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Culture - Une proposition de loi exhaustive pour promouvoir les langues régionales

Il n'est pas courant de voir des parlementaires déposer une proposition de loi de 60 articles balayant l'ensemble d'une politique sectorielle. C'est pourtant ce que viennent de faire Marc Le Fur, député des Côtes d'Armor, et une soixante de députés UMP. L'objet de cette proposition est la défense et la promotion des langues régionales. Deux événements antérieurs justifient le dépôt de ce texte. D'une part, la France a adhéré, par une loi du 5 juillet 2006, à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, adoptée par la conférence générale de l'Unesco le 20 octobre 2005. D'autre part et surtout, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit, dans le titre consacré aux collectivités territoriales, un article 75-1 disposant que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France", tout en maintenant bien sûr l'article 2 prévoyant que "la langue de la République est le français" (voir nos articles ci-contre). Cette introduction des langues régionales dans la Constitution ne s'est toutefois traduite jusqu'à présent par aucun cadre législatif, le gouvernement - qui penche davantage pour l'article 2 - n'ayant montré aucun empressement sur le sujet.

Les régions têtes de file

La proposition de loi entend donc combler cette lacune en organisant une "politique de protection au plan public" des langues régionales. L'article premier est d'ailleurs très clair sur ce point : "L'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics sont dans leurs domaines respectifs de compétence, garants de la sauvegarde des langues régionales, éléments du patrimoine de la France. Une politique active de promotion de ces langues est mise en œuvre par les pouvoirs publics. La participation à cette politique s'impose aux services publics concernés."
Les six titres de la proposition de loi déclinent ensuite les grands objectifs du texte. Le premier porte sur la définition de la politique en faveur des langues et cultures régionales de France. Il prévoit notamment la création d'une autorité administrative indépendante, dénommée le Haut Comité de défense et de promotion des langues et cultures régionales. Succédant au  Conseil national des langues et cultures régionales créé en 1985 (et qui s'est réuni deux fois avant de cesser toute activité), il serait chargé - entre autres - de procéder à des états des lieux réguliers de la situation et des besoins des langues régionales, d'instruire les réclamations sur l'application de la loi et "de définir, en liaison avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel [...], une stratégie de présence des langues régionales dans les médias, le spectacle vivant et la vie publique". Le titre II est consacré au rôle central qui serait confié aux régions pour la protection et la promotion des langues régionales. Celles-ci seraient en particulier "compétentes pour étudier, concevoir, organiser, mettre en œuvre des schémas de développement des langues régionales et coordonner les politiques des collectivités territoriales et des services publics en ce domaine", avec possibilité de déléguer cette compétence à un département ou une intercommunalité si la langue concernée est infrarégionale. Un "organisme de droit public" serait chargé, dans chaque région concernée par une langue régionale, de mettre en œuvre ces schémas. Présidé par le président du conseil régional, il réunirait notamment des représentants de l'Etat et des autres collectivités concernées, ce qui pourrait susciter des frictions au regard des compétences qui lui seraient conférées (notamment dans le domaine de l'enseignement).

Affichage bilingue obligatoire

Le titre III est précisément consacré à l'enseignement des langues et cultures régionales. Le principal élément, décliné ensuite dans tous les niveaux scolaires et universitaires, en est que "l'école propose un enseignement de langue régionale ou en langue régionale aux enfants des familles intéressées" et que "l'enseignement de la civilisation et de l'histoire régionales soit intégré dans les programmes officiels des disciplines concernées aux différents niveaux scolaires".  Dans le cas d'un enseignement "en langue régionale", le texte ne dit toutefois rien de l'articulation avec l'enseignement en français. Le titre IV confie au service public audiovisuel la mission d'être le garant, "aux heures de grande écoute", de "l'expression quotidienne en langue régionale" dans les territoires concernés. Il autoriserait également les collectivités à créer "des services publics de radios et de télévision territoriaux diffusant principalement dans la langue régionale". Le titre V porte sur la protection des langues et cultures régionales dans la toponymie, la signalétique et l'affichage public, avec notamment la mise en œuvre d'une signalétique bilingue "par l'ensemble des services publics dans les aires géographiques concernées par une langue régionale". Enfin, le titre VI regroupe les dispositions transitoires.
Si la proposition de loi porte essentiellement la signature de députés issus de régions où existent des langues régionales (Alsace, Bretagne, Corse, Languedoc-Roussillon, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Outre-mer...), il lui reste maintenant à franchir le cap du débat au Parlement. Or, rien ne dit que les députés non concernés seront vraiment convaincus par les affirmations de l'exposé des motifs, selon lesquelles cette proposition de loi s'inspire "de l'esprit qui anima le général de Gaulle en 1969" [proposition de régionalisation, ndlr] et "la protection des langues régionales vient indirectement mais certainement renforcer la position internationale de la langue française". Enfin, si l'article sur les langues régionales avait été introduit dans le projet de loi de révision constitutionnelle par un amendement de Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, le Sénat en avait voté en revanche la suppression, avant de finalement s'incliner.

 

Référence : proposition de loi pour la défense et la promotion des langues régionales (enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 20 décembre 2010).

 

 

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