Simplification du droit - Un statut (presque) unique pour les groupements d'intérêt public
En décembre 2009, Localtis titrait "Enfin un statut pour les groupements d'intérêt public?" Heureusement que nous avions pensé alors au point d'interrogation, car notre enthousiasme était un peu prématuré (voir notre article ci-contre du 8 décembre 2009). Mais un an et demi plus tard, après une course de fond parlementaire qui a abouti à la rédaction d'un mastodonte de 200 articles, la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, portée par le député Jean-Luc Warsmann (UMP, Ardennes) a été adoptée le 14 avril 2011 (voir notre dossier ci-contre). Adoptée, mais pas encore publiée au Journal officiel, car députés et sénateurs de l'opposition ont déposé un recours auprès du Conseil constitutionnel.
Néanmoins, sur le sujet particulier des GIP, les articles de ce chapitre 2 procèdent bien à une simplification consensuelle et attendue du droit. Ils devraient donc entrer en vigueur dans les semaines à venir. Ces articles 98 à 118 visent à créer un statut unique pour les GIP. En effet depuis 1982, les parlementaires ont multiplié les textes spécifiques régissant ces groupements sur de nombreux champs d'activité. C'est ainsi qu'à côté des GIP "recherche" (laboratoires), les GIP "montagne", "éducatifs et culturels", "mécénat", "maisons de l'emploi", "agences d'urbanisme"... ont vu le jour. Dès 1996, le Conseil d'Etat préconisait l'adoption d'un cadre juridique unifié. Mais ce n'est qu'aujourd'hui que le travail arrive à son terme.
Ne pas confondre GIP et intercommunalité
L'article 98 de la loi Warsmann définit la nature de ces structures publiques, précise les conditions de leur création et de leur fonctionnement, établit le statut de leur personnel et détermine le régime de comptabilité qui leur est applicable.
Première caractéristique de ces groupements : être une personne morale de droit public, qui rassemble soit plusieurs personnes morales de droit public, soit des personnes privées et publiques. Comme dans un groupement d'intérêt économique (GIE), des personnes privées peuvent donc s'associer avec des personnes publiques. Mais attention, les GIP se distinguent des GIE par leurs objectifs : les membres du GIP "exercent ensemble des activités d'intérêt général à but non-lucratif en mettant en commun les moyens nécessaires à l'exercice de telles activités". Il s'agit de mutualiser, pas d'assurer le développement économique de chacun des membres.
Ces groupements sont créés soit pour une durée déterminée, soit pour une durée indéterminée. La durée indéterminée n'était pas prévue à l'origine : les sénateurs ont ajouté cette possibilité fin 2010 car ils jugeaient qu'il était absurde d'interdire la durée indéterminée alors qu'on pouvait renouveler sans limite la convention.
Les débats ont également porté sur la possibilité offerte aux communes de constituer des GIP à la place d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou de syndicats mixtes. Les sénateurs ont insisté, jusqu'à la commission mixte paritaire, pour que cette liberté soit laissée aux communes. Mais c'est finalement la position du gouvernement et de l'Assemblée qui a été retenue : il est interdit de constituer un GIP pour exercer des activités qui pourraient être confiées à un EPCI ou à un syndicat mixte. Le gouvernement avait notamment fait valoir l'argument selon lequel qu'il ne fallait pas, alors que l'aboutissement de la carte intercommunale est sur de bons rails, faire passer un message contradictoire.
Quelle comptabilité ? Quel statut pour le personnel ?
Chaque GIP doit faire l'objet d'une "convention constitutive", dont les principaux éléments sont fixés par l'article 99 de la loi. Cette convention doit être systématiquement approuvée par l'Etat, que celui-ci soit ou non membre du groupement. Si les parlementaires ont veillé à laisser une certaine latitude aux membres du groupement pour son organisation, la convention doit cependant préciser quels sont le régime comptable et le statut des personnels applicables. Il faut dire que là était la principale faiblesse des GIP ancien régime. Ces incertitudes sur le statut et la comptabilité avaient souvent conduit les administrations publiques devant les tribunaux.
En principe, les GIP sont soumis à une comptabilité de droit privée. Sauf si les membres du groupement expriment un choix contraire ou si tous les membres sont des personnes morales de droit public. Il s'agit là d'une des différences majeures avec la société publique locale.
En matière de personnel, le principe est que les membres du groupement mettent à disposition du personnel : ce qui signifie que le membre met à disposition un agent, sans contrepartie financière ou, pour les fonctionnaires, qu'ils sont accueillis en détachement dans le GIP. En complément de ces mises à disposition et détachements, le GIP peut recruter du personnel en propre.
Les articles 109, 110 et 111 prévoient les mesures transitoires nécessaires pour régler - ou régulariser - le statut des personnes travaillant actuellement pour des GIP ancien régime, ainsi que les transferts de personnel (voir les explications détaillées et des tableaux récapitulatifs sur ce sujet dans le rapport en première lecture de la commission des lois du Sénat, 6 octobre 2010).
Que deviennent les GIP actuels ?
Pour les anciens GIP, trois régimes distincts sont prévus... et le fameux "statut général " des GIP connaît déjà quelques exceptions. Premier régime : l'article 118 abroge 18 textes législatifs dits sectoriels, c'est-à-dire qui régissaient les GIP spécifiques à certains champs d'activité. Ces articles sont abrogés sans remettre en cause les GIP qu'ils ont permis de créer. Le cadre juridique posé par la loi Warsmann se substitue seulement aux anciennes règles les régissant. C'est le cas des GIP "recherche", "éducatifs et culturels", "montagne, "environnement" ou "administration électronique".
Deuxième régime (article 119) : les dispositions existantes sont maintenues, mais, à titre complémentaire, les dispositions de la loi Warsmann s'appliquent. Autrement dit, quand le régime spécifique ne dit rien ou n'est pas assez précis, c'est vers la loi Warsmann qu'il faut se tourner. C'est le cas notamment des maisons de l'emploi, des GIP "déchets", des agences d'urbanisme, des GIP "aménagement du territoire et développement économique" ou des GIP "tourisme".
Les structures soumises aux articles 118 et 119 ont deux ans pour mettre en règle leurs conventions constitutives. L'article 120 facilite la transformation des Greta en GIP.
Enfin, derniers cas (article 121) qui concerne toutes les structures qui échappent à ce nouveau statut. On notera que plusieurs structures sociales et médico-sociales entrent dans cette catégorie : ce sont les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), les GIP régionaux ou territoriaux de santé publique, les groupements de coopération sanitaire de moyens et... les agences régionales de santé (ARS) ! C'est vrai qu'il eut été mal venu de changer dès à présent le régime de ces toutes jeunes ARS.