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Développement territorial - Les vols de Ryanair coûtent cher aux collectivités

Du "chantage financier" : voilà ce qu’exercerait Ryanair, selon la communauté d’agglomération de Pau. La compagnie aérienne à bas coût vient en effet de demander "de financer à hauteur de 1,4 million d'euros par an et pendant deux ans le maintien des deux lignes existantes, vers Londres et Charleroi (Belgique), et l'ouverture d'une nouvelle ligne vers Beauvais", comme l’a révélé la collectivité, mardi 19 janvier, dans un communiqué. D’après un de ses responsables, cité par l’AFP, cette demande, faite "dans l'urgence", représenterait pour la communauté d’agglomération un "quadruplement des subventions accordées annuellement à cette compagnie". Le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, la communauté de communes de Lacq, la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Pau, et l’aéroport lui-même, auraient également à relever leurs contributions. Et s’ils refusent ? Ryanair menace "de déplacer les lignes vers l'aéroport de Tarbes, mettant ainsi les territoires en concurrence de manière sauvage", d’après le communiqué…
Cette mise en concurrence n’est pas inédite. Ryanair menace également de déserter le tarmac de Poitiers-Biard si le conseil général de la Vienne, la communauté d’agglomération de Poitiers et la CCI n’arrondissent pas leurs soutiens. La compagnie "à bas coût" a d’abord demandé 1,7 million d’euros pour maintenir ses liaisons avec Londres et Edimbourg, et ajouter une desserte de Barcelone. Le syndicat mixte lui a proposé en retour 1,1 million d'euros ; Ryanair a laissé entendre qu’il n’assurerait alors pas "le même service", d’après le quotidien la Nouvelle République. Si le conseil général a d’ores et déjà voté, difficilement, une rallonge à Ryanair, le président de la communauté d’agglomération de Poitiers, Alain Claeys, doit en revanche annoncer sa réponse ce jeudi. Et il semble bien renâcler…

"Flibustier"

Quant au président du conseil général de Charente, Michel Boutant, il a publiquement dénoncé le 18 décembre les "pratiques de flibustier" de la société irlandaise : "Une convention fixant les engagements des parties, de Ryanair, du département et des autres collectivités locales concernées a été signée", expliquait-il alors par communiqué. "Le 7 décembre dernier, au mépris le plus total de sa signature qui l'engage pour cinq ans, Ryanair a exigé le versement pour 2010 non des 225.000 euros prévus, mais de 400.000 euros avec la menace clairement exprimée de ne plus desservir l'aéroport Angoulême-Cognac en cas de refus." Le sénateur de la Charente a du même coup invité les départements accueillant des liaisons de Ryanair à une "réponse collective", car "chaque département pris individuellement est otage de Ryanair". "Son bénéfice après impôt était de 387 millions d’euros pour les six premiers mois de 2009", insiste-t-il aujourd’hui. "Les collectivités n’ont pas à se soumettre aux chantages de Ryanair, et nous n’avons pas vocation à faire faire des bénéfices à une société de transport qui en met d’autres en péril."
Aujourd’hui, le "front commun" espéré n’est toujours pas constitué. Il est vrai que la compagnie à bas coût se passe des aides des collectivités pour certains des 27 aéroports français qu’elle dessert. La proximité de Beauvais à Paris, par exemple, lui suffit pour en faire une de ses principales bases françaises, sans aucun soutien des collectivités locales. De plus, les élus territoriaux mesurent bien toutes les retombées économiques qu’ils peuvent espérer d’une desserte par Ryanair. A Beauvais, par exemple, 4% des voyageurs empruntant l’aéroport consomment un service touristique dans l’agglomération – en hôtel ou en restaurant par exemple… Et d’après le journal Sud-Ouest, "en Dordogne, à Bergerac, on préfère accepter les conditions de la compagnie puisque les retombées de 275.000 passagers sont estimées à 198 millions d'euros".
Pour l’heure, Ryanair ne tient pas à communiquer, jugeant que ces discussions avec les collectivités sont internes et privées. En attendant de se trouver des alliés, Michel Boutant espère donc une intervention européenne "pour éviter que les collectivités soient ainsi rançonnées". Avant de prévenir : si Ryanair s’envole définitivement d’Angoulême-Cognac, il l’attaquera en justice…
Olivier Bonnin