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Enfance / Famille - Un jugement du TGI de Nantes met en évidence les difficultés de l'accouchement secret

Alors que les rapports Théry, Rosenczveig et Gouttenoire - élaborés dans le cadre de la préparation du défunt projet de loi Famille - se penchent sur la question de la filiation, de l'accouchement secret et de l'adoption (voir nos articles ci-contre des 9, 15 et 22 avril 2014), une décision rendue le 24 avril par le tribunal de grande instance (TGI) de Nantes illustre la grande complexité de ces situations, auxquelles sont confrontés les départements.

Des circonstances particulières

En l'occurrence, l'affaire implique le département de Loire-Atlantique. Dans sa décision, le TGI de Nantes ordonne en effet la restitution à son père biologique d'un enfant né "sous X" (désignation usuelle, mais impropre, pour l'accouchement secret), alors que le département l'avait déjà confié à une famille en vue d'adoption.
L'affaire est particulièrement complexe. A l'origine - et selon les déclarations du père -, le couple, formé depuis trois ans, a un projet parental. Mais, alors qu'elle est enceinte de deux ou trois mois, la femme rompt brusquement avec son compagnon et disparaît sans laisser de traces. A l'approche du terme supposé de la grossesse, son ex-compagnon fait néanmoins une démarche auprès de la mairie, au début du mois de mai 2013, afin de reconnaître son enfant. L'accouchement a en réalité eu lieu quelques jours plus tôt. Le père entreprend alors des démarches pour obtenir un droit de visite et une garde alternée. Il saisit le procureur de la République pour que la reconnaissance soit apposée sur l'acte d'état civil. Mais, compte tenu de l'accouchement secret et de l'absence d'informations sur la date et le lieu précis de la naissance, il faut plus de deux mois pour procéder à la transcription. C'est seulement en juillet que le père apprend que l'enfant est né "sous X".

L'enfant déjà placé en vue d'adoption

Entre-temps, le service de l'aide sociale à l'enfance du département de Loire-Atlantique a recueilli l'enfant - conformément à la procédure de l'accouchement secret - et engagé une procédure d'adoption. L'enfant est ainsi confié à une famille en vue d'adoption. De ce fait, le père se trouve privé de tout droit, alors même qu'il a reconnu son enfant, d'où la saisine du TGI de Nantes.
Dans sa décision du 24 avril, celui-ci annule l'arrêté d'admission comme pupille de l'Etat et ordonne au département de restituer l'enfant à son père naturel. Le président du conseil général a un mois pour faire appel. De son côté, la mère naturelle - à supposer qu'elle le souhaite - ne peut plus intervenir, puisque l'accouchement secret a mis fin à la filiation maternelle. Au-delà de ces considérations juridiques, il est facile d'imaginer l'impact de la situation sur l'ensemble des protagonistes...

Les limites de la loi du 26 juillet 2013

S'il n'a pas encore fait connaître sa décision, le département de Loire-Atlantique indique avoir "respecté en tout point le délai légal de deux mois à compter de la naissance de l'enfant, délai légal qui permet aux parents biologiques de reconnaître leur enfant né d'un accouchement sous X et donc de revenir sur leur décision".
Le problème est que, depuis la censure du Conseil constitutionnel sur la non-publication des arrêtés des présidents de conseil généraux prononçant l'admission comme pupille de l'Etat (voir notre article ci-contre du 30 juillet 2012), une loi a été votée à l'unanimité - et à la hâte - pour organiser la publicité - relative - de ces arrêtés (voir nos articles ci-contre des 4, 11 et 22 juillet 2013). Il est donc très probable que le département de Loire-Atlantique s'est conformé à ces nouvelles règles.
Le père de naissance fait partie des personnes citées par la loi du 26 juillet 2013 comme devant être informées de l'existence d'un arrêté d'admission comme pupille de l'Etat, dans les deux mois suivant sa signature (afin de pouvoir faire appel). Mais encore faut-il que le département le connaisse et soit effectivement en mesure de l'informer. C'est sans doute une question qui sera au centre des débats si le département de Loire-Atlantique décide de faire appel de la décision du TGI de Nantes.

 

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