Habitat - 70% des actifs refuseraient un travail les conduisant à payer un logement plus cher : le Medef propose des solutions

"Urgence républicaine". Le Medef utilise les grands mots pour son récent livre blanc sur la politique du logement en France. Publié le 9 mars 2015, il s'intitule précisément "Livre blanc pour le logement : une urgence républicaine au service de la croissance et de l'emploi".
L'organisation patronale justifie sa prise de parole sur le sujet par plusieurs arguments : "La crise du logement, c'est une pénurie d'offre qui maintient des prix élevés, des salariés contraints aux longs déplacements et moins productifs, parfois même des entreprises qui ont des difficultés à recruter. Mais c'est aussi 0,4 point de croissance en moins en 2014, plus de 100.000 emplois détruits depuis 2007 et des milliards d'euros de manque à gagner pour l'Etat comme pour les collectivités locales."

Logement : employeurs et salariés, même combat !

En 2011, le Medef avait également commandé au Crédoc deux études sur "Les répercussions directes et indirectes de la crise du logement sur l'emploi" et sur "La mobilité professionnelle bridée par les problèmes de logement" (voir notre article ci-contre du 21 septembre 2011). Celles-ci montrent notamment que "70% des actifs refuseraient une opportunité professionnelle si cela les obligeait à accroître leurs dépenses de logement". Une bonne raison, pour l'organisation patronale, de s'investir dans la politique du logement...
Le constat effectué par le Medef est certes "sans concessions" - comme annoncé par Pierre Gattaz dans son avant-propos - mais rejoint des analyses déjà largement partagées : offre de logements insuffisante malgré une amélioration au cours de la décennie, demande "sous tension", indisponibilité du foncier, réglementations contraignantes, recours "plus ou moins abusifs", déséquilibre des rapports entre bailleurs et propriétaires, fiscalité "pénalisante au regard des autres pays européens", essoufflement du système français de financement ("de plus en plus d'interventions publiques, des résultats de moins en moins satisfaisants")...

Lutter contre le "malthusianisme local"

Même s'il comporte de nombreuses préconisations, le livre blanc choisit de se concentrer sur sept propositions principales. La première consiste à "libérer du foncier constructible à des conditions abordables dans les secteurs où sont localisés les besoins". Pour cela, le Medef propose notamment de mobiliser davantage le foncier public en créant une "base de données transparente" et en permettant à des opérateurs privés de se porter acquéreurs, mais aussi en mobilisant davantage le foncier privé (par une fiscalité "simple et lisible") et en luttant contre le "malthusianisme local", en généralisant le transfert de la compétence logement aux intercommunalités et en augmentant les ressources des collectivités "bâtisseuses".
Le livre blanc préconise également de "maîtriser l'élaboration des réglementations et des normes de construction pour contenir les coûts", ce qui supposerait l'abrogation des règles et normes inutiles ou excessives, mais aussi "la mise en place d'un moratoire effectif et appliqué pendant au minimum trois ans sur l'élaboration de tout nouveau texte réglementaire et normatif s'imposant au secteur de la construction afin d'en limiter la prolifération".

Relancer l'investissement et la rénovation du parc

Troisième proposition : "Rendre plus incitatifs et performants les dispositifs publics en faveur du logement". Cet objectif - qui aurait mérité au moins une esquisse de chiffrage - passe notamment par un renforcement de l'attractivité des dispositifs d'aide à l'investissement locatif et par la relance de l'accession à la propriété (grâce à un allongement des différés de remboursement du PTZ+ pour les plus modestes).
Le Medef plaide aussi pour "favoriser la rénovation du parc existant", en encourageant l'essor d'offres "globales, simples, compréhensibles et produisant des effets mesurables", en poursuivant les efforts d'amélioration de l'offre et en maintenant le taux de TVA à 5,5% et le CITE (crédit d'impôt pour la transition énergétique), afin d'inciter les ménages à réaliser des travaux de rénovation énergétique.
Le cinquième axe aborde une question toujours sujette à polémiques, puisqu'il s'agit de "rééquilibrer les rapports locatifs et de créer un véritable statut du bailleur privé". Une orientation qui suppose, entre autres, une abrogation des dispositions "les plus contre-productives de la loi Alur", ainsi qu'une simplification et un raccourcissement des procédures à l'encontre des locataires défaillants de mauvaise foi.

Supprimer la limite de compétence territoriale des organismes HLM

L'avant-dernière proposition consiste à "rendre la réponse du logement social plus efficiente dans un contexte budgétaire contraint". Pour cela, le livre blanc préconise de supprimer la limite de compétence territoriale des organismes HLM - "pour leur permettre de construire partout où les besoins sont identifiés" -, mais aussi de concentrer l'effort de ces organismes sur la production d'une offre diversifiée de logements sociaux, de logements thématiques, ainsi que sur l'accession sociale à la propriété.
En ce domaine, le livre blanc suggère aussi une quinzaine de mesures qui ne devraient pas manquer de faire réagir l'USH (Union sociale pour l'habitat) : acquérir les grands fonciers publics de façon massive et à des conditions abordables via des groupements mixtes associant les promoteurs privés, introduire une modulation des conditions des prêts de la Caisse des Dépôts suivant le niveau de tension foncière dans les territoires, ou encore étudier la révision des loyers plafonds dans les secteurs les plus tendus.

Une réforme des CIL au pas de charge

Enfin, le Medef ne pouvait oublier que les entreprises sont aussi des acteurs du logement. Le livre blanc propose donc de "recentrer la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec) sur sa vocation d'origine". Derrière cette formulation, l'organisation patronale entend s'engager dans une réforme rapide de la Peec.
Lors de la conférence de présentation du livre blanc, Pierre Gattaz a ainsi indiqué que Jacques Chanut, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), allait procéder à des auditions en vue de "dégager des pistes pour cette réforme". Cette phase de préparation sera menée au pas de charge, puisque la réorganisation de l'UESL-Action logement doit être adoptée lors de l'assemblée générale du 4 juin prochain.
L'objectif affiché est d'aboutir à une gestion "plus efficiente, plus juste et plus équilibrée pour ceux qui bénéficient". Lançant un véritable pavé dans la mare, le président de la FFB a indiqué que - même si le nombre de comités interprofessionnels du logement (CIL) a déjà été fortement réduit, passant de 125 en 2009 à 20 en 2012 - "l'idée d'un collecteur unique" doit désormais être étudiée. Bernard Gaud, le directeur de l'UESL-Action logement, a toutefois quelque peu atténué les propos du président de la FFB, en indiquant qu'"il ne s'agit pas de fusionner tous les CIL, mais de supprimer la concurrence entre eux" et "d'adapter leur action aux territoires, en la renforçant autour de grands CIL régionaux".

 

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