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Culture - Une proposition de loi pour autoriser les collectivités à soutenir les librairies indépendantes labellisées

Présentée par Laure Darcos, sénatrice de l'Essonne, et une quarantaine de ses collègues du groupe Les Républicains, une proposition de loi entend "renforcer le soutien des collectivités territoriales aux librairies indépendantes labellisées". Une proposition de loi identique a été déposée au même moment à l'Assemblée nationale par Constance Le Grip, députée (LR) des Hauts-de-Seine, mais le texte n'est pas encore enregistré à la présidence de l'Assemblée.

Des "joyaux inestimables" à l'heure de l'uniformisation

Cette double proposition de loi vise en l'occurrence les librairies labellisées LIR (librairie indépendante de référence), distinction mise en place par la loi de finances rectificative du 25 décembre 2007 et par des décrets du 8 avril 2009 et du 23 août 2011. Au 1er janvier 2016, la France comptait 526 librairies labellisées LIR - sur un total d'environ 3.200 librairies -, dont 401 librairies généralistes et 125 spécialisées (principalement en bandes dessinées ou en jeunesse).
L'exposé des motifs rappelle que ces librairies indépendantes, "lieux d'animation culturelle et sociale, [...] représentent un joyau inestimable à l'heure de l'uniformisation de nos centres-ville où prédominent les magasins des grandes enseignes, de distribution comme de services". Il souligne également le rôle croissant d'internet dans l'achat de livres, même si sa part dans le total (22% en 2016) reste inférieure à celle constatée dans la plupart des pays développés. Il y a quelques jours, le Syndicat de la librairie française (SLF) mettait d'ailleurs en garde les élus contre la "pieuvre" Amazon (voir notre article ci-dessous du 26 mars 2018).

Des librairies confrontées à des difficultés multiples, dont les loyers

Mais l'exposé des motifs de la proposition de loi insiste davantage sur d'autres difficultés auxquelles sont confrontées les librairies indépendantes : importance des charges fixes (avec en particulier le poids du stock, financé par les libraires et non par les éditeurs), rentabilité nette moyenne très faible (moins de 1% du chiffre d'affaires), mais aussi poids croissant des loyers, représentant 5 à 10% du chiffre d'affaires et "menaçant à court terme l'existence même d'une offre culturelle de qualité en centre-ville".
Plusieurs affaires récentes ont vu ainsi la fermeture de librairies emblématiques, comme Castéla, place du Capitole à Toulouse, remplacée par une boutique de téléphonie mobile, la librairie des PUF, place de la Sorbonne à Paris, remplacée par un magasin de vêtements, ou la librairie anglo-saxonne Brentano's à Paris - mise en liquidation après avoir été incapable de faire face à la hausse brutale de son loyer imposée par son propriétaire, une grande banque nationale française (voir notre article ci-dessous du 17 janvier 2012). A plusieurs reprises, les collectivités territoriales concernées ont tenté de s'opposer à ces opérations, mais ont dû renoncer faute de moyens juridiques.

Une possibilité de subvention jusqu'à 30% du chiffre d'affaires

Face à ce constat, la proposition de loi prévoit d'autoriser les communes et leurs groupements (article 1er), ainsi que les départements (article 2), à attribuer des subventions aux librairies indépendantes disposant, au 1er janvier de l'année d'imposition, du label de librairie indépendante de référence (LIR), dans la limite d'un montant maximal de 30% du chiffre d'affaires de l'établissement. Ces subventions pourraient s'ajouter à celles octroyées par certaines régions menant une politique active de soutien à l'économie du livre, "comme la région Ile-de-France".
Pour justifier cette entorse à la liberté du commerce et à la libre concurrence, les auteurs invoquent le précédent de la loi du 13 juillet 1992 relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique, dite "loi Sueur". En outre, ils ne manquent pas d'invoquer la Convention de l'Unesco de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, selon laquelle "les activités, biens et services culturels ont une double nature, économique et culturelle, parce qu'ils sont porteurs d'identités, de valeurs et de sens et qu'ils ne doivent donc pas être traités comme ayant exclusivement une valeur commerciale".
Compte tenu du soutien qu'ont toujours apporté le Parlement et les collectivités à la librairie indépendante, cette proposition de loi pourrait bien se frayer un chemin dans l'agenda parlementaire.

Référence : Sénat, proposition de loi tendant à renforcer le soutien des collectivités territoriales aux librairies indépendantes labellisées (enregistrée à la présidence du Sénat le 28 mars 2018).

 

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