La CRE formule ses recommandations pour la régulation des infrastructures d’hydrogène et de dioxyde de carbone
Invitée à formuler ses recommandations pour réguler les infrastructures d’hydrogène et de dioxyde de carbone, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) préconise un traitement au cas par cas pour les premières, qui devraient continuer de se développer au plus près des consommateurs, au moins dans un premier temps. Pour les secondes, la CRE estime nécessaire de bien distinguer chaque maillon de la chaîne de valeur, en insistant sur la nécessaire planification des canalisations de transport et des exutoires.
Saisie à l’automne 2023 par le gouvernement pour contribuer au cadre de régulation des infrastructures d’hydrogène et de carbone, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) vient de rendre son rapport.
L’hydrogène : des circuits courts, au moins dans un premier temps
Concernant l’hydrogène, la CRE indique partager les perspectives de déploiement prévues par la nouvelle Stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène décarboné en France, laquelle prévoit dans un premier temps un développement local de la production au plus près des consommateurs, avec une priorité donnée à quelques hubs industriels (Fos-sur-Mer, Dunkerque, Le Havre-Estuaire de la Seine et Vallée de la chimie) et à leur connexion aux infrastructures de stockage. "Les usages industriels (engrais, sidérurgie, carburants de synthèse) vont continuer à constituer la majorité de la demande à court et moyen terme", estime la CRE, qui relève que "ces industriels ont privilégié jusqu’ici des sources d’approvisionnement proches".
Relevant que le mix électrique français, décarboné, "permet de produire de l’hydrogène bas carbone directement à partir du réseau, au plus proche du consommateur", et que le fonctionnement des électrolyseurs "ne permet pas de réaliser d’économies d’échelle significatives", la CRE considère qu’"il y a peu d’intérêts à concentrer la production sur de très grands sites plus éloignés", au moins dans un premier temps. Elle en tire les conséquences dans ses recommandations, suggérant notamment la mise en place d’une structure tarifaire avec un tarif régional dans chaque hub et un tarif pour le réseau national, qui doit permettre à la fois l’émergence de hubs locaux tout en accompagnant le développement potentiel d’infrastructures nationales. Elle recommande également d’affecter prioritairement le soutien public aux utilisateurs, considérant qu’il ne serait pas pertinent de subventionner directement l’infrastructure alors que le dimensionnement optimal de cette dernière s’appuiera principalement sur l’expression des besoins des acteurs locaux. Il en va en revanche différemment des infrastructures nationales, fortement mutualisées, pour lesquelles un soutien direct à leurs gestionnaires serait pertinent – en préconisant un dispositif d’avance remboursable, comme prévu en Allemagne.
Le carbone : activité concurrentielle en amont, monopolistique en aval
S’agissant des infrastructures de dioxyde de carbone, la CRE, qui s’inscrit dans les perspectives prévues par la stratégie française de capture, d’utilisation et de stockage du carbone (CCUS - voir notre article du 27 juin 2023), anticipe le développement d’infrastructures selon une logique de "bassins versants", considérant "probable que chaque émetteur industriel n’aura accès qu’à un seul exutoire pour séquestrer son CO2 : le moins coûteux à atteindre depuis sa localisation". Si elle présume que la capture sera une activité concurrentielle, qu’il n’apparaît donc pas nécessaire de réguler, et que les solutions de collecte acheminant le CO2 vers un réseau de transport ou un exutoire, peu mutualisables, ne devraient pas conduire à une situation de monopole naturel, elle pressent qu’il en ira différemment s’agissant du transport, où l’importance des investissements nécessaires et des économies d’échelle conduiront à une situation de monopole naturel, et de l’exutoire, lui aussi susceptible de constituer un monopole naturel local. En conséquence, elle préconise notamment une planification des infrastructures mutualisées afin de permettre le dimensionnement optimal des canalisations de transport et des exutoires, avec un soutien public pour permettre notamment leur surdimensionnement initial.