Un décret resserre l'aide médicale sur les seuls étrangers en situation irrégulière
Un décret autorise les organismes de sécurité sociale à consulter le fichier Visabio (traitement relatif aux étrangers sollicitant la délivrance d'un visa) pour éviter que des étrangers en situation régulière s'adressent à l'aide médicale de l'État (AME) en l'estimant plus favorable que la prise en charge apportée par l'assurance maladie et la complémentaire santé solidaire. La Cnil avait donné un avis favorable.
Sujet récurrent de débats, de polémiques et de réformes depuis de nombreuses années (voir nos articles ci-dessous), l'aide médicale de l'État (AME) fait l'objet d'une nouvelle mesure, avec un décret du 13 juin 2020 relatif à la consultation du traitement de données Visabio, aux fins de vérifier la situation des personnes sollicitant le bénéfice de cette prestation. Le décret porte en effet sur le renforcement des contrôles et la lutte contre la fraude, mais dans une approche qui peut sembler à première vue à fronts renversés.
Un accès des organismes d'assurance maladie au fichier des visas
Pour mémoire, l'AME, financée par l'État et gérée par les caisses d'assurance maladie, permet aux étrangers en situation irrégulière et résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois de bénéficier d'une prise en charge médicale en ambulatoire ou à l'hôpital, pour des raisons à la fois humanitaires et prophylactiques (éviter la circulation de certaines maladies). Le décret du 13 juin vise à s'assurer que cette prestation bénéficie bien à cette seule catégorie de personnes. Il s'agit, en l'occurrence, d'éviter que des étrangers en situation régulière sur le territoire national demandent eux aussi cette prestation, jugée plus favorable que celle apportée par l'assurance maladie et la complémentaire santé solidaire (CSS, qui remplace la CMU-C et l'aide à la complémentaire santé).
Pour cela, le décret autorise les organismes de sécurité sociale à "vérifier la situation au regard du droit au séjour des personnes sollicitant une prise en charge au titre de l'aide médicale de l'État prévue aux trois premiers alinéas de l'article L.251-1 du code de l'action sociale et des familles et des soins urgents mentionnés à l'article L.254-1 du même code". Les informations susceptibles d'être consultées portent sur l'identification (nom et prénom), la date et le pays de naissance, la photographie de l'étranger, ainsi que la délivrance d'un visa, sa date, sa durée de validité et les documents de voyage. Pour cela, les agents concernés des organismes de sécurité sociale doivent être individuellement désignés et spécialement habilités par les directeurs de ces organismes. La présence d'une personne dans le fichier Visabio, avec des autorisations en cours de validité, laisse a priori supposer qu'elle est en situation régulière sur le territoire et n'est donc pas éligible à l'AME.
Un avis favorable de la Cnil
S'agissant de la consultation d'un fichier nominatif, le projet de décret a été soumis pour avis à la Cnil (Commission nationale informatique et libertés). Dans une délibération du 30 mars dernier, celle-ci prend acte des précisions apportées par le ministère de l'Intérieur, qui gère ce fichier, et notamment du fait que la consultation autorisée par le décret "vise uniquement à permettre de vérifier l'absence de régularité du séjour, sans avoir pour finalité de vérifier le respect des conditions de présence sur le territoire ni de ressources". Compte tenu des précisions apportées, la Cnil "estime que l'accès aux données du traitement des personnes visées par le projet de décret est légitime". On relèvera par ailleurs que l'autorisation de consulter ce fichier pour les organismes d'assurance maladie était l'une des propositions du rapport commandé par le Premier ministre à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et à l'Inspection générale des finances (IGF) (voir notre article ci-dessous du 7 novembre 2019).
Références : décret n°2020-715 du 11 juin 2020 relatif à la consultation du traitement de données Visabio aux fins de vérifier la situation des personnes sollicitant le bénéfice des prestations prévues aux articles L.251-1 et L.254-1 du code de l'action sociale et des familles (Journal officiel du 13 juin 2020). |