Un guide pour aider les collectivités à déployer des stations hydrogène, en attendant un soutien accru de l'Etat
La FNCCR et France Hydrogène viennent de publier un guide à destination des collectivités afin de les aider à déployer des stations d’hydrogène sur leurs territoires. Les deux organismes relèvent que si la filière a désormais fait ses preuves, elle reste fortement dépendante des aides pour prendre réellement son envol. Toutes deux comptent sur un soutien massif et pérenne de l’État, mais aussi sur une feuille de route clarifiée de la part de ce dernier.
La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et France Hydrogène, association fédérant les acteurs de la filière, viennent de publier un guide principalement destiné aux collectivités territoriales afin de les aider à déployer des stations d’hydrogène sur leurs territoires. "Elles portent la majeure partie des projets en France", souligne Catherine Azzopardi, administratrice de France Hydrogène, qui précise que le guide est "une actualisation de celui publié en 2018 (voir notre article du 19 octobre 2018), intégrant les avancées et les retours d’expériences" conduites depuis.
Une filière naissante…
Pour le vice-président de la FNCCR Laurent Favreau, qui s’appuie notamment sur les résultats obtenus par le syndicat de l’énergie de la Vendée qu’il préside par ailleurs, la filière a désormais démontré qu’elle était en ordre de marche, "en capacité de répondre à une demande locale qui était naissante mais est aujourd’hui bien présente". "Il y a plus de 60 stations opérationnelles en France, et près de 2.000 véhicules sur les routes, dont 1.000 taxis parisiens. Et l’on compte plus de 1.300 véhicules lourds en commande, dont 600 bus – type de véhicules pour lesquels il y a le plus d’offres aujourd’hui – et 400 camions bennes à ordures ménagères", étaye Catherine Azzopardi. Elle met notamment en avant "le projet Zero Emission Valley porté par la région Auvergne-Rhône-Alpes, en partenariat avec des industriels comme Michelin ou des banques comme la Banque des Territoires, pour déployer un réseau de 18 stations d’ici la fin 2025, dont 6 sont déjà en service" et qui compte "près de 1.000 véhicules légers, une cinquantaine d’autocars de la région (voir notre article du 19 février), mais aussi des bus et des bennes à ordures ménagères".
… qui a encore besoin d’aides...
Pour autant, Catherine Azzopardi admet que "tous les projets en France ont besoin d’être accompagnés par des aides pour se déployer", qu’elles viennent "de l’Europe, de l’État via l’Ademe, de la Banque des Territoires ou d’autres". Jan-Erik Starlander, responsable du pôle Relations avec les territoires de France Hydrogène, met en avant les aides "des régions, de la Banque des Territoires, de la Banque européenne d’investissement", en insistant sur la nécessité de "ne pas négliger l’Europe". Il évoque le programme Horizon Europe, les projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), le fonds pour l’innovation, le partenariat pour l’hydrogène propre… Tout en insistant de même sur la nécessité de "ne pas négliger aussi l’offre privée". Côté État, il espère qu’une suite sera donnée à l’appel à projets "Écosystèmes territoriaux" de l’Ademe (voir notre article du 1er février 2023).
… et d’un soutien de l’État "plus massif"…
Autre bémol, Laurent Favreau concède que "le déploiement des usages est un peu plus long que prévu. On a encore beaucoup d’effort à faire". S’il juge que la volonté des élus locaux est indispensable pour "apporter la première pierre à l’édifice", et que "les collectivités ont envie d’accompagner cette dynamique", il souligne que "le soutien de l’État reste indispensable pour vraiment faire décoller cette filière (…). Des incitations réglementaires ou fiscales sont nécessaires". À la fois pour développer "une offre commerciale de véhicules encore limitée", observe-t-il, mais aussi "les infrastructures d’avitaillement", complète Catherine Azzopardi. Le tout "pour évidemment faire baisser les coûts", précisent-ils en chœur.
… et à tout le moins "sanctuarisé"…
Or l’élu vendéen estime que ce "soutien n’est pas encore assez massif". Surtout, l’on craint que, vu le contexte budgétaire, il ne se réduise. "La stratégie nationale hydrogène était accompagnée d’une annonce d’un engagement de l’État de 9 milliards d’euros à horizon 2030. Aujourd’hui, on a à peu près la moitié de ces crédits qui ont été engagés", souligne Jan-Erik Starlander, en formant le vœu que dans le cadre du projet de loi de finances 2025, "ce budget soit sanctuarisé". Il déplore en outre que "des dispositif annoncés par l’État n’ont pour l’instant pas été mis en œuvre", en particulier "le mécanisme de soutien à la production massive d’hydrogène pour passer à l’échelle". Catherine Azzopardi déplore ainsi l’absence de publication du décret d’application relatif à la taxe incitative relative à l’utilisation de l’énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT), d’autant plus que "c’est une taxe incitative qui ne mobilisera pas le budget de l’État".
… d’autant que d’autres menaces planent, notamment sur le Facé
À la FNCCR, on s’alarme également des menaces qui pèsent sur les aides aux collectivités. Outre le fonds vert, Charles-Antoine Gautier, directeur général, pointe les risques qui pèsent sur "le fonds de péréquation pour l’électrification rurale. Actuellement, il est consigné dans un compte d’affectation spéciale et couvert par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le fameux Turpe, qui donne une visibilité sur 4 ans aux collectivités" (le projet de Turpe 7, pour la période 2025-2028, vient d’être mis en consultation par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) il y a peu - voir notre article du 17 octobre). Or "le PLF 2025 envisage de le passer sur l’accise sur l’électricité, une taxe, avec pour conséquence une distinction urbain-rural qui ne s’opère plus. Et une taxe qui n’est pas affectée, ce qui laisse craindre qu’à terme son produit n’aille plus vers ce pourquoi c’était fait, c’est-à-dire les investissements liés aux réseaux, à la transition énergétique, aux mobilités décarbonées". Enfin, "au passage, l’État supprime ce compte d’affectation spéciale (…), ce qui fait pour nous écho avec le précédent du fonds national pour le développement des adductions d’eau (FNDAE), qui a disparu avec la même double lame : un changement d’affectation budgétaire d’abord, puis une suppression au bout d’un certain temps".
Nécessité, aussi, d’une feuille de route "plus claire"
Pour massifier l’usage de l’hydrogène, "il nous faudrait une feuille de route un peu plus claire de la part de l’État", observe encore Laurent Favreau. "On attend que la nouvelle stratégie nationale hydrogène soit publiée, alors qu’elle a fait l’objet d’une enquête publique", indique Catherine Azzopardi. Cette stratégie paraît d’autant plus nécessaire que, pour Laurent Favreau, "l’État est en train de se focaliser sur la mobilité électrique. On est plutôt réservé sur cette orientation unique. On croit à la mixité et à la complémentarité des sources d’énergie renouvelable pour alimenter les mobilités : un triptyque électrique, biogaz et hydrogène renouvelable". Catherine Azzopardi opine. Elle souligne ainsi que l’hydrogène est particulièrement approprié "pour les véhicules à usage intensif – taxis, poids lourds, bus, véhicules utilitaires des professionnels – pour lesquels l’utilisation de la batterie n’est ni pertinente en termes d’usage au vu du temps de recharge, ni pertinente d’un point de vue économique quand on y intègre le coût de l’infrastructure de réseau électrique nécessaire pour déployer ces véhicules". Sans compter que "l’hydrogène peut être produit au plus près de la consommation", note Laurent Favreau – comme l’a récemment souligné la CRE (voir notre article du 25 septembre) –, et donc à l’échelle des territoires.