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Congrès AMF - Le droit de préemption, un outil dissuasif... pour le maire ?

Fisac élargi à de nouvelles possibilités d'aides, nouveau droit de préemption sur les fonds commerciaux : la revitalisation des centres-ville était au menu du Congrès des maires, jeudi 27 novembre. Le point sur ces deux outils assez complexes à mettre en oeuvre.

Revitaliser les centres-ville.  La préoccupation de nombreux élus. La loi de modernisation de l'économie (LME) du 4 août 2008, qui permet la liberté d'installation des grandes surfaces de moins de 1.000 mètres carrés, a aussi prévu des garde-fous pour le petit commerce en rénovant le Fisac (Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce) et le nouveau droit de préemption des maires. Deux outils qu'il vaut mieux avoir en tête alors que la liberté totale d'installation des grandes surfaces se profile à grands pas avec la préparation d'une nouvelle proposition de loi du député Jean-Paul Charié annoncée pour le début de l'année 2009.

 

Un Fisac rénové. La LME a prévu de porter le Fisac de 80 à 100 millions d'euros par an et de l'orienter vers le maintien des activités en milieu rural ou dans les quartiers prioritaires. Mais pour le détail, il faudra se référer à un décret et à un arrêté sur le point d'être publiés et dont Laurent Moquin, de la direction du commerce et de l'artisanat au ministère de l'Economie, a dévoilé la teneur lors d'une table ronde sur la revitalisation des centres-ville et des centres-bourg, au cours du Congrès des maires, jeudi 27 novembre. Le Fisac pourra ainsi intervenir :
- dans des "conditions exceptionnelles", uniquement en cas de catastrophe majeure, à la suite d'une décision interministérielle ;
- lorsque des travaux publics affectent significativement le commerce dans une zone de chalandise.

Luc Chatel, le secrétaire d'Etat à la Consommation, a également laissé entendre mercredi, à l'issue du Conseil des ministres, que le Fisac pourrait également être mis à contribution dans les communes touchées par l'ouverture des centres commerciaux le dimanche envisagée par la proposition de loi du député Richard Mallié.
Le Fisac couvrira par ailleurs la moitié des intérêts d'emprunts souscrits par les communes pour l'exercice du nouveau droit de préemption sur les fonds de commerce. Le plafond du chiffre d'affaires annuel retenu pour l'entreprise bénéficiaire sera relevé de 800.000 à 1 million d'euros. Dans les communes de moins de 3.000 habitants (et non plus 2.000), les aides des zones rurales seront portées de 30 à 40% du montant des investissements. Le montant de la dépense pouvant faire l'objet d'une subvention passera de 50.000 à 75.000 euros. Enfin, les délais d'attribution seront réduits, a également assuré Laurent Moquin, avec la mise en place d'un instructeur unique des dossiers. Ce qui sera facilité par la création de la direction régionale de l'entreprise, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE), le futur service déconcentré de Bercy né de la fusion des anciennes directions. Ces dispositions seront complétées par le conseil et la commission d'orientation du commerce de proximité créés pour associer les élus et les représentants des commerçants à la définition des orientations du Fisac.

 

Droit de préemption. Derrière ce soutien financier, la véritable question est celle du choix des maires dans l'installation des commerces. Jusqu'ici, le droit de préemption urbain ne s'appliquait que pour les biens immobiliers. La loi Dutreil du 2 août 2005 en faveur des PME a ouvert la possibilité aux communes d'exercer un nouveau droit de préemption lors de la cession de fonds artisanaux ou de commerce, ou encore de baux commerciaux. Après de longues tergiversations, il a fallu attendre le décret du 27 décembre 2007 pour qu'il entre en vigueur. La LME a ensuite élargi le droit de préemption aux terrains d'une surface comprise entre 300 et 1.000 m2 faisant l'objet d'un projet d'aménagement commercial. "Le droit de préemption offre de véritables opportunités, à condition d'être ciblé sur quelques cellules commerciales stratégiques", a d'emblée tenu à prévenir Dominique Moreno, de la chambre de commerce et d'industrie de Paris. Ce droit de préemption est "très lourd à mettre en oeuvre et donne lieu à un risque de contentieux non négligeable". Sans compter son coût financier pour la commune. Mieux vaut donc s'entourer de quelques précautions.

 

Délimiter le périmètre.  La loi Dutreil a donné la possibilité au conseil municipal, par délibération motivée, de délimiter un "périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité" à l'intérieur duquel le maire aura son mot à dire. "Le juge est sévère sur la notion de motivation", a insisté Dominique Moreno. Le projet de délibération devra donc comporter un rapport d'analyse sur la situation du commerce à l'intérieur du périmètre. Il s'agira de démontrer les menaces sur la diversité commerciale avec chiffres à l'appui (nombre de commerces fermés par exemple). Autant de données dont disposent les chambres consulaires.

 

La décision de préemption. Ce droit ne s'applique que lors de cession à titre onéreux ou, nouveauté de la LME, lors des cessions de terrains destinés à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1.000 mètres carrés. Le vendeur envoie alors une déclaration préalable auprès du maire, au moins un mois avant la vente. Seul problème : la déclaration doit mentionner l'existence d'un acquéreur pressenti et le prix mais sans préciser son activité (agence bancaire par exemple), ce qui peut compliquer la décision de préemption. "Il faut donc pouvoir obtenir cette information par une voie différente", conseille Dominique Moreno. A partir de la déclaration, le maire a deux mois pour faire valoir son droit. Si la commune décide de se porter acquéreur, elle doit proposer un prix équivalent à celui de la déclaration du vendeur. En cas de désaccord sur le prix, la commune peut saisir le juge de l'expropriation. Un droit réservé à la commune et non au cédant, source d'inquiétude chez les commerçants dont la vente du fonds ou du bail constitue bien souvent le capital retraite.

 

La rétrocession du fonds.   Une fois le fonds acheté par la commune, celle-ci dispose d'un an pour le rétrocéder à un artisan ou un commerçant repreneur. Cette rétrocession s'opère selon un cahier des charges approuvé par le conseil municipal en fonction de la motivation de départ : la préservation de l'activité commerciale ou artisanale. La commune procédera par appel à candidatures. C'est là que le risque de contentieux est le plus important. Pour que le fonds conserve sa valeur, il doit continuer à être exploité pendant le laps de temps qui sépare la cession de la reprise. Un délai trop court pour être incitatif auprès d'un repreneur provisoire, plus encore dans des secteurs comme le commerce de bouche où les candidats ne sont pas légion. "Il faudra penser à des questions comme l'indemnisation des bailleurs des pertes de loyer, il faudra également faire attention aux pertes de salaires", a encore mis en garde Dominique Moreno. Des questions que le décret n'aborde pas. Passé le délai d'un an, la commune perd son droit et l'acquéreur pressenti au départ par le vendeur pourra se replacer en priorité. A condition qu'il le veuille encore. Bref, le droit de préemption est un outil très lourd, à manier avec prudence. D'où l'intérêt d'avoir un projet bien ficelé dès le départ.

 

Michel Tendil