Environnement - Lutte contre la pollution de l'air : l'InVS plaide pour de nouvelles politiques plus radicales
"L'accumulation de preuves sur les effets [de la pollution atmosphérique] sur la santé invite à des approches politiques plus radicales et globales, non seulement pour maintenir les niveaux de pollution en dessous des niveaux imposés par certaines normeslégalement contraignantes ou par des valeurs limites mais aussi pour réduire davantage l'exposition de la population, même lorsque les normes sont respectées", souligne Michal Krzyzanowski, du Centre européen de l'environnement et de la santé de l'OMS dans l'éditorial du dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de l'Institut national de veille sanitaire (InVS) dédié à ce fléau urbain. L'expert de l'OMS cite l'étude Aphekom (résultats de 2011) présentée dans ce même numéro qui démontre l'ampleur des effets sur la santé publique des niveaux actuels de pollution dans 25 villes européennes (dont 9 françaises). "Près de deux ans d'espérance de vie pourraient être gagnés dans les villes les plus polluées d'Europe si la pollution pouvait être ramenée aux niveaux préconisés dans les lignes directrices de l'OMS relatives à la qualité de l'air", souligne Michal Krzyzanowski. "Cela représente près d'un tiers de l'écart d'espérance de vie observé entre les Etats membres de l'Union européenne", ajoute-t-il. "Près de 15% du gain d'espérance de vie aux États-Unis entre 1980 et 2000 ont été attribués à l'amélioration de la qualité de l'air", poursuit-il.
La "relation de cause à effet" entre l'exposition aux particules fines (PM2,5), la morbidité (maladie) et la mortalité cardiovasculaires a été souligné par l'American Heart Association, indique-t-il encore. Et en février 2012, les gaz d'échappement des moteurs diesel - émetteurs de particules fines - ont été classés parmi les cancérogènes certains pour les humains par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ/Iarc/OMS), basé à Lyon.
Une réduction du risque pour la santé, apparue peu après la diminution des niveaux de pollution atmosphérique, a été enregistrée dans plusieurs études, à des concentrations de particules fines relativement faibles. L'étude la plus récente et la plus vaste à ce jour, réalisée auprès de 2,1 millions de Canadiens adultes, a confirmé le lien observé entre morbidité, mortalité et niveau d'exposition, "mais à des niveaux de particules fines nettement inférieurs à ceux observés dans la plupart des villes européennes", remarque l'éditorial.
Les particules fines en ligne de mire
Le spécialiste de l'OMS estime que les actions locales sont essentielles pour lutter contre la pollution de l'air. "Toutefois, à elles seules, elles ne seront pas suffisamment efficaces dans une Europe densément peuplée, avec une agriculture, une industrie et des transports extrêmement motorisés et des polluants dangereux pouvant être transportés dans l'atmosphère sur des milliers de kilomètres", prévient-il. L'expert revient sur la récente révision de la convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance qui traite de façon explicite des particules fines et définit le niveau critique de PM, conformément aux lignes directrices de l'OMS relatives à la qualité de l'air. "Cette révision identifie la réduction des risques pour la santé comme étant l'un des principaux objectifs de la convention, ayant force de loi pour toutes les parties ayant ratifié le protocole révisé visant à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique (Protocole de Göteborg), indique-t-il. Grâce à la mise en place des réductions d'émissions prévues par le protocole, chaque pays réduira non seulement l'exposition de sa population aux PM, mais contribuera également à une réduction du niveau initial de particules fines touchant les populations bien au-delà de ses frontières". L'obligation légale du protocole, ainsi que la collaboration pour l'échange, entre les parties, des bonnes pratiques et des technologies visant à réduire la pollution, devraient contribuer à améliorer de façon continue la qualité de l'air et permettre de réduire les effets de la pollution sur la santé en Europe", pronostique-t-il.
Il juge nécessaire de poursuivre encore les recherches sur les effets sur la santé, en mettant en avant plusieurs thèmes traités dans le bulletin. Une meilleure compréhension des effets des composants des particules et des effets des mélanges de polluants spécifiques à une source, telle que la circulation routière, peut ainsi donner lieu à l'élaboration d'actions plus efficaces et mieux ciblées pour réduire les expositions les plus dangereuses. L'identification des individus et des sous-populations vulnérables ainsi que des mécanismes toxicologiques des effets de la pollution sur la santé peut ouvrir la voie à une prévention des maladies plus efficace, estime-t-il.
"Toutefois, les nombreux éléments de preuve déjà disponibles quant aux effets de la pollution atmosphérique sur la santé constituent une base solide pour les actions et les politiques de réduction de la pollution", insiste Michal Krzyzanowski. "Ces éléments sont actuellement en cours de révision par la Commission européenne" (...), conclut-il. La révision, en 2013, des politiques de l'Union européenne relatives à la qualité de l'air devrait être une bonne occasion pour élaborer des politiques efficaces et fondées sur des faits pour la protection de la santé en Europe.