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Minima sociaux - Un million de chômeurs en fin de droits en 2010 : combien de RSA ?

Dans le cadre du groupe de travail sur les chômeurs en fin de droits, Pôle emploi a présenté aux partenaires sociaux une note prospective sur le sujet. Celle-ci montre qu'environ un million de chômeurs devraient épuiser leurs droits à l'assurance chômage au cours de l'année 2010. Le chiffre estimé pour 2009 étant de 850.000, cette prévision marque une progression de près de 18%. Le nombre de personnes ayant épuisé leurs droits à assurance et entrant dans le dispositif de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) passerait pour sa part de 149.000 en 2009 à 170.000 en 2010, soit une progression assez voisine (+14%). Il reste qu'en 2010 comme en 2009, moins d'un chômeur en fin de droits sur cinq bénéficierait d'une prise en charge au titre de l'ASS. Ces chiffres sont à rapprocher du nombre total de chômeurs indemnisés (2,038 millions au 31 octobre 2009) et à celui des personnes percevant l'ASS (311.200 à la même date).
Les 800.000 chômeurs en fin de droits et sans ASS prévus pour 2010 par l'étude de Pôle emploi ne sont évidemment pas tous des candidats au revenu de solidarité active (RSA). Plusieurs facteurs sont en effet à prendre en compte. Tout d'abord, une reprise économique - même modeste - peut contribuer à réduire le nombre de chômeurs non indemnisés (comme de chômeurs indemnisés). Mais, même si la progression du chômage doit très nettement se ralentir - la dernière note de conjoncture de Pôle emploi prévoit une progression de +102.000 demandeurs d'emploi des catégories A, B et C en 2010, contre +604.000 cette année -, il est clair qu'il n'y a pas de miracle à espérer du côté du marché du travail. Le principal filtre entre la fin des droits à l'assurance chômage et un éventuel droit ouvert au RSA reste ainsi la situation personnelle de l'intéressé. Le calcul d'ouverture des droits au RSA - comme à l'ASS - prend en effet en compte les ressources du conjoint. Les statistiques de Pôle emploi ne permettent toutefois pas de connaître - contrairement à celles du RMI/RSA - le nombre de demandeurs d'emploi isolés ou dont le conjoint ne travaille pas. De façon plus large, l'ouverture d'un droit au RSA prend en compte l'ensemble des revenus de l'individu ou du ménage, qui peuvent provenir d'autres sources que la rémunération d'un emploi. De même, les solutions "officieuses" - comme le travail non déclaré - peuvent également jouer un rôle de filtre dans le basculement sur le RSA, même s'il est évidemment difficile d'en mesurer l'impact. Enfin, il existe quelques dispositifs qui permettent de prolonger une prise en charge au titre de l'assurance chômage alors que les droits sont normalement épuisés. C'est le cas, par exemple, de l'allocation de fin de formation (AFF), qui permet de bénéficier du maintien de l'indemnisation jusqu'à la fin de la formation, même si les droits à l'assurance chômage sont épuisés (46.000 bénéficiaires). C'est aussi le cas de l'allocation équivalent retraite (AER), dont peuvent bénéficier  - en attendant la liquidation de leur retraite, à 60 ans - les chômeurs justifiant d'au moins 40 années de cotisations. Les dispositifs de l'AFF et de l'AER arrivent à échéance le 31 décembre 2009 mais, au regard de la situation économique, le gouvernement pourrait être conduit à les proroger une nouvelle fois (voir notre article ci-contre du 4 juin 2009).
La multiplicité des facteurs et l'incertitude qui pèse sur la plupart d'entre eux rendent difficile - sinon impossible - de prévoir l'impact qu'aura la hausse du nombre de chômeurs arrivant en fin de droits sur le nombre de bénéficiaires du RSA. Une seule chose peut être considérée comme acquise : après une hausse estimée à plus de 7% du nombre de bénéficiaires du RSA "socle" entre septembre 2008 et septembre 2009 (voir notre article ci-contre du 11 décembre 2009), 2010 s'annonce comme une année noire pour les départements, avec une croissance du nombre de bénéficiaires du RSA qui pourrait dépasser les deux chiffres.
 

Jean-Noël Escudié / PCA