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Environnement - Vers un élargissement du dispositif de circulation alternée pour réduire la pollution de l'air

"Nous devons réduire le fléau de la pollution de l'air. C'est un problème environnemental, c'est un enjeu de santé publique, avec plusieurs dizaines de milliers de décès prématurés chaque année, c'est aussi un coût économique pour la collectivité nationale, que l'on peut évaluer à 20 à 30 milliards d'euros par an, dont un milliard d'euros directement supportés par le système de soins", a déclaré le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, en ouvrant le Comité interministériel de la qualité de l'air (Ciqa)* le 18 décembre. Hasard du calendrier, cette troisième réunion du comité mis en place en septembre 2012  s'est tenue quelques heures après l'annonce de l'adoption par la Commission européenne d'un nouveau paquet sur la qualité de l'air (lire notre encadré ci-dessous). Elle a aussi eu lieu dans un contexte marqué par l'épisode sévère de pollution de l'air qu'ont connu 76 départements français la semaine dernière et qui constituait l'épisode le plus important depuis décembre 2007. Si la qualité de l'air s'est globalement améliorée en France depuis une vingtaine d'années, les niveaux de particules (PM 10 ou PM 2.5 en fonction de leur taille, en micromètres), d'ozone et de dioxyde d'azote (NO2) restent en effet alarmants. La France est d'ailleurs dans le collimateur de la justice européenne pour non-respect des valeurs limites de particules dans une quinzaine d'agglomérations. "Si la France était condamnée (dans un délai d'un à deux ans), elle encourrait une amende d'un montant de l'ordre de plusieurs dizaines de millions d'euros par an, jusqu'à ce que les normes de qualité de l'air soient respectées", rappelle le ministère.

Circulation alternée lors des pics de pollution

A l'occasion du Ciqa, le ministre de l'Ecologie a notamment proposé d'élargir dès 2014 à l'ensemble des polluants réglementés, dont font partie les particules fines et les oxydes d'azote, le dispositif de circulation alternée, qui s'appliquait jusque-là uniquement à l'ozone. La circulation alternée fait partie des mesures d'urgence pouvant être prises dans les situations de dépassement du seuil d'alerte pour limiter l'ampleur des pointes de pollutions, rappelle le ministère. Elle consiste à limiter la circulation aux véhicules dont le numéro d'immatriculation est pair les jours pairs, et impair les jours impairs. Mise en place une seule fois en région parisienne le 1er octobre 1997, avec le déploiement d'environ 900 agents aux portes de Paris, la circulation alternée avait eu "un impact particulièrement net (...) sur les émissions aux périodes de pointe", assure le ministère. Le député écologiste Denis Baupin s'est dit "favorable" à un tel dispositif. "Mais il me paraîtrait plus pédagogique qu'on fasse la circulation alternée pour les véhicules diesel", une source importante d'émissions de particules en ville, a-t-il précisé à l'AFP, redoutant un "mauvais signal" si une telle mesure devait aussi viser les véhicules électriques ou au gaz.
En vue du futur décret qui permettra la généralisation de la circulation alternée en cas de pics, le ministre a proposé "l'organisation, dès janvier 2014, d'une table ronde avec les collectivités locales et les autorités organisatrices de transport afin d'étudier les modalités" de mise en oeuvre.
Le Ciqa a également dressé un premier bilan du plan d'urgence sur la qualité de l'air adopté le 6 février dernier : "19 des 38 mesures sont achevées ou en voie de l'être et 13 sont bien engagées", selon le ministère. Les collectivités travaillent parallèlement à l'adoption de leurs plans de protection de l'atmosphère, obligatoires dans les agglomérations de plus de 250.000 habitants et dans les zones où les valeurs limites réglementaires sont dépassées ou risquent de l'être. En réponse à une question d'actualité posée par la députée Michèle Bonneton (EELV, Isère) à l'Assemblée nationale le 18 décembre, Frédéric Cuvillier, ministre délégué aux Transports, a assuré que "dix plans seront prêts à la fin de l'année et 26 en 2014". Le ministère avait annoncé qu'il visait 18 plans adoptés d'ici la fin de l'année, lors des assises de l'air en octobre.

Une charte de logistique propre en ville

Le Ciqua a aussi examiné le dispositif de reconnaissance des véhicules polluants proposé dans le rapport de la mission lancée en mars dernier sur ce sujet par les ministères de l'Ecologie, du Redressement productif et des Transports. L'option la plus avancée serait de mettre en place, pour le moment sans calendrier précis, des vignettes de trois couleurs différentes selon le caractère plus ou moins polluant des véhicules. "La réflexion sur les conditions techniques, économiques et juridiques de la mise en œuvre d'une solution d'identification sera poursuivie dans les prochains mois", a précisé le ministère. Le comité a aussi planché sur un projet d'arrêté "mesures d'urgence" pour "harmoniser" les procédures préfectorales et les critères déclenchant une procédure lors d'un pic.
Le Ciqa a également examiné la question d'une charte de logistique propre en ville : "les signataires s'engageront à promouvoir, chacune dans son domaine respectif de responsabilité, des solutions vertueuses pour les livraisons urbaines, telles que l'utilisation de véhicules plus propres, la mise en cohérence des réglementations à l'échelle de l'agglomération, ou encore l'utilisation raisonnée d'espaces dédiés sur la voirie publique. Pour s'adapter aux spécificités de chaque collectivité, des chartes déclinant le cadre national seront conclues localement", indique le ministère.
Le Ciqa a aussi examiné l'étude des impacts que pourrait avoir le versement d'une indemnité kilométrique versée par les entreprises à leurs employés pour les trajets domicile-travail à vélo, menée par la coordination interministérielle pour le développement de l'usage du vélo.
Enfin le comité a "salué " la baisse de la limitation de vitesse de 80 à 70 km/h sur le boulevard périphérique parisien. Actuellement à l'examen du Conseil d'Etat, cette mesure sera ensuite signée par le Premier ministre pour une entrée en vigueur au 10 janvier 2014. Elle est prévue par le plan de protection de l'atmosphère d'Ile-de-France.

Anne Lenormand


* Le comité interministériel de la qualité de l'air rassemble onze collectivités (Paris, Plaine commune, communauté urbaine de Bordeaux, Clermont communauté, Grand Lyon, Grenoble Alpes métropole, Nice-Côte-d'Azur, Pays d'Aix, Marseille-Provence-Métropole, Lille métropole, communauté urbaine de Strasbourg), ainsi que les autorités organisatrices de transports et les services déconcentrés des régions concernées. Il rassemble également neuf ministères (Budget, Ecologie, Transports, Travail, Egalité des territoires, Intérieur, Justice, Redressement productif, Santé), ainsi que le Gart, l'Ademe, l'Acnusa et le Certu.
 

Bruxelles présente un nouveau paquet sur la qualité de l'air

La Commission européenne a dévoilé le 18 décembre plusieurs mesures destinées à améliorer la qualité de l'air en Europe. "Les actions que nous proposons diminueront de moitié le nombre de décès prématurés dus à la pollution atmosphérique, renforceront la protection des groupes vulnérables qui en ont le plus besoin et amélioreront notre qualité de vie à tous. Elles seront également bénéfiques pour la nature et les écosystèmes fragiles, et elles permettront de stimuler le secteur des technologies propres, qui est un important secteur de croissance pour l'Europe", a déclaré dans un communiqué le commissaire européen à l'Environnement Janez Potočnik. Le nouveau paquet sur la qualité de l'air comprend d'abord une révision de la directive 2001/81/CE sur les plafonds d'émission nationaux pour les six principaux polluants pour 2020 et 2030 : particules fines, dioxyde de soufre, plomb, oxydes d'azote, monoxyde de carbone et benzène. La Commission propose également de ratifier l'amendement au protocole de Göteborg dans le cadre de la convention de la CEE-ONU sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance. En outre, le programme "Air pur pour l'Europe" prévoit des mesures visant à assurer la réalisation des objectifs existants à court terme et établit de nouveaux objectifs pour la qualité de l'air pour 2030. Des mesures de soutien ciblent la réduction de la pollution en ville, le soutien à la recherche et l'innovation, et la promotion de la coopération internationale. La Commission suggère que les Fonds structurels européens incluent un paramètre lié à la qualité de l’air, "en particulier dans les zones urbaines", et incite les Etats, les régions et les villes qui rencontrent des problèmes de pollution à user de ces fonds pour y pallier, en misant notamment sur "le développement des technologies innovantes". Enfin, notant un manque de législation dans ce domaine, elle propose une nouvelle directive visant à réduire la pollution provenant des installations de combustion de taille moyenne, comme les installations de production d'énergie de quartier ou de grands bâtiments, et les petites installations industrielles (de 1 à 50 MW thermiques). "Ce nouvel instrument a pour but de répondre à ce manque et contribuer à réduire la pollution des NOx, du dioxyde de soufre et des particules fines en établissant des valeurs limites pour les installations existantes et les futures installations, accompagnées d'une méthode d'enregistrement simple. De cette façon, la directive aidera les États membres à répondre à une part significative de leurs obligations de réduction d'émission", estime la Commission européenne. L'objectif de ce nouveau train de mesures serait d’éviter à l'horizon 2030 58.000 décès prématurés. A.L. et  M.B /Victoires Editions
 

 

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