Elections professionnelles - Votez pour "garantir un dialogue social de qualité" !
Localtis : Au-delà de la réussite de l'organisation du scrutin, quels sont les enjeux de l'élection professionnelle du 6 novembre ?
Pierre-Yves Blanchard : Le premier enjeu est celui du niveau de la participation des agents. En effet, il est très important que les organisations syndicales soient investies d'une légitimité suffisante pour qu'un dialogue social avancé sur les conditions de travail, sur les carrières, l'action sociale, etc., voie le jour. C'est d'ailleurs ce que souhaite le gouvernement quand il veut favoriser la signature d'accords entre les employeurs et des organisations majoritaires. L'autre enjeu de ces élections tient à la recomposition du paysage syndical. Il faudra être attentif à l'audience des grandes centrales tout autant qu'à celle des nouvelles organisations comme SUD ou la FSU.
Sera-t-il difficile cette année encore de mobiliser les électeurs ?
La composition et le rôle des instances paritaires sont souvent méconnus des agents, qui ne voient pas nécessairement l'intérêt de voter pour disposer de représentants du personnel investis d'une forte légitimité. Il est donc essentiel de communiquer sur les élections, afin de leur donner une lisibilité. Les centres de gestion, les départements et les régions doivent faire ce travail, particulièrement en direction des personnels qui votent par correspondance, car cette procédure peut affaiblir l'incitation à voter. De toute façon, quelle que soit la collectivité, il faut rappeler qu'il est important d'aller voter. C'est un travail que les employeurs et les organisations syndicales doivent faire chacun à partir de sa position. Bien sûr, on espère toujours qu'il n'y aura pas de second tour. Mais dans de nombreuses collectivités, le risque existe réellement de ne pas atteindre au premier tour le seuil des 50% de participation.
L'application des règles de la représentativité syndicale pose-t-elle des problèmes, comme en 2001 ?
Des difficultés ont été soulevées avec plusieurs organisations syndicales. Certaines d'entre elles n'étaient pas présentes aux dernières élections, d'autres se sont développées progressivement - c'est en particulier le cas de SUD. Pour tous ces syndicats, la question de la représentativité locale se pose, puisqu'ils ne répondent pas aux critères de la représentativité nationale. Pour ce qui est de la situation de l'Unsa et de la FA-FPT, qui en 2001 avaient présenté des listes communes et ensuite s'étaient séparées, il y aura certainement encore de nombreux contentieux. Dans un avis, le Conseil d'Etat a jugé que ces organisations syndicales ne pouvaient pas se prévaloir chacune de la représentativité nationale. Le litige sera progressivement tranché par le juge. Mais la jurisprudence des tribunaux administratifs reste divergente.
Etes-vous d'accord avec les élèves de l'Inet qui, dans un rapport remis en juin 2007 au CSFPT, critiquaient le "formalisme" des instances paritaires locales ?
Pas complètement. Au niveau des CAP, il existe un vrai dialogue collectif qui permet de réexaminer avec pertinence les situations individuelles. On ne peut pas dire que les décisions soient toutes bouclées avant la réunion de la commission. Je remarque aussi que beaucoup de collectivités suivent l'avis de la CAP, alors que celui-ci ne va pas forcément dans le sens qu'elles souhaitaient au départ. L'inquiétude de la plupart des gestionnaires est de faire une erreur d'analyse ou d'être injustes. D'où l'intérêt des CAP, qui permettent d'entendre des points de vue divers sur un même dossier. Concernant les CTP, la critique du formalisme est plus justifiée, car c'est un fait qui est souvent relevé. L'accord de Bercy du 2 juin dernier, qui marque la volonté du gouvernement de voir se développer des accords collectifs "au niveau pertinent", peut cependant redonner au CTP un élan qu'il n'avait pas jusqu'à maintenant. Mais la conclusion de ces accords n'implique pas nécessairement une structure paritaire de ces comités techniques, s'agissant d'un dialogue collectif avec l'employeur.
Comment le dialogue social a-t-il évolué ces dernières années ?
Pendant longtemps, l'employeur a dit aux agents : "Je voudrais bien, mais je ne peux pas." Les choses ont beaucoup évolué, puisque maintenant l'employeur est plutôt dans une position où il dit : "Je pourrais, mais je ne veux pas." Depuis plusieurs années, l'Etat met entre les mains des employeurs locaux les outils de régulation qu'il détenait. Cela a commencé par le régime indemnitaire et s'est poursuivi avec l'avancement de grade et la promotion interne. Si l'Etat a rapidement avancé sur le transfert d'un véritable pouvoir décisionnel aux employeurs, il n'a cependant pas défini les modes de régulation souhaitables. Ces questions sont au centre de l'accord de Bercy et de la réflexion que les collectivités mènent en ce moment avec leurs partenaires sociaux.
Propos recueillis par Thomas Beurey