Personnes âgées - Vers un recensement des maisons de retraite hors convention ?
La secrétaire d'Etat chargée des aînés a vivement réagi après la découverte de cas de maltraitance au sein de la maison de retraite Les Colombes à Bayonne. Nora Berra évoque notamment des "faits intolérables de maltraitance" et une "situation inacceptable". Elle entend prendre des mesures "pour éviter que de telles horreurs ne se reproduisent". S'ils sont confirmés par l'instruction judiciaire, les faits sont en effet d'une gravité certaine. Le communiqué de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques - qui a pris dès le 6 octobre, après une intervention sur place de la Ddass, un arrêté de fermeture provisoire à effet immédiat - évoque ainsi "[des] personnes attachées, [des] médicaments donnés de façon irrégulière, [une] professionnalisation insuffisante du personnel, [l']absence d'une veille de nuit réalisée par un personnel compétent...". Le communiqué de la préfecture précise que "le retrait définitif de l'agrément devrait être pris par le conseil général, plus tard".
Ce nouvel incident soulève à nouveau la question de ces petits établissements pour personnes âgées qui échappent à tout véritable contrôle. La maison de retraite Les Colombes, dont la forme juridique est celle d'une SARL, a bien obtenu un agrément délivré par un arrêté du conseil général des Pyrénées-Atlantiques en date du 12 juin 1990. Mais ce type d'agrément ne fait pas l'objet d'un renouvellement régulier. Par ailleurs - et contrairement à ce qu'indique la secrétaire d'Etat aux aînés dans son communiqué -, il ne s'agit pas d'une "unité de vie", mais bien d'une maison de retraite, dotée de quinze lits autorisés. Les Colombes sont enregistrées en tant que telle dans le fichier national Finess (code 200), qui recense l'ensemble des établissements et services sanitaires et sociaux (voir le lien ci-contre vers la fiche Finess). Plus prudente, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques préfère indiquer que "cet établissement s'apparente à un lieu de vie familial plutôt qu'à une maison de retraite à proprement parler". Ce caractère formel de l'agrément et ce flou sur les statuts sont à l'origine de nombre de difficultés. Ainsi, si la fiche Finess précise que l'établissement relève de l'"accueil en maison de retraite", fonctionne en "hébergement complet internat" et accueille des "personnes âgées" (sans autre indication), les sites commerciaux qui recensent les établissements pour personnes âgées - du moins ceux qui n'ont pas déjà retiré la fiche correspondante -, définissent la clientèle accueillie comme "toute clientèle, valide, espace prot. ALZ [espace protége Alzheimer, NDLR], dépendant", ce qui semble fort peu compatible avec les capacités et le fonctionnement réel de l'établissement.
Autre situation source potentielle de danger : sans qu'il soit possible de savoir s'il l'avait demandé ou s'il s'est volontairement tenu à l'écart, l'établissement n'était pas conventionné à l'aide sociale du département, en dépit des prix élevés (plus de 2.000 euros par mois), qui ne sont pas à la portée de toutes les familles, y compris avec l'APA. De ce fait, l'établissement ne bénéficiait pas d'une convention tripartite, ni des contrôles et des engagements qui l'accompagnent. L'établissement n'était pas davantage agréé à l'aide personnalisé au logement. Même si la plupart d'entre eux fonctionnent de façon satisfaisante, la situation "en marge" de ces établissements est évidemment propice à d'éventuelles dérives.
Ce caractère marginal se lit aussi dans la réaction de l'AD-PA (Association des directeurs au service des personnes âgées). Souvent prompte à défendre les maisons de retraites "encadrées", l'association a publié un communiqué réclamant qu'il soit mis "fin à l'activité de cette structure comme de toutes celles qui dysfonctionnent gravement et dont l'AD-PA demande la fermeture depuis de nombreuses années".
En attendant, Nora Berra a demandé à la direction générale de l'action sociale (DGAS) de mobiliser les Ddass pour recenser toutes les structures de ce type. Une fois ce recensement effectué, ces établissements pourraient être mis en demeure d'appliquer la réglementation ou, à défaut, de faire l'objet d'une mesure de fermeture. Curieusement, le communiqué de la secrétaire d'Etat a été profondément remanié entre le 7 et le 8 octobre. La mention du lancement de ce recensement et l'évocation des mises en demeure et des éventuelles fermetures a totalement disparu de la seconde version du communiqué, qui se contente d'appeler "à la plus grande vigilance de tous les acteurs, indispensable pour éviter que de telles horreurs ne se reproduisent". Le ministère s'est sans doute rendu compte que - sauf dans les cas de maltraitance avérés comme à Bayonne - les pouvoirs publics ne disposaient pas du cadre juridique suffisant pour mener de véritables actions "préventives". La première mesure devrait donc être plutôt de construire un cadre juridique permettant d'encadrer véritablement le fonctionnement de ces structures "hors normes".
Jean-Noël Escudié / PCA