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Culture - Les langues régionales vont avoir leur loi

En janvier dernier, lors de la révision constitutionnelle permettant la ratification du traité de Lisbonne, le gouvernement, saisi par plusieurs parlementaires, avait promis d'organiser un débat sur les langues régionales. Cette promesse a été tenue le 7 mai, à l'occasion d'une déclaration du gouvernement devant l'Assemblée nationale. Lors du débat qui a suivi, Christine Albanel a annoncé le prochain dépôt d'un projet de loi qui donnera "un cadre de référence" aux langues régionales. Cet engagement de l'Etat en faveur des langues régionales s'accompagne toutefois d'un certain nombre de restrictions. La ministre de la Culture a clairement indiqué que "le gouvernement ne souhaite pas s'engager dans un processus de révision constitutionnelle pour ratifier la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, et cela tout d'abord pour des raisons de principe". S'appuyant sur la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999, le gouvernement considère en effet que "la ratification de la charte implique la reconnaissance, qui n'est pas seulement symbolique, d'un droit imprescriptible de parler une langue régionale, notamment dans la sphère publique". Or ce droit, qui figure explicitement dans le préambule de la charte, est contraire à certains principes constitutionnels, comme l'indivisibilité de la République, l'égalité devant la loi et l'unité du peuple français. Il est également en contradiction avec l'article 2 de la Constitution qui précise que "la langue de la République est le français".
Le futur projet de loi, dont les contours n'ont pas été précisés, constitue donc une sorte de pis-aller. Selon Christine Albanel, il "pourra récapituler l'existant et entrer dans le concret, dans le domaine des médias - on a évoqué les problèmes posés par le passage au numérique par exemple - de l'enseignement, de la signalisation ou encore de la toponymie". Au delà de sa valeur symbolique, il ne devrait donc pas bouleverser la situation actuelle. La ministre de la Culture a d'ailleurs pris soin de rappeler que, selon une enquête réalisée par la direction générale de l'enseignement scolaire, 404.000 élèves ont reçu en 2005 et 2006 un enseignement de langue régionale. Dans le cadre juridique actuel - ou plutôt l'absence de cadre -, ces effectifs ont augmenté "de façon spectaculaire", avec un décuplement en quinze ans et un triplement au cours des cinq dernières années.
En dépit de ces rappels à la Constitution, plusieurs députés - toutes tendances confondues - ont exprimé le souhait d'une démarche plus ambitieuse. Certains souhaitent que la France ratifie la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. D'autres, plus nombreux, suggèrent une modification de l'article 2 de la Constitution, qui ajouterait à l'affirmation du français comme langue de la République "dans le respect des langues régionales qui font partie de notre patrimoine". Le futur projet de loi pourrait donc connaître un parcours parlementaire agité.

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence: Assemblée nationale, séance du 7 mai 2008, déclaration du gouvernement sur les langues régionales et le débat sur cette déclaration.