Développement des territoires - Vente des aéroports régionaux : les collectivités sont sur les rangs
L'Etat devrait prochainement céder ses parts dans les aéroports régionaux. C'est ce qu'a affirmé l'Union des aéroports français (UAF), le 7 mars 2011, lors de la publication du bilan des aéroports en 2010. Une ouverture du capital des aéroports qui devrait se faire courant 2011 et pour laquelle la première plateforme concernée serait Lyon, puis Toulouse, dont l'Etat détient encore 60% et la chambre de commerce et d'industrie (CCI) 25%. D'après le conseil régional d'Aquitaine, l'Agence des participations de l'Etat (APE) a déjà procédé à l'estimation de la valorisation des sociétés aéroportuaires fin 2010, en s'appuyant sur la banque-conseil Société générale. Elle souhaiterait ouvrir le capital de ces sociétés dès le mois de mars… Les collectivités territoriales et CCI, qui détiennent elles aussi une partie de ces aéroports, regardent de près les événements dans ce domaine, les aéroports jouant le rôle de facteur de développement économique local.
Depuis 2005, le paysage aéroportuaire de France a beaucoup changé. L'Etat a franchi un premier pas avec la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports qui prévoit la transformation de onze aéroports régionaux français, jusqu'ici gérés par leur CCI, en société anonyme. Une loi qui a permis à Lyon-Saint-Exupéry, Toulouse-Blagnac, Nice-Côte d'Azur et Bordeaux-Mérignac de se transformer en sociétés anonymes, dont le capital est depuis détenu à 40% par les collectivités territoriales et les CCI, et à 60% par l'Etat. La procédure a ouvert la voie à l'arrivée d'investisseurs privés dans le capital de ces aéroports. L'Etat s'est engagé à ce que le capital de ces sociétés reste majoritairement public jusqu'en 2013 mais il peut d'ici là vendre une partie de sa participation… La loi a également transformé Aéroports de Paris en société anonyme dont le capital a été ouvert de manière minoritaire aux investisseurs privés en 2006. En 2007, autre changement : l'Etat organise le transfert de 150 aéroports, lui appartenant, au profit des collectivités territoriales ou de leurs regroupements. Un transfert prévu dans le cadre de la loi du 13 août 2004 de décentralisation. Objectif de la réforme : moderniser la gestion des aéroports français pour assurer un meilleur service public aéroportuaire.
Plusieurs scénarios envisageables
La vente devrait rapporter 500 millions d'euros, d'après l'association TDIE (Transport Développement Intermodalité Environnement), qui affirme qu'elle sera réalisée avant l'été (voir encadré ci-dessous). En attendant la décision ferme de l'Etat, les collectivités se mobilisent. Certaines d'entre elles souhaitent en effet pouvoir acquérir une partie ou la totalité des parts de l'Etat. C'est le cas en Aquitaine où la région se dit prête à augmenter sa participation financière dans l'aéroport de Bordeaux-Mérignac pour que la gestion et le développement restent maîtrisés par les institutions publiques et que l'aéroport puisse continuer à être un outil économique régional. L'impact économique de ces infrastructures n'est en effet pas négligeable. Pour l'aéroport de Bordeaux, on parle de plus d'1,5 milliard d'euros de retombées économiques par an. L'aéroport, qui a transporté 3,6 millions de passagers en 2010 (+10,6%), est le principal moteur économique de l'ouest de l'agglomération bordelaise. Il emploie quelque 8.000 salariés… A l'heure actuelle, la région détient 3,75% de son capital. 60% sont détenus par l'Etat, 25% par la CCI de Bordeaux, et 3,75% par la communauté urbaine de Bordeaux (CUB). Le reste se répartit entre d'autres collectivités, à savoir le conseil général (3%), la ville de Bordeaux (3%) et la ville de Mérignac (1,5%). Tous se sont réunis le 28 février 2011 et ont décidé de se porter candidat à l'acquisition des actions qui seront mises en vente par l'Etat. Une opération dans laquelle le conseil régional d'Aquitaine prendrait le rôle de chef de file pour les collectivités. Dans le schéma imaginé, les collectivités et la CCI de Bordeaux constitueraient le noyau du futur capital de la société anonyme ainsi constituée. Mais pour le moment, on ne sait pas ni quand l'Etat va mettre en place l'opération, ni comment. Plusieurs scénarios sont envisageables. Premier cas, le plus favorable aux collectivités : la vente de gré à gré. L'Etat pourrait ainsi décider de négocier la vente de ses parts avec les autres actionnaires. La valorisation des parts étant estimée par l'APE. Autre scénario : la vente par appel d'offres ouvert et alloti par aéroport. Chaque candidat pourrait faire sa propre valorisation du capital et ses propositions financières. Une solution plus rentable pour l'Etat mais bien moins intéressante pour les collectivités territoriales. D'après l'UAF, c'est vers cette deuxième option que l'Etat pencherait…
L'effet "low-cost"
Les résultats des aéroports régionaux en 2010, publiés par l'UAF, feront peut-être monter les enchères. Leurs résultats sont plutôt positifs, grâce notamment au trafic généré par les compagnies à bas coûts, qui représentent en moyenne 19,6% du trafic total. Un effet "low-cost" qui est particulièrement sensible à Nantes (14,4%), Beauvais (+ 13,1%), Bordeaux (+ 10,3%), Bâle-Mulhouse (+7,1%), Lyon (+3,4%) ou encore Marseille (+3,2%). Cela dit, les compagnies à bas coûts coûtent cher aux collectivités en termes de subventions et les relations ne sont pas toujours simples, comme on a pu le voir avec Ryanair qui a décidé le 8 mars d'abandonner ses opérations sur l'aéroport de Pau à partir du 27 mars, au terme d'un conflit avec la collectivité. La compagnie irlandaise demandait une nouvelle augmentation de la redevance marketing que Ryanair exigeait pour maintenir sa présence à Pau. Son montant annuel devait passer de 1,44 million d'euros à 1,5 million…
Autre élément à mettre dans la balance : les constructions d'autres infrastructures, comme les lignes de train, qui peuvent avoir un impact sur le trafic des aéroports régionaux. L'aéroport de Bordeaux-Mérignac pourrait ainsi perdre 800.000 passagers à l'horizon 2016 avec la prolongation de la ligne à grande vitesse (LGV) grâce à laquelle Bordeaux ne sera plus qu'à deux heures de Paris en train… Mais pour le moment, les chiffres de ces aéroports régionaux sont à la hausse. D'après le rapport de l'UAF, les aéroports de plus de 1,5 million de passagers ont ainsi connu en 2010 une activité de bonne, voire très bonne forme, avec 151,8 millions de passagers et une croissance globale de 1,3% par rapport à 2009. Seul Nice, toujours second derrière Paris, affiche une évolution négative, à -2,3%. De quoi donner des arguments au gouvernement pour faire monter les prix de ses parts. Reste à savoir quand et comment il se lancera dans l'opération.
Emilie Zapalski
TDIE veut que les recettes aillent aux infrastructures
L'association TDIE, "think tank" spécialisé dans les transports et les infrastructures, a proposé le 9 mars que les 500 millions d'euros de recettes qui devraient résulter de la vente par l'Etat de ses participations dans trois ou quatre grands aéroports régionaux (Lyon, Bordeaux, Toulouse et peut-être Montpellier) soient intégralement versés à l'Agence de financement des infrastructures de transport (Afitf) pour accélérer la régénération des réseaux de transport. Une problématique jugée "extrêmement pressante" par l'association pour qui "l'argent de la mobilité doit aller à la mobilité". Elle souligne que pour le réseau ferroviaire, le manque de financement est évalué à 1 milliard d'euros. Côté réseau routier national, l'Etat ne parvient pas à financer annuellement les plans de modernisation des itinéraires routiers (PDMI), "de sorte que, comme annoncé, l'enveloppe annuelle disponible atteigne 1 milliard d'euros. Pas plus qu'il n'assure un taux de renouvellement annuel suffisant des couches de roulement, compris aujourd'hui entre 5 et 6%, alors qu'il est nécessaire d'atteindre au minimum 7%", rappelle TDIE. Il lui paraît donc indispensable que les recettes provenant du désengagement de l'Etat des grands aéroports régionaux financent réellement les infrastructures de transport. Les co-présidents de TDIE, Philippe Duron, député-maire de Caen, et Louis Nègre, sénateur-maire de Cagnes-sur-Mer (06), seront reçus prochainement par le secrétaire d'Etat aux Transports pour défendre cette proposition.
Anne Lenormand