2018, année "record" pour les expulsions locatives, mais quelques signaux encourageants

A l'approche de la trêve hivernale, la Fondation Abbé-Pierre publie un bilan des expulsions locatives en 2018, doublé d'un retour sur les dix dernières années. Ce double bilan montre une nette progression de ces expulsions, même si la tendance décélère et que quelques signes d'amélioration apparaissent.

A l'approche de la trêve hivernale, le 1er novembre, la Fondation Abbé-Pierre publie un bilan des expulsions locatives en 2018, doublé d'un retour sur les dix dernières années. Ce double bilan montre une nette progression de ces expulsions, même si la tendance décélère et que quelques signes d'amélioration apparaissent. L'année 2018 a néanmoins connu un nombre record d'expulsions locatives avec le concours de la force publique, avec un total de 15.993 ménages concernés, soit plus de 36.000 personnes. Ces chiffres correspondent à une hausse de 2,9% sur un an.

Près de 3% de hausse en 2019 et 41% depuis dix ans

Cette progression de 2,9% du nombre d'expulsions marque pourtant une relative décélération par rapport aux années antérieures, puisque ce nombre avait progressé de 41% depuis dix ans et de 152% depuis 2001. La Fondation rappelle au passage que "ces chiffres ne comptent pas les ménages, estimés entre deux et trois fois plus nombreux, qui sont partis en amont de l'arrivée des forces de l'ordre, contraints par la procédure".

Les expulsions avec le concours de la force publique se situent en bout de chaîne, à l'issue de toutes les procédures. Sur ce point, et malgré "toujours plus d'expulsions effectives", la Fondation pointe "une prévention qui semble porter ses fruits en amont". Après des décennies de hausse, le nombre de procédures décroit en effet lentement depuis 2016, année de la mise en place d'un plan de prévention des expulsions locatives (voir nos articles ci-dessous). En 2018, le nombre d'assignations au tribunal pour demandes d'expulsion s'est ainsi élevé à 154.583, dont 95% pour impayés de loyers. Ce chiffre recule de 2,6% en 2018 et de près de 4% depuis 2016. Sur ce point, la Fondation regrette d'ailleurs que seules 37% des personnes se présentent à l'audience lorsqu'elles sont ainsi convoquées. En effet, "les chances d'obtenir un échéancier pour régulariser progressivement sa dette de loyer et, s'il est respecté, d'éviter que la procédure d'expulsion ne se poursuive, sont bien moindres" en cas d'absence à l'audience.

Pour leur part, les décisions de justice sont passées l'an dernier sous la barre des 120.000, contre 124.500 en 2017 (-3,6%). En revanche, le mouvement de baisse n'a pas encore atteint les commandements de quitter les lieux, qui se sont élevés l'an dernier à 68.241, soit une progression de 3,7%.

Les personnes isolées sont les plus exposées

La Fondation Abbé-Pierre dresse aussi le bilan de sa plateforme téléphonique "Allô prévention expulsion" (0810.001.505). Entre octobre 2018 et septembre 2019, celle-ci a été sollicitée par 1.213 ménages. L'analyse de ces demandes montre que l'Ile-de-France représente, à elle seule, près des deux tiers (62%) des appels pour seulement un peu plus d'un cinquième de la population. Si 24% des appels se font en l'absence de toute procédure engagée, la majorité intervient tardivement dans la procédure, au moment du commandement de quitter les lieux (18%), de l'expulsion imminente (20%) ou même après l'expulsion (7%).

Les appelants sont en majorité des personnes isolées (44%) ou seules avec enfants (27%). Elles sont, dans la très grande majorité des cas (82%), locataires en titre. Par ailleurs, 33% d'entre elles ont des revenus d'activité (29% en CDI), tandis que 11% perçoivent des indemnités chômage, 20% le RSA et 11% une retraite. Parmi les causes ayant déclenché les impayés, la perte ou le changement d'emploi figurent néanmoins au premier rang (36%) suivis de la santé (21%) et des évolutions dans la situation familiale (17%).

Appel à un plan d'urgence

A nouveau, comme le 31 mars dernier au sortir de la trêve hivernale (voir notre article ci-dessous du 2 avril 2019), la Fondation Abbé-Pierre demande la mise en œuvre d'un plan d'urgence, estimé à 100 millions d'euros, pour enrayer l'augmentation constante des expulsions locatives, ainsi que l'instauration d'"une politique publique de prévention durable et ajustée aux besoins". Mais, malgré la récente annonce d'un acte II du plan Logement d'abord (voir notre article ci-dessous du 13 septembre 2019), le communiqué déplore qu'"aucune réponse aux propositions de la Fondation n'a été apportée. Pire, la politique du logement actuelle et le projet de loi de finances, actant des coupes massives dans les APL et le monde HLM, semblent incompatibles avec une véritable prévention des expulsions".

 

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