Modernisation - Un Cimap anti-paperasse
Le Premier ministre présidait le 17 juillet après-midi, en présence de la quasi-totalité des membres du gouvernement, un troisième Comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap), après ceux de la fin 2012 et du printemps 2013. Indiquant au passage que le prochain Cimap serait organisé "avant la fin de l'année", Jean-Marc Ayrault a assuré que l'ensemble des mesures inscrites dans ce cadre de la MAP "permettent des économies évaluées à trois milliards d'euros de baisse du déficit" dès 2014.
Reste qu'il n'est pas toujours évident de dessiner avec précision le périmètre de ces mesures. C'est apparemment un peu la loi du genre… Souvenez-vous, déjà à l'époque des CMPP - ces "conseils de modernisation des politiques publiques" venus ponctuer la mise en œuvre de la RGPP -, le travail de tri entre mesures immédiates et réformes de long terme, ou entre dispositions nouvelles et reprise de chantiers déjà amorcés, pouvait s'avérer compliqué. De la même façon, les documents diffusés à l'issue de ce troisième Cimap mêlent des éléments de nature très diverses puisque le "relevé de décisions" commence par passer en revue un certain nombre de "réformes structurelles" allant du soutien à l'emploi à l'accueil de la petite enfance en passant par l'investissement outre-mer, la formation en alternance (voir ci-contre notre article dédié à ce point) ou la scolarisation des enfants handicapés.
Sur ces réformes structurelles, le gouvernement a d'ailleurs fait part de son intention de mieux associer les collectivités locales "à l’évaluation des politiques publiques". Une "réunion de suivi" spécifique sera ainsi organisée avant chaque Cimap par Marylise Lebranchu avec les présidents de l’Association des maires de France, de l’Assemblée des départements de France et de l’Association des régions de France.
Ce Cimap a en outre été l'occasion pour le gouvernement de remettre en lumière des actions dont le sillon a déjà largement été creusé, notamment en termes législatifs.
Ainsi, plusieurs mesures évoquées mercredi sont déjà inscrites dans le projet de loi Alur sur le logement et l'urbanisme ou dans la loi autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction. Tel est par exemple le cas du dossier unique de demande de logement social à plusieurs bailleurs (voir notre article du 26 juin 2013 Projet de loi Alur : tout sur le volet Logement). Ce dossier unique pourra être déposé par internet. "L'usager n’aura plus à dupliquer sa demande (formulaire et pièces justificatives associées) auprès des différents acteurs concernés", commente le document de présentation du "programme de simplification", qui précise que ce dispositif de demande sur internet est déjà en phase d’expérimentation dans certains départements depuis mars 2011.
Au total, Matignon fait état de 40 décisions prises lors de ce Cimap, et indique que le programme de simplification "comprend plus de 200 mesures, dont 142 mesures nouvelles". Autrement dit, une bonne partie des mesures ont bien été décidées dans un autre cadre que celui du Cimap…
Carte d'identité, passeport : fluidifier les demandes
Quoi qu'il en soit, de vraies nouveautés ont été annoncées ce 17 juillet, dont une partie concerne directement les collectivités, entre autres les services municipaux des affaires civiles. L'une des mesures les plus remarquées a ainsi été la prolongation de la durée de validité de la carte nationale d'identité, qui passera de dix à quinze ans.
Toujours dans la série "simplifier les démarches" des citoyens, il est prévu que l'on puisse prochainement se renseigner en ligne sur l'état d'avancement de sa demande de passeport. Autant de coups de téléphone en moins aux mairies ! Ou bien encore que les enfants de moins de douze ans ne seront plus obligés de se présenter deux fois en mairie avec leurs parents pour l'obtention d'un passeport (une circulaire viendra bientôt préciser les choses).
Ce 18 juillet, dès le lendemain du Cimap, est en outre paru au JO un décret visant à faciliter la production de pièces justificatives de domicile par l’usager et, plus précisément, à donner une base légale aux justificatifs imprimés (tels que l'impression sur une simple imprimante "maison" d'une facture électronique de fournisseur d'énergie ou de télécoms), dès lors qu’ils contiennent un code-barre 2D.
Côté démarches et "paperasses" toujours, la liste fournie par Matignon rappelle d'autres chantiers déjà engagés, dont le projet Comedec, "Communication électronique des données de l'état civil" (dont Localtis s'est largement fait l'écho dans un article du 20 juin, annonçant la généralisation de l'expérimentation menée en Seine-et-Marne) ou la simplification du vote par procuration avec une étape réalisable en ligne (voir notre article du 1er juillet).
Sont également évoqués le programme "Dites-le nous une fois" visant à réduire le nombre d’informations et de pièces demandées à l’usager (premières avancées attendues d'ici la fin de l'année) et la collecte par internet des informations dans le cadre du recensement de la population (une phase d’expérimentation est en cours dans 46 communes).
Enfin, le Cimap a rappelé qu'un texte de loi, qui vient tout juste d'être adopté par le Sénat et devrait l'être par l'Assemblée à l'automne, va venir bouleverser certaines logiques administratives en prévoyant qu'une absence de réponse de l'administration vaut accord (sur ce projet de loi, voir notre article du 17 juillet).
Simplifier le droit, alléger les normes
Le mot d'ordre de simplification choisi pour ce Cimap dépasse largement le champ des démarches administratives courantes puisqu'il vaut aussi par exemple pour celui des marchés publics. "Les mesures de simplification découlant de la directive européenne début 2014 seront transposées de façon accélérée, ce qui se traduira notamment par une limitation des exigences des acheteurs publics relative à la capacité financière des entreprises candidates, la création de la procédure dite de 'partenariat d'innovation' visant à favoriser le développement de l'innovation dans le cadre des marchés publics, etc.", explique Matignon, qui indique en outre que "les documents contractuels relatifs aux marchés publics de travaux seront modifiés d’ici fin 2013". On aura donc largement le temps d'y revenir… tout comme Localtis reviendra sur la question de l'accès aux données publiques, également abordée lors de ce Cimap.
Le Premier ministre a par ailleurs mis l'accent sur la nécessaire réduction du nombre et de la longueur des circulaires… en signant une circulaire en ce sens, publiée au JO ce 18 juillet. Au même JO d'ailleurs, une autre circulaire retiendra l'attention des collectivités : celle sur le "gel" des normes (sur ces deux textes, voir ci-contre notre article de ce jour).
Enfin, le Cimap a évoqué un chantier dont avait fait état quelques heures plus tôt en Conseil des ministres Philippe Martin, le nouveau ministre de l'Ecologie : l'ouverture d'une concertation pour "moderniser, sans diminuer le niveau de protection, le droit de l’environnement" (voir ci-contre notre article de ce jour).
De la même façon, le gouvernement entend simplifier le droit du patrimoine : il s'est engagé à présenter début 2014 le projet de loi "Patrimoines" annoncé le 14 septembre 2012 par Aurélie Filippetti. Le Cimap a évoqué uniquement le volet sur les espaces protégés, annonçant que ceux-ci seraient limités à trois catégories contre dix aujourd'hui : "Villes historiques", "Sites classés" et "Abords". Les délais et les procédures d'instruction relatifs aux ces trois catégories d'espaces protégés seraient alors harmonisés. Le Cimap a cité à titre d'exemple le fait que les délais d’avis des architectes des bâtiments de France sur les permis de construire aux abords des monuments historiques passeraient de quatre à deux mois (voir notre article du 19 novembre 2012).
C. Mallet
Et l'Etat dans tout ça ?
Après la publication récente du rapport de la Cour des comptes et de celui des hauts fonctionnaires Jean-Pierre Weiss et Jean-Marc Rebière, le gouvernement entend réformer l’administration territoriale de l’Etat. Il l'a redit lors de ce Cimap, y consacrant un volet sur trois dans son relevé de décisions.
Comme le préconise la mission Weiss-Rebière, le gouvernement prendra des "
engagements de projet et de service public", visant en priorité l’emploi, la sécurité et la jeunesse. Ce travail interministériel sera arrêté avant la fin 2013 et présenté aux associations d’élus et d’usagers pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2014. Mais surtout, le gouvernement veut
donner aux préfets la main sur les budgets régionaux : "les préfets de région deviendront responsables des budgets opérationnels de programme (BOP) gérés par les services placés sous leur autorité." Une expérimentation sera ainsi lancée dans trois régions métropolitaines (Bretagne, Aquitaine, Rhône-Alpes) et deux régions d’outre-mer (La Réunion et la Martinique) dès l’été 2013 pour une généralisation en 2014.
En revanche, le gouvernement ne souhaite pas engager de nouvelle réorganisation territoriale, contrairement à ce que recommandaient les deux rapports.
L’échelon départemental sera préservé. "La répartition des effectifs sera réalisée de manière équitable et différenciée entre les échelons centraux, régionaux et départementaux", est-il précisé. Une concertation sera engagée dès septembre avec les fédérations de fonctionnaires. Un travail sera mené parallèlement pour harmoniser les conditions des agents des directions départementales interministérielles.
Le gouvernement entend par ailleurs encourager, à l’échelon infra-départemental, le développement des "
Maisons de l’Etat" instaurées par le précédent gouvernement dans le cadre de la RGPP. Le choix d’implantation de ces maisons se fera de manière "pragmatique", les préfets élaboreront un plan d’action.
Autre priorité :
l’égalité d’accès aux services publics sur tout le territoire. Il lancera une concertation qui s’articulera autour de deux volets : "la construction d’une offre de service au plus près des territoires conjuguant la présence physique de proximité avec les nouvelles fonctionnalités offertes par les ressources numériques et le développement des espaces mutualisés de service public." La démarche expérimentale "+ de service au public" sera confortée : le nombre de lieux d’implantation des espaces mutualisés passera de l’ordre de 300 lieux à 1.000.
Matignon confirme par ailleurs la
création d’un commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) qui sera installé début 2014. Il sera placé sous l’autorité du Premier ministre et sera mis à disposition de la ministre de l'Egalité des territoires et du Logement et du ministre délégué chargé de la Ville. Comme le recommandait le rapport Wahl remis à Cécile Duflot au printemps, dans l’un de ses scénarios, le commissariat regroupera en son sein les services de la Datar, de l’Acsé (Agence nationale de la cohésion sociale et l’égalité des chances) et du secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV). Il comprendra un pôle dédié à la politique de la ville "bien identifié", résultant de la fusion entre l'Acsé et le SG-CIV, avec un commissaire délégué à sa tête. Le commissariat sera mis à contribution pour l’élaboration de la nouvelle génération de contrats de plan Etat-région 2014-2020. Chaque ministère concerné pourra faire appel à lui. Ce CGET constituera un "instrument de justice territoriale et de lutte contre les inégalités spatiales, que celles-ci se situent dans les quartiers populaires des grandes villes, dans le monde rural, en zones périurbaines ou dans la France des villes petites et moyennes, où le sentiment de relégation est réel", se réjouit le ministère de l’Egalité des territoires, dans un communiqué.
M. Tendil