PLF 2018 - Le Sénat sabre les crédits de l'AME et appelle à une réforme
Après son adoption par l'Assemblée nationale, le 21 novembre, le Sénat entame à son tour la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2018. Dans le cadre de l'examen du texte par la commission des finances, engagé depuis quinze jours, le rapporteur spécial sur les crédits de la mission Santé - Alain Joyandet, sénateur (Les Républicains) de la Haute-Saône - a fait adopter un amendement réduisant de 300 millions d'euros les crédits affectés au financement de l'aide médicale de l'Etat (AME), destinée à la prise en charge des soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière.
Plus de 900 millions d'euros pour l'AME
Les crédits affectés à l'AME, qui affichaient une hausse de près de 110 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2018, se trouveraient ainsi ramenés de 924 à 624 millions d'euros, soit leur niveau de 2012. L'objectif n'est pas véritablement de s'en tenir à cette enveloppe mais plutôt, comme le précise un communiqué du Sénat du 21 novembre, de lancer - à nouveau - "un appel à une réforme profonde de l'AME". Selon le rapporteur spécial, la somme de 300 millions d'euros correspond en effet au "montant des économies espéré du recentrage des soins, dans l'attente d'une refonte du dispositif".
Alain Joyandet consacre d'ailleurs une bonne partie de son rapport à la question récurrente de l'AME. Le constat est connu de longue date. La dépense d'AME a en effet progressé de 40% entre 2009 et 2016 et ses crédits en LFI font l'objet d'une sous-évaluation systématique, même si la hausse inscrit au budget 2018 a valeur de rebasage. Le rapporteur spécial regrette que "la politique du rabot soit appliquée aux opérateurs sanitaires de l'Etat et qu'il n'y ait pas de limite budgétaire pour l'AME".
Le rapport rappelle que cette prestation - ou plutôt les trois catégories d'AME : aide médicale de droit commun, pour soins urgents et humanitaire - compte "un nombre croissant de bénéficiaires, très concentrés sur le territoire national". Ce nombre a toutefois fait l'objet d'une légère baisse en 2016 (-1,5%), mais celle-ci succède à une hausse de 7,5% en 2015.
Refonder l'AME sur la base d'un panier de soins
En termes de concentration, dix caisses primaires d'assurance maladie (sur 106) concentrent les deux tiers (64%) de la dépense. Au total, 53% de la dépense est concentrée à Paris (22%) et dans le reste de l'Ile-de-France (31%). Cette concentration vaut aussi pour les hospitalisations des patients bénéficiant de l'AME (66% de la dépense), puisque 50% des remboursements vont à sept hôpitaux seulement (dont bien sûr l'AP-HP).
Face à ces constats, le rapport de la commission des finances du Sénat estime qu'"une réforme de l'AME s'impose pour garantir la soutenabilité de la dépense", estimant au passage que "le contrôle et la lutte contre la fraude ne sauraient suffire à contenir la progression".
Pour aller plus loin - et après une brève comparaison avec les dispositifs en vigueur dans les principaux pays européens -, le rapporteur spécial estime donc que "la réforme de l'AME pourrait consister en un recentrage des soins pris en charge sur un panier ciblant le traitement des soins urgents, des maladies graves et des mesures de médecine préventive". Un principe qui ressemble beaucoup à celui de la proposition de loi sur l'aide médicale d'urgence, adoptée par le Sénat en 2015 et demeurée sans suite depuis lors.