Urbanisme commercial - Un député veut lutter contre la "pollution visuelle" des baux à céder
"Bail à céder." Les cœurs des petites villes continuent de dépérir. Mais les baux précaires de moins de deux ans souvent pointés du doigt n'en sont pas l'explication principale, estime le député Daniel Fasquelle dans un rapport provisoire que Localtis s'est procuré. "La vie des affaires, les contraintes de la saisonnalité, les tendances lourdes de l’urbanisme commercial depuis la loi Royer (1973) sont certainement des données plus pertinentes", considère-t-il. De fait, la France est championne d'Europe de ces "usines à distribuer" qui défigurent les abords des villes.
Sans éluder la question économique suscitée par la vacance des locaux commerciaux, le député se penche sur un point plus inattendu : l'esthétique des locaux. "Dans une rue commerçante de bel aspect, des locaux vides et mal entretenus sont du plus mauvais effet", souligne-t-il. Il propose d'enrichir le Code de l'environnement d'un nouvel article L.582-2 sur les nuisances visuelles occasionnées par des commerces mal entretenus. Aujourd'hui, ce code ne réglemente que la "pollution visuelle" des lignes à haute tension. Sur ce modèle, le nouvel article obligerait le propriétaire à une bonne tenue des locaux. "Le propriétaire de commerces, situés dans des zones définies par décret en Conseil d’État, doit veiller à ce que ses commerces, vacants ou non, ouverts sur la voie publique, présentent toujours une bonne apparence et contribuent à l’amélioration de l’aspect et de la bonne tenue des voies fréquentées dans le respect de l’image de la ville", prévoit cet article.
Location-gérance
L'autre question qui se pose à tous les maires est la disparition des commerces de bouche notamment, au profit des services : banques, agences immobilières ou de travail temporaire, etc. Le député veut ainsi étendre le droit de préemption des communes, aujourd'hui très lourd à mettre en place : en trois ans, sur 400 périmètres de préemption votés par les conseils municipaux, seulement une trentaine de préemptions ont été mises en oeuvre.
Depuis un décret du 27 décembre 2007, la commune peut en effet préempter le fonds au moment de sa cession et dispose d'un délai d'un an pour trouver repreneur, dans le cadre d'un acte de rétrocession qui fixe des objectifs de diversité commerciale à atteindre. Non exploité, le fonds perd pendant ce temps de sa valeur, voire se dégrade. Plutôt que de laisser les volets baissés, le député propose une location-gérance par la commune. Ce qui permettrait à un commerçant de mettre le pied à l'étrier en attendant éventuellement de reprendre le fonds au terme du délai de préemption. Un point important qui pourrait venir à nouveau enrichir la proposition de loi Ollier-Piron en cours de discussion (déjà adoptée par l'Assemblée elle a été examinée en décembre dernier par la commission de l'économie du Sénat), qui vise à intégrer l'urbanisme commercial dans le droit commun de l'urbanisme. Seulement voilà, la location-gérance avait déjà fait l'objet d'un amendement du député Bernard Reynès retiré à la demande du gouvernement. "C'est la commune qui fera tout sur le plan commercial : c'est aller un peu trop loin", avait alors fait valoir le secrétaire d'Etat à l'Urbanisme.
Droit de préférence du locataire
Toujours dans l'optique de préserver le petit commerce, le rapport préconise un droit de préférence du locataire en cas de vente des locaux par le propriétaire.
S'agissant des baux dérogatoires (ou précaires) de moins de deux ans, Daniel Fasquelle ne veut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Selon lui, ils apportent de la souplesse. Ils sont un moyen pour le commerçant de prendre la température du marché et au propriétaire de s'assurer de la solvabilité du preneur. Alors comment les sécuriser ? Deux mois avant l’expiration du bail, chacune des parties peut faire connaître à l’autre sa volonté de le renouveler, propose le député. L'accord exprès ou tacite de l'autre partie suffirait à transformer le bail dérogatoire en bail statutaire.