel une commune doit se doter d'un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (Pave). Le changement n'est pas mince, puisque, selon les chiffres fournis en séance par Ségolène Neuville - la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion -, 6.988 communes comptant entre 500 et 1.000 habitants échapperaient ainsi à l'obligation d'élaboration d'un Pave. Pour Corinne Imbert, sénatrice (rattachée au groupe Les Républicains) de Charente-Maritime, il s'agit d'être pragmatique en ne contraignant pas ces petites communes "à établir un document qui, à lui seul, n'a jamais rendu la voirie accessible".
Tout en faisant état de la position favorable de la commission des affaires sociales, la rapporteure Claire-Lise Campion - sénatrice (Socialiste) de l'Essonne - s'est montrée défavorable à l'amendement, dans la mesure où l'ordonnance du 26 septembre 2014 prévoit déjà un Pave simplifié pour les communes de 500 à 1.000 habitants et qu'en la matière, "aller plus loin remettrait en cause l'équilibre acquis au cours de la concertation".
Le gouvernement s'est en revanche montré beaucoup plus ouvert. Ségolène Neuville a indiqué comprendre "parfaitement l'esprit de cet amendement, qui vise en fait à permettre aux communes dépourvues de service technique compétent pour assurer l'élaboration d'un Pave de concentrer leurs ressources sur la réalisation de travaux de mise en accessibilité, plutôt que sur l'achat de prestations de bureaux d'études". Elle s'en est remis à la sagesse du Sénat, "spécialiste des collectivités territoriales". Le sort de cette disposition dans le texte final est donc incertain.

Un coup de pouce pour les retardataires ?

Il y a peu de suspense, a priori, sur le dernier amendement adopté par le Sénat (n°6 rect. bis, après l'art. 8). Egalement déposé par le groupe Les Républicains, il introduit dans la liste des dépenses que les entreprises peuvent déduire de leur résultat imposable "une somme égale à 40% de la valeur d'origine des biens hors frais financiers qu'elles acquièrent ou fabriquent entre le 27 septembre 2015 et le 26 septembre 2016, lorsque ces biens peuvent faire l'objet d'un amortissement et qu'ils sont nécessaires à la mise en œuvre des agendas d'accessibilité programmée" (Ad'AP).
Après que la commission s'en est remis à la sagesse du Sénat, le gouvernement a émis un avis défavorable, en considérant que "mettre en œuvre le dispositif de cet amendement reviendrait à accorder une prime à ceux qui ont traîné les pieds jusque-là".

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : projet de loi ratifiant l'ordonnance n°2014-1090 du 26 septembre 2014 relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées (adopté en première lecture par le Sénat le 2 juin 2015).

 

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