Vaccination des personnes âgées : presque 100% en Ehpad, mobilisation des collectivités pour le domicile
Près de quatre mois après son lancement laborieux, la vaccination dans les Ehpad apparaît comme un succès. Elle se traduit par une très nette baisse des décès et a permis un assouplissement bienvenu – mais très encadré – des visites et de la vie sociale pour les résidents. Les résultats sont en revanche moins probants pour la vaccination des personnes âgées isolées à domicile, en particulier dans les zones rurales. Pour l'accélérer, le gouvernement fait appel aux collectivités territoriales et diffuse un vademecum pour les élus locaux.
À l'occasion de sa visite d'un centre de vaccination à Manosque (Alpes-de-Haute-Provence), le 16 avril, Olivier Véran a indiqué que "quasiment 100% des résidents des maisons de retraite spécialisées [comprendre les Ehpad, ndlr] ont reçu une première dose de vaccin et trois quarts ont reçu leurs deux injections". Selon le tableau de bord de la vaccination sur le site du ministère, au 17 avril, 626.607 personnes en Ehpad ou en USLD (unité de soins de longue durée) avaient reçu au moins une dose de vaccin, ce qui approche effectivement les 100% (plus de 95%). Et 475.734 avaient bénéficié de la seconde injection, soit un taux de couverture vaccinale complète de 76%.
Conformément aux recommandations de la HAS (Haute Autorité de santé), les résidents des Ehpad et des USLD ont été les premiers à accéder à la vaccination, à partir du 27 décembre 2020. Mais la campagne s'est véritablement déployée à partir de la mi-janvier. Les résultats se font clairement sentir aujourd'hui. D'environ 790 morts par semaine fin janvier (après un pic de 1.308 décès à la mi-novembre 2020), le nombre hebdomadaire de décès en Ehpad imputables au Covid-19 est passé à 300 début mars, puis 80 fin mars et 50 la première semaine d'avril.
Cette amélioration de la situation sanitaire dans les établissements a permis de rétablir un minimum de vie sociale dans les Ehpad et d'ouvrir un peu plus les visites des familles, même si celles-ci font toujours l'objet d'un protocole sanitaire très strict (voir notre article du 15 mars 2021). Il est probable que l'effet d'entraînement de ces assouplissements a joué pour obtenir le consentement des résidents qui hésitaient encore ou refusaient la vaccination. De même, la pression collective a également dû être forte, puisque la présence de résidents non vaccinés complique la levée des restrictions sanitaires et l'organisation des visites dans un environnement aussi fragile qu'un Ehpad.
Malgré les craintes initiales, la vaccination est également un succès pour les personnels des Ehpad, puisque 80% des agents de 50 ans et plus ont déjà bénéficié d'au moins une dose de vaccin. Ce taux est de près des deux tiers si on considère l'ensemble des personnels, toutes tranches d'âge confondues. Pour mémoire, le taux de la vaccination saisonnière des personnels contre la grippe – maladie qui provoque elle aussi de nombreux décès dans les Ehpad – tourne péniblement autour de 30%.
Un vademecum pour les élus municipaux
La couverture vaccinale est en revanche loin d'être achevée chez les personnes âgées vivant à domicile, même si les statistiques ne font pas de distinction selon le lieu de vie. Ainsi, au 17 avril, 68% des personnes de 75 ans et plus (ce qui inclut les résidents en Ehpad) avaient reçu au moins une dose de vaccin (soit 4,36 millions de personnes), tandis que 43% avaient déjà bénéficié de deux doses (soit 2,77 millions).
Dans un communiqué du 16 avril, Brigitte Bourguignon constate que "ce chiffre est en forte augmentation depuis plus d’un mois, mais il reste insuffisant sachant que cette population est particulièrement exposée au risque de développer une forme grave de la maladie". La ministre déléguée chargée de l'autonomie relève également que "les personnes âgées de plus de 75 ans, en particulier celles isolées, notamment en milieu rural, prennent plus difficilement rendez-vous pour se faire vacciner et ne se déplacent pas facilement en centre-ville". Elle rappelle cependant que des dispositifs d’équipes mobiles, de transport sanitaire ou encore de vaccination à domicile ont été déployés pour répondre à ces situations d'isolement. Les services à domicile ont également été mobilisés par le biais d'un nouveau protocole publié en mars et l'assurance maladie mène une campagne téléphonique auprès de ces personnes fragiles "pour les informer, les rassurer sur le vaccin et prendre avec elles un rendez-vous en centre de vaccination".
La ministre indique toutefois que "les élus locaux jouent un rôle essentiel dans le déploiement de ces dispositifs, en particulier pour repérer les personnes âgées à domicile qui ne sont pas encore vaccinées". Brigitte Bourguignon et Joël Giraud, le secrétaire d'État à la Ruralité, ont donc travaillé avec les associations d'élus locaux pour élaborer un "Vademecum à destination des élus municipaux pour accélérer la vaccination des personnes âgées vivant à domicile". Ce document de huit pages commence par donner quelques pistes pour le repérage des personnes âgées isolées vivant à domicile et non encore vaccinées : mobiliser le conseil municipal et les services communaux pour faire du porte à porte dans le respect des consignes sanitaires (valable surtout pour les petites communes), contacter les acteurs de santé du territoire, réaliser une campagne d'appels téléphoniques (en lien avec le département qui possède les coordonnées des bénéficiaires de l'APA et de la PCH).
La brochure présente ensuite les dispositifs d'"aller vers" pour faciliter la vaccination des personnes âgées : vaccination par le médecin traitant ou le pharmacien (et les infirmiers depuis le 26 mars), prise en charge à 100% par l'assurance maladie du transport vers un centre de vaccination, mise en place de bus de vaccination et/ou d'équipes mobiles (en lien avec l'ARS), ouverture d'un centre de vaccination temporaire... Enfin, le document donne "quelques messages clés à faire passer aux personnes âgées concernant la vaccination" : gratuité, sécurité (encadrement par les agences française et européenne du médicament, pharmacovigilance) et efficacité ("Tous les vaccins utilisés sont efficaces contre les formes graves de la maladie. Il n’y a pas de bon ou de mauvais vaccin"). Avec un mot rassurant sur les effets secondaires passagers propres à tout vaccin et un message du professeur Alain Fischer, le président du conseil d’orientation de la stratégie vaccinale.