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Habitat - Le logement, une solution pour lutter contre le chômage ?

Inquiétude au patronat : "De plus en plus d'entreprises signalent des difficultés à pourvoir certains postes dans les zones géographiques où le coût du logement est trop élevé". Pour mieux comprendre ce phénomène de pénurie pour le moins paradoxal dans un pays qui compte autour de 3,3 millions de chômeurs, le Mouvement des entreprises de France (Medef) a demandé au Crédoc de réaliser une étude sur les conséquences de la crise du logement sur l'emploi et en particulier sur la mobilité professionnelle. Les résultats de ce travail sont sans appel : 70% des actifs refuseraient une opportunité professionnelle si cela les obligeait à accroître leurs dépenses de logement. De ce pourcentage, on pourrait rapidement tirer la conclusion que les Français sont casaniers ou peu pressés de travailler. Mais l'étude est beaucoup plus fine que ces jugements précipités.

Un risque bien réel de blocage

L'enquête - menée auprès de 2.006 personnes représentatives de la population française -, révèle l'ampleur des interactions entre le marché du logement et le marché de l'emploi. Aujourd'hui, deux actifs sur trois déclarent qu’ils refuseraient un emploi meilleur que celui qu’ils occupent actuellement si cela devait les obliger à déménager en occasionnant un surcoût financier (frais d'agence et de mutation, nouveau logement plus cher, etc). Ainsi, souligne le Credoc, il existe un "risque bien réel de grippage de la mobilité professionnelle". Au cours des cinq dernières années, environ 500.000 personnes en recherche d’emploi ont effectivement renoncé à un poste parce que cela les aurait contraintes à accroître leurs dépenses de logement. En élargissant la perspective à l'ensemble de la population active, environ 2 millions de personnes auraient récemment refusé un poste pour cette même raison.
Pourtant, ce n'est pas l'attachement au territoire qui est en cause : 75% des personnes interrogées indiquent que, si elles avaient des difficultés pour trouver un emploi, elles seraient prêtes à déménager dans une autre commune ou un autre département. Naturellement, les personnes propriétaires de leur logement sont moins promptes à déménager. Ce lien entre l'emploi et la qualité de propriétaire avait déjà été mis en lumière par l'Anil dans une étude récente (voir notre article ci-contre 21 février 2011). Par ailleurs, la hausse des prix éloigne les employés de leur lieu de travail. Un employé sur deux déclare qu'il refuserait l'opportunité d'un meilleur emploi si cela devait se traduire par une augmentation de plus de 30 minutes de son temps de transport. Ne pas être obligé de déménager est un critère "très important" dans le choix d’un nouvel emploi pour 56% des personnes (à titre de comparaison, seulement 48 % estiment qu’être bien rémunéré est "très important").

Action logement joue un rôle... positif

L'étude ne propose pas - ce n'était pas son objectif - de solution à ces problèmes. Cependant, elle note que les "dispositifs d'aide au logement peuvent contribuer à fluidifier le marché du travail". Par exemple ? "Les personnes ayant bénéficié d'une aide d'Action logement (anciennement 1% logement), que ce soit sous la forme d'une aide à la mobilité, une aide au financement d'un projet immobilier ou une garantie locative se montrent plus disposées à déménager, que ce soit dans une autre commune, une autre région ou même à l'étranger".
Cette conclusion statistique tombe à pic pour les partenaires sociaux : l'avenir d'Action logement est suspendu ces derniers mois à la parution d'un décret prévoyant l'usage de ses fonds pour les trois prochaines années (2012-2014). Le gouvernement a présenté fin juillet son arbitrage, qui a déplu fortement aux syndicats et au patronat (voir nos articles des 28 et 29 juillet dernier). Cependant, ce croisement opportun de calendriers ne doit pas conduire à négliger la conclusion centrale de cette enquête : "Le logement a pris une telle place dans la vie de nos concitoyens que leurs arbitrages se font parfois au détriment de l'emploi." Un sujet de réflexion qui intéressera peut-être les candidats à l'élection présidentielle.