Insertion - Vers une fusion RSA activité et prime pour l'emploi
Dans son interview au quotidien Le Monde du 21 août, François Hollande a été très clair en évoquant "deux grandes réformes" : "L'une visera à rendre plus juste et plus simple le barème de l'impôt sur le revenu, notamment pour les premières tranches, c'est-à-dire pour les contribuables modestes et moyens. L'autre fusionnera la prime pour l'emploi et le RSA activité pour favoriser la reprise du travail et améliorer la rémunération des salariés précaires. Les deux réformes seront engagées dès la loi de finances, pour une amélioration du pouvoir d'achat équivalente à ce qui avait été prévu initialement". Il s'agit en l'occurrence, pour le chef de l'Etat et le Premier ministre, de trouver une solution pour tenir les engagements sur le volet social du pacte de responsabilité, après la censure, par le Conseil constitutionnel, des dispositions relatives aux allègements de cotisations salariales sur les bas salaires.
Le rapport Sirugue ressort du tiroir
La fusion RSA-PPE revient donc ainsi au premier plan. Prônée par le rapport de Christophe Sirugue, député (PS) de Saône-et-Loire et ancien président de conseil général, sur la réforme des dispositifs de soutien aux revenus d'activité modestes (voir nos articles ci-contre du 19 juin et du 16 juillet 2013), elle semblait pourtant reportée à une date indéterminée, malgré le soutien appuyé des associations et de la CNLE (voir nos articles ci-contre du 24 septembre et du 16 octobre 2013). L'hypothèse d'une telle fusion figurait également, mais sous forme plus interrogative, dans le "Plan pauvreté" du gouvernement.
Le rapport Sirugue n'avait pas manqué de détailler les arguments en faveur d'une telle fusion : simplicité, lisibilité, recentrage du dispositif sur les travailleurs les plus modestes (la PPE compte aujourd'hui plus de six millions de bénéficiaires), individualisation de la prestation (alors que le RSA est aujourd'hui calculé sur une base familiale)... Il soulignait également à l'envi les défauts, déjà bien connus, du RSA activité et de la PPE.
Des questions toujours en suspens
Si la décision de fusionner RSA activité et PPE semble actée, plusieurs questions restent néanmoins en suspens. La première concerne le résultat de cette fusion. Dans son interview au Monde, François Hollande s'est contenté d'annoncer la fusion de ces deux prestations, mais n'a pas évoqué la "prime d'activité" qui, pour le rapport Sirugue, devait pourtant les remplacer. Une solution alternative pourrait être d'élargir très fortement le périmètre du RSA activité - qui serait donc maintenu -, afin d'englober tout ou partie des bénéficiaires actuels de la PPE.
Deuxième question en suspens : la date d'application de la réforme. Si la réforme conduit à une transformation en profondeur des caractéristiques du RSA activité - techniquement plus complexe que le simple allègement des cotisations salariales prévu à l'origine par le pacte de compétitivité -, il est fort peu probable qu'elle puisse passer intégralement par la loi de finances, sauf à s'exposer à une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, très sourcilleux sur les cavaliers budgétaires ou sociaux. Il pourrait donc être indispensable d'en passer par une loi spécifique réformant la loi du 1er décembre 2008 relative au RSA, avec les délais correspondants. S'ajoute à cela le fait que la PPE est une prestation décalée, versée l'année N en fonction des revenus de l'année N-1. Même si la PPE était supprimée au premier janvier prochain, elle continuera d'être versée en 2015, au titre des revenus 2014. Compte tenu de ces deux contraintes, une entrée en vigueur au 1er janvier 2016 semble donc plus vraisemblable.
Une réforme qui risque de faire des perdants
Enfin, il est acquis que la fusion RSA-PPE fera - toutes choses égales par ailleurs - des perdants parmi les familles modestes. Cette difficulté - conséquence de la suppression du caractère familial du RSA activité - était déjà soulevée dans le rapport Sirugue. Elle a été confirmée par le récent rapport sur la fiscalité des ménages, rédigé par Dominique Lefebvre, député (PS) du Val-d'Oise, et l'inspecteur général des finances François Auvigne, qui - compte tenu de ces possibles effets négatifs - plaidait pour un "recyclage" de la PPE plutôt qu'une fusion avec le RSA activité (voir notre article ci-contre du 21 mai 2014). Seule certitude : une pénalisation des ménages modestes semblant exclue dans le contexte actuel, le gouvernement devra donc trouver les modalités permettant d'éliminer ou de limiter les conséquences négatives de la fusion de ces deux prestations.