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CMU-C et AME : l'étau se resserre sur les refus de soins

Depuis plusieurs années, les témoignages - issus notamment d'opérations de "testing" - se multiplient sur les cas de refus de soins à l'encontre de personnes titulaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) - la CMU de base étant remplacée par la PUMa (protection universelle maladie) depuis le 1er janvier 2017 - ou de l'aide médicale d'Etat (AME). Les cas rapportés concernent des professionnels de santé libéraux et, plus particulièrement, des médecins spécialistes. Si cette situation n'est pas nouvelle, elle semble aujourd'hui susciter des réactions de la part d'un certain nombre d'acteurs clés de l'accès aux soins.

Les associations se mobilisent...

Ainsi, dans un communiqué du 1er février, la Fédération des acteurs de la solidarité (ex-Fnars) annonce avoir saisi, le 10 janvier, le défenseur des droits - en lien avec Médecins du Monde et le Collectif interassociatif sur la santé (Ciss) - "sur le refus de certains professionnels de santé (médecins généralistes, chirurgiens-dentistes, ophtalmologues, gynécologues, etc.) de recevoir les patients détenteurs de la CMU-C et de l'AME".
Cette saisine s'appuie sur différents témoignages. Le communiqué fait ainsi état du cas de certains médecins qui n'hésitent pas à afficher ouvertement leur refus de recevoir des bénéficiaires de la CMU-C ou de l'AME sur certains sites (privés) dédiés à la prise de rendez-vous, comme doctolib.fr ou monrdv.com.
Pour Florent Gueguen, le délégué général de la Fédération des acteurs de la solidarité, interviewé par Le Monde, "ces refus de soins envers les précaires sont massifs et répétitifs. Mais avec cet affichage sur les sites, un pas de plus est franchi, la démarche de rejet est décomplexée". Selon la Fédération, la médiatisation de cette saisine permet "de rendre visible des situations vécues quotidiennement par les personnes en situation de précarité, mais encore trop méconnues du grand public".
Une situation qui a déjà conduit la Fédération à lancer, à la fin de 2016, un observatoire des dysfonctionnements dans l'accès aux soins des personnes en situation de précarité.

... le Défenseur des droits enquête...

Le message a été bien reçu par le Défenseur des droits. Dans un communiqué du 27 janvier 2017, celui-ci annonce l'ouverture de plusieurs enquêtes sur ces cas d'affichage du refus de soins. Elles ont déjà permis de montrer "qu'un médecin n'acceptait pas les bénéficiaires de la CMU au motif de l'absence de lecteur de carte Vitale, tandis qu'un autre médecin indiquait accepter les bénéficiaires de la CMU-C tout en soulignant que les bénéficiaires de l'AME ne sont pas souhaités, sans indiquer un motif précis".
Jacques Toubon rappelle que l'article L.1110-3 du code de la santé publique qualifie le caractère illégal de tels refus : aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins. En outre, "le fait d'annoncer publiquement le refus de ces patients, même en les réorientant vers les hôpitaux publics, est contraire aux articles 225-1 et 225-2 du code pénal interdisant les discriminations. Cette pratique est ainsi susceptible de caractériser une discrimination en raison du statut, de l'état de santé ou éventuellement de la vulnérabilité économique des patients concernés".
Par ailleurs, le Défenseur des droits rendra public, en mars 2017, une étude financée en partenariat avec le Fonds CMU sur "Les pratiques médicales et dentaires, entre différenciation et discriminations : Une analyse de discours de médecins et dentistes".
Enfin, il entend poursuivre ses travaux en matière de refus de soins et "suivra avec intérêt les travaux des commissions chargées d'observer les pratiques de refus de soins créées dans le cadre de la loi Santé du 26 janvier 2016, dont il avait souligné à l'époque le caractère insuffisamment contraignant".

... et le conseil de l'Ordre fronce les sourcils

De son côté, le conseil national de l'Ordre des médecins - qui est déjà intervenu sur le sujet par le passé - n'entend pas rester inactif. L'Ordre va, au contraire, porter plainte contre les médecins affichant leur refus de prendre en charge des patients attributaires de la CMU-C et de l'AME. Pour cela, le conseil de l'Ordre annonce, dans un communiqué du 2 février 2017, avoir demandé au Défenseur des droits et aux associations accompagnant des personnes attributaires de la CMU-C et de l'AME "de lui transmettre les informations nominales collectées sur ces médecins, afin de pouvoir porter plainte".
Au passage, le communiqué "rappelle que le refus de prise en charge de patients attributaires de la CMU-C et de l'AME est déontologiquement et moralement inacceptable". Il proteste aussi "contre l'accusation de son inaction par le défenseur des Droits, alors que, depuis sa création, ils travaillent ensemble dans le cadre d'une convention de coopération".
Si la mobilisation autour des refus de soins semble aujourd'hui bien engagée, il reste à mesurer ses effets pratiques dans les prochains mois. On rappellera simplement que le rapport du défenseur des Droits publié, il y a deux ans, sur "Les refus de soins opposés aux bénéficiaires de la CMU-C, de l'ACS [aide à l'acquisition d'une complémentaire santé, ndlr] et de l'AME" ne semble guère avoir eu de suites. De même, il y a plus de dix ans, en décembre 2006, Xavier Bertrand - alors ministre de la Santé - annonçait le lancement d'un plan pour lutter contre les refus de soins. On attend toujours les effets pratiques...

 

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